Quel est le point commun entre Culhat, dans le Puy-de-Dôme, Beaulon, dans l’Allier et Saint-Solve, en Corrèze? La disparition du café du village… et sa prochaine réouverture. Ces trois communes du Massif central font partie des premières candidatures retenues dans le cadre du plan «1000 cafés». Cinquante-et-unes autres sont en cours.
Bonne nouvelle : à Culhat, 30 km au nord-est de Clermont-Ferrand, la candidature présentée par la mairie dans le cadre de l’appel à projets « 1 000 cafés » a été vali- dée. Le local de l’ancienne épicerie va devenir un bar multiservice. Une décision dont se félicite Gilles Dartois, premier adjoint : « La municipalité avait déjà le projet d’en faire un espace de convivialité et de rencontres ». Quelle meilleure définition pour le café du village ? Lancé en septembre, l’appel à projet « 1 000 cafés » est porté par Groupe SOS, acteur de l’économie sociale et solidaire, avec le soutien de l’État. L’initiative rencontre un bel engouement : 680 communes des quatre coins de la France se sont déjà manifestées, plus d’une cinquantaine dans le Massif central (*). Objectif : revitaliser les bourgs ruraux à travers des lieux regroupant des activités commerciales et sociales. Chaque café pourra ainsi proposer un panel de services de proximité : débit de bois-
sons, épicerie, restauration légère, relais postal, accès internet ou programmation culturelle. Les établissements, achetés ou loués par SOS, seront tenus par un binôme de mandataires gérants.
Entre Lévezou et les Grandes Causses, Montjaux (Aveyron) aimerait voir rouvrir son café-restaurant. La mairie attend une réponse du Groupe SOS.
©SERGESAL
Le projet de Montjaux (Aveyron) est intégré à celui du multiservice existant, qui dispose d’un coin restaurant, mais pas d’une licence IV.
13 000 € LA LICENCE IV
Comme de nombreuses petites communes, Culhat, 1 200 âmes, comptait autrefois deux cafés. L’un n’est plus qu’un souvenir, l’autre est devenu un restaurant et ne sert à boire que pendant les services. En septembre, les élus découvrent « 1 000 cafés » dans les pages du journal local et candidatent. Le dossier a tout pour convaincre : l’ancienne épicerie, vacante depuis plus d’un an, appartient à la mairie. Les murs seront loués en même temps qu’un appartement. Situé sur la rue à sens unique qui traverse le village, le local bénéficie de plusieurs places de parking. La mairie a prévu des aménagements et a voté l’achat d’une licence IV, 13 000 €. « Notre cahier des charges prévoit aussi le maintien du relais Poste, le retrait de colis et un dépôt de pain, détaille Gilles Dartois. Et nous sommes ouverts aux idées des futurs gérants : jeux de hasard, accès Internet, soirées à thème… S’ils retransmettent les matchs de l’ASM, tant mieux ! » Le café devrait ouvrir après les municipales. « La réussite se jouera sur la fréquentation. Les habitants sont enthousiastes, mais il faudra qu’ils viennent et reviennent ! » La commune de Saint-Solve, en Corrèze, vient elle aussi d’obtenir le feu vert. En mai 2019, L’Auberge, unique bar-restaurant du village, ferme. Son propriétaire, après dix-huit ans de bons et loyaux services, met en vente pour raisons de santé. La mairie adresse une candidature au Groupe SOS, qui approuve courant janvier. L’établissement marche bien, la licence IV est incluse. Peu de travaux sont à faire. « L’achat du fonds et des murs est en cours, confirme le maire, Jean-Claude Yardin. Plusieurs personnes ont candidaté auprès de SOS pour tenir les lieux. L’ouverture devrait avoir lieu en avril. Il y aura un dépôt de pain, un relais bancaire et l’étage sera transformé en chambres d’hôtes. »
Plus de la moitié des communes de moins de 3 500 habitants ne disposent d’aucun commerce du quotidien, ni de cafés ou de débit de boissons.
©GROUPE SOS
LE MULTISERVICE COMMUNAL
Le projet de Beaulon (Allier) a également été retenu ; à Montjaux, dans l’Aveyron, on vient tout juste d’envoyer le dossier. Alors que le Bar-restaurant du château, fermé depuis deux ans, est en vente, le maire, Jean Froment, a choisi d’implanter le projet de nouveau café dans le multiservice communal. « La priorité est de remettre un café au cœur du village, indique l’élu. Il y a trop de travaux à faire dans l’ancien bar-restaurant. Les services de proximité sont déjà là ; il ne manque plus qu’une autorisation de débit de boissons. » Dans le dossier, le tourisme estival a été mis en avant, tout comme l’absence de travaux à prévoir : « L’endroit est parfaitement opérationnel, il n’y a plus qu’à visser la plaque de la licence », sourit l’élu. Dans le Lot, le Cantal et en Lozère, d’autres communes sont aussi en attente d’une réponse. Souhaitons-leur de convaincre !
À Culhat (Puy-de-Dôme), le futur café s’installera dans les locaux de l’ancienne épicerie, vacants depuis plus d’un an.
Il y avait 600 000 bistrots en France en 1960 ; il en reste aujourd’hui environ 34 000. Selon l’Umih, 26 000 communes françaises n’ont plus de café.
(*) Candidatures en cours : Haute-Loire, 2 ;
Allier, 13 ; Puy-de-Dôme, 7 ; Corrèze, 6 ;
Aveyron, 9 ; Lozère, 2 ; Lot, 12.
TROIS QUESTIONS À Chloé Brillon, directrice du projet « 1 000 cafés »
A.d.P. : Sur quels critères SOS valide-t-il les candidatures ?
C.B. : Les communes candidates doivent avoir moins de 3 500 habitants, pas de café ou un établissement menacé de fermeture. Un local vacant et adapté doit être disponible; le projet doit être porté par la municipalité. Nous évaluons bien sûr l’activité potentielle du lieu. Mais le critère fort reste la volonté de la commune et des habitants de voirce type de lieu émerger. Il y a eu par le passé des projets similaires qui n’ont pas abouti, car pas en adéquation avec la demande locale.
A.d.P. : Comment sont sélectionnés les candidats à la gérance ?
C.B. : Nous recherchons avant tout des personnes avec une fibre entrepreneuriale : c’est un investissement personnel et professionnel important. L’expérience de l’hôtellerie-restauration n’est pas un prérequis, mais peut être un plus. Les gérants seront formés, notamment sur les compétences obligatoires liées à l’activité de débit de boissons et sur le volet animation territoriale. Les candidats doivent montrer qu’ils sont en capacité de proposer des services variés.
A.d.P. : Quel sera leur statut ?
C.B. : Celui de mandataire-gérants non salariés. SOS sera propriétaire de l’entreprise. Nous assumons le risque financier pour créer un cadre sécurisant. Un travail est mené en amont pour mettre en place un modèle économique leur permettant d’assurer une rémunération à hauteur du Smic. Ils auront aussi une part d’intéressement aux bénéfices. On reste sur des activités modestes, mais économiquement viables. Groupe SOS est une structure de l’économie sociale et solidaire, sans actionnaires. Il n’y a en aucun cas d’objectifs de versement de dividendes à des investisseurs.