Le pont-l’évêque en héritage

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À Saint-Philbert-des-Champs, dans le Calvados, Jérôme Spruytte répète la tradition familiale. Comme son père et son grand-père, il produit du pont l’évêque, l’une des quatre AOP de fromage en Normandie. Le lait est issu des 110 vaches normandes élevées par Raphaël Spruytte, son fils.

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Le troupeau de vaches de race normande de la famille Spruytte. Crédits : Aurélien Peyramaure

Jérôme Spruytte représente la troisième génération de sa famille à produire du pont-l’évêque, l’une des quatre appellations d’origine protégée (AOP) de Normandie dans la catégorie des fromages, avec le livarot, le neufchâtel et le camembert de Normandie. « Cela fait 90 ans que nous en faisons », confirme fièrement l’agriculteur fromager. Le lait indispensable à la conception du fromage est issu de ses 110 vaches de race normande, élevées par son fils Raphaël, à Saint-Philbert-des-Champs, dans le Calvados, à seulement 2km du bourg où se situe la ferme. Le troupeau est produit « en auto renouvellement, afin d’éviter les pathogènes non désirables », précise le fromager. De plus, « la ferme est basée sur le pâturage, avec 90 hectares de prairie naturelle ». Sur les 720.000 litres de lait produits chaque année, 120.000 sont destinés à la fabrication du pont-l’évêque, le restant étant vendu au groupe agroalimentaire Lactalis pour la fabrication du camembert. « Nous avons droit aux trois appellations camembert, pont l’évêque et livarot », explique Jérôme Spruytte.

Quand nous lui demandons pourquoi il ne produit pas les deux autres, il répond simplement et avec franchise : « Je suis dingue de ce fromage et je ne sais pas faire les autres ! » Le producteur fermier réalise une production tous les matins, avec le lait tout juste collecté. « La spécificité fermière est de travailler son propre lait. Il est à température, après la traite. La grande différence est qu’il possède le goût de lait chaud, d’étable, ce qui est très positif. Parce que le lait qui est refroidi à 4°C puis remonté en température ne possède pas le même goût », explique-t-il. Jérôme Spruytte reste dans la tradition. À ce titre, il a conservé non seulement la méthode de fabrication de ses grands-parents, mais également l’atelier de fabrication. Celui-ci dispose d’une cave naturelle qui apporte au produit « de la rusticité et de la typicité, avec de la persistance en goût avec une croûte davantage marquée, champignonnée », comme le développe le fromager, avant d’ajouter : « Je suis dans l’authentique. »

Treize jours de cave

Concrètement, le lait connaît un ajout de présure destiné à le faire cailler, c’est-à-dire le faire coaguler pour qu’il devienne du fromage. Celui-ci est mis en moule pour égouttage. En outre, avec 400 litres de lait, le fromager réalise 110 pièces. Ainsi, un pont-l’évêque de 400 à 450g nécessite 3,6 litres de lait. Les fromages sont ensuite retournés trois fois le premier jour, puis deux fois le deuxième et, enfin, salés lors du troisième jour. Lors du cinquième jour, ils sont descendus en cave d’affinage et positionnés sur la tranche, collés les uns aux autres. Cette technique permet non seulement un gain de place, mais empêche également le séchage des fromages, et entraîne la formation du Geotrichum candidum, le « champignon de couverture du pont-l’évêque ». En effet, ce dernier « doit présenter des stries orange sur sa surface ». En outre, un humidificateur présent dans la cave permet de donner au produit plus d’onctuosité et un côté moins sec. Les fromages sont retournés quotidiennement d’un quart de tour et remontent au plus tard lors du 18e jour, après 13 jours de cave à 14°C.

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