Marché de l’énergie : comment s’y retrouver ?

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Dans le contexte particulièrement tendu du coût de l’énergie la question de sa consommation et sa stratégie énergétique s’impose.

Illustration énergie
Comment se repérer dans les méandres du marché de l'énergie ? Crédits : Unsplash.

Un domaine trop longtemps sous-estimé et qui revient désormais tel un boomerang pour beaucoup d’entreprises. La fin d’année 2022 a fait office d’électrochoc pour de nombreuses entreprises. En fin de contrat et au pied du mur, elles n’ont eu d’autres choix que de signer des contrats d’énergie exorbitants. Une situation qui a révélé un déficit généralisé d’information des professionnels sur ces questions. « Les restaurants ont peut-être négligé le poste énergie parce qu’elle n’était jusque-là pas très chère. Ils vont devoir développer une nouvelle compétence pour planifier ce budget », estime Johann Simon, CEO de RSW, spécialiste dans l’optimisation de l’énergie.

Les restaurants équipés de compteurs bleus (36kVA) bénéficient du bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement. Mais en réalité, une majorité de la profession utilise des compteurs jaunes (66kVA), a priori plus adaptés aux fortes puissances. « Avant, c’était assez facile de demander un surdimensionnement de la capacité électrique, explique Johann Simon. Quand on était proche du tarif bleu, on avait tendance à passer d’emblée vers le tarif jaune. Même s’il y avait un léger surcoût, ça restait intéressant d’autant que le kWh en jaune était moins cher. Mais ça, c’était le monde d’avant et à mon sens, on ne retrouvera pas les mêmes niveaux de prix qu’avant. »

CHR en compteur bleu, c’est possible

Alors, quels leviers actionner pour ne pas subir les prochains mois ? « Les leviers dépendent du moment où on se place, note Jean-Sébastien Degouve, cofondateur et président d’Opéra énergie, courtier en énergie pour les entreprises. Le plus compliqué, c’est pour une entreprise qui a reconduit son contrat en sa défaveur. À part réduire sa consommation, optimiser les heures pleines-heures creuses et mobiliser les aides gouvernementales, les options sont limitées (les fournisseurs ont accepté, le 6 janvier, de renégocier les contrats des TPE conclus à la hausse au second semestre 2022, [dans la limite de 280€/MWh, NDLR]. »

Une situation d’urgence à court terme pour laquelle l’entreprise RSW a une solution : faire revenir en compteur bleu les entreprises soumises aux fluctuations des prix, grâce à un système de délestage du compteur. « Le système d’Optilesteur permet de revenir rapidement à un tarif bleu, mais à terme et au regard de ce qui se passe aujourd’hui, il permet aussi de valoriser un fonds de commerce. Le tarif bleu va devenir un refuge », souligne Johann Simon. Les délesteurs sont des automates, connectés sur le compteur, qui viennent couper les appareils lorsqu’ils n’ont pas besoin d’appeler de la puissance. Un chef d’orchestre de l’énergie, en quelque sorte. De cette manière, même dans des établissements dont les installations sont importantes, la puissance appelée simultanément n’est jamais supérieure à 36kVA.

« L’idée est de faire foisonner les puissances pour que tous les appareils n’en demandent pas en même temps. Pendant un service, on a l’impression que tous les appareils sont en demande en permanence, mais ce n’est pas le cas parce que chacun d’entre eux se régule. » Les délesteurs tirent parti de ces temps morts pour optimiser la puissance appelée. L’objectif étant, bien entendu, de ne pas gêner le fonctionnement du restaurant et d’éviter les coupures. Jerome Baller gère le restaurant Pierrot (Paris 2e) et a investi autour de 8 000€ dans un optimiseur de puissance il y a deux ans, installé sur son compteur 36kVA pour pallier une difficulté technique.

« À l’époque, j’avais un fourneau à gaz et malgré ça, mon compteur électrique ne suivait pas. Ça sautait deux, trois fois par service. Au départ, je ne croyais pas vraiment à ce système, mais deux ans plus tard, je constate que je n’ai jamais eu de coupure, alors que j’ai maintenant un fourneau à induction en plus. Pendant le service, l’équipement appelle parfois jusqu’à 100kVA, et ça tient. Il y a seulement des microcoupures, on perd un peu en puissance sur un feu par exemple. Ça nous demande de jongler un peu mais au moins, ça ne coupe pas. » L’entreprise confirme la capacité du système à gérer une puissance cumulée assez importante.

« Pour une cuisine qui compte 100kW installés, les besoins sont de 80kVA environ, précise RSW. Avec un optimiseur, on descend à 35kVA, soit moins que le compteur bleu. » Notez bien qu’on parle ici de la puissance appelée pour faire fonctionner les appareils, pas de consommation d’énergie. Celle-ci reste la même et permet à tous les équipements de fonctionner normalement.

Développer sa connaissance du marché

Au-delà des solutions techniques, il est possible de contourner les difficultés du marché de l’énergie en s’intéressant à ses subtilités. Comme pour des produits financiers, les contrats d’énergie reposent sur différents mécanismes qui, s’ils sont analysés correctement, permettent de se positionner au bon moment. Rappelons de quoi se compose une facture d’énergie : la fourniture (l’énergie consommée), l’acheminement (la puissance du compteur) et les taxes.

Ces données contribuent à établir un profil de consommation et c’est cette base qui détermine le prix de l’énergie, et pas le volume consommé, comme on le pense souvent. Ce qui explique de grandes disparités entre des restaurants similaires qui auraient souscrit en même temps. « C’est en cela que le rôle du courtier a du sens. Il n’est pas seulement là pour mettre en concurrence des fournisseurs, mais surtout pour définir ce fameux profil de consommation », estime Jérôme Fauvet, directeur des partenariats chez Alliance des énergies, courtier en énergie pour les entreprises.

Pour préciser, le profil dépend à la fois du volume consommé, de la manière de consommer (lissé dans le temps ou par à-coups), des moments de consommation (été/hiver et heures pleines/heures creuses) et de la puissance souscrite. L’électricité ne se stocke pas, Enedis doit donc sans cesse équilibrer le réseau en fonction de la demande. Les « bons élèves », ceux qui consomment de manière constante et aux périodes les moins tendues comme l’été ou les heures creuses, payent moins cher. En fonction de l’activité, on peut aussi voir si la consommation pourrait être mieux répartie sur l’année pour lisser le prix.

Si on veut faire des économies, on peut donc se demander dans quelle mesure certaines opérations pourraient être décalées, comme anticiper le préchauffage des fours et réaliser des cuissons en heures creuses par exemple. « La clé, c’est de questionner la manière dont on consomme l’énergie. En changeant ses habitudes, on peut espérer une baisse jusqu’à 20 % du budget énergie », estime Jérôme Fauvet. Dernière alternative, plus insolite, investir dans un groupe électrogène pour « s’effacer » du
réseau sur les heures les plus tendues et donc les plus chères, sans pour autant perturber le fonctionnement du restaurant.

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