La bonnotte de Noirmoutier : pépite d’or primeur

  • Temps de lecture : 4 min

Sur l’île de Noirmoutier, en matière d’agriculture, la pomme de terre est reine. Et si l’on en trouve plusieurs variétés cultivées sur ce bout de terre dans le golfe de Gascogne, la bonnotte reste de loin la plus prisée. Sa récolte ne s’étale que sur quelques jours en mai et sa production se limite à 200 tonnes.

Ouverture Bonotte

Originaires de Barfleur dans la Manche, les premières semences de bonnotte ont été introduites à Noirmoutier durant l’entre deux-guerres par un cultivateur perspicace. Elle conquiert les insulaires sous le nom de bounotte, bonnette ou encore bonnet, puis s’affirme sous l’appellation de « bonnotte » pour séduire le continent. Variété à succès, elle subit pourtant un sérieux revers dans les années 1960, à l’heure de la mécanisation des récoltes. Elle est presque totalement délaissée à cause de sa fragilité et de son manque de rentabilité, car la bonnotte ne peut être ramassée qu’à la main. Presque, car quelques irréductibles Noirmoutrins ont continué de la cultiver au fond du jardin familial. Et c’est grâce à eux qu’en 1995, après quelques années de recherche à l’Inra de Brest (Institut national de la recherche agronomique), la Coopérative des producteurs de Noirmoutier relance sa culture. L’année suivante, les exploitants vendent leur petite récolte aux enchères, à Drouot. Sur les 20 tonnes mises en vente, un lot de 5 kg s’envole au prix de 15 000 francs. Il n’en faudra pas plus pour faire de la bonnotte une star et lancer sa réputation de pomme de terre « la plus chère au monde ».

Semée à la Chandeleur, la bonnotte se développe dans une terre légère et sablonneuse jusqu’à donner une plante au feuillage vert touffu, haute de quelques centimètres, qui s’orne de fleurs blanches. Pomme de terre primeur, elle est récoltée obligatoirement à la main, après quatre-vingt-dix jours de maturation. « C’est une variété fragile. Ces tubercules forment une grappe autour de la tige; on doit donc retourner un peu la terre de chaque sillon à l’aide du tracteur avant de les détacher une par une », explique Laurent Damour, agriculteur noirmoutrin. Un travail difficile qui ajoute encore à son caractère exceptionnel. Sur l’île, environ six hectares sont dédiés à cette variété éphémère, dont la récolte est lancée depuis vingt-cinq ans par la Fête de la bonnotte, le premier samedi du mois de mai. À cette occasion, quelques mètres carrés de champs sont ouverts au public, qui vient ramasser les pommes de terre dans une ambiance bon enfant. Après cet événement, la récolte se poursuit durant les quinze premiers jours de mai, produisant environ 200 tonnes de pommes de terre qui seront distribuées, en quelques jours, dans toute la France. Petite, très claire, de forme plus ronde et plus plate que les autres variétés, la bonnotte possède un goût sucré, proche de celui de la châtaigne. Si certains, comme l’agricultrice Céline Damour, la préfèrent « cuite avec beaucoup de beurre et de la fleur de sel de Noirmoutier », elle a également séduit de nombreux chefs, qui ont imaginé de nouvelles manières de la cuisiner : farcies, grillées, en gnocchis… ou même en dessert, comme Patrice Millasseau, chef de l’Étier à Noirmoutier, qui la cuisine en gâteau sucré, à l’orange.

Coopérative des producteurs de Noirmoutier.

1.
1. La bonnotte de Noirmoutier ne détient ni appellation d’origine contrôlée (AOC) ni appellation d’origine protégée (AOP). Toutefois, la Coopérative des producteurs de Noirmoutier est propriétaire de la semence, empêchant ainsi toute production hors de l’île sans son autorisation.
2.
2. En période de récolte, les livraisons s’enchaînent à la coopérative, où les pommes de terre sont lavées, triées et conditionnées en bourriches dans la journée. Une cinquantaine de saisonniers vient d’ailleurs appuyer le travail des vingt salariés de la coopérative.
3.
3. Aujourd’hui, la Coopérative de Noirmoutier fédère 30 producteurs, dont 28 produisent de la bonnotte. Sur l’île, quatre autres variétés de pommes de terre primeur sont cultivées : la sirtema, la lodéa, la lady christ’l et la charlotte. Depuis 2018, les coopératives de Noirmoutier et Ré sont désormais associés en union commerciale pour vendre leurs productions, qui représentent environ 25 % de la production française de pomme de terre primeur.
4.
4. Les pommes de terre de Noirmoutier sont des primeurs et sont donc récoltées après seulement quatre-vingt-dix à cent jours de maturation, conservant ainsi une petite taille et une peau pelée. Pour obtenir cette appellation, la législation impose également qu’elle soit commercialisée avant le 15 août.
5.
5. La bonnotte est calibrée à l’aide de grilles selon trois tailles : grenaille (moins de 32 mm), moyenne (entre 32 et 52 mm) et grosse triée (au-dessus de 52 mm). Elle est ensuite conditionnée en bourriche de 5 à 10 kg
6.
6. Chaque année, la Fête de la bonnote est l’occasion pour le grand public de venir ramasser des pommes de terre avant de les faire peser, de payer et de les emporter. La journée se poursuit par un jeu de piste organisé par des volontaires de la coopérative, avant de se terminer par un banquet, où l’on peut déguster des bonnottes accompagnées de sardines de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.
7.
7. Au début des années 2000, quelques producteurs sont allés présenter la bonnotte aux chefs new-yorkais. Pour autant, cette variété reste trop fragile pour l’exportation. Produite en petite quantité, elle est commercialisée exclusivement en France.
PARTAGER