À Argenteuil, la restauration moteur de développement

  • Temps de lecture : 7 min

Dotée du plus important nombre d’habitants du Val-d’Oise, Argenteuil nourrit de nombreux projets pour assurer sa croissance économique, et ainsi peser dans l’aménagement du Grand Paris. Grâce à la densification de l’off re d’hôtellerie-restauration, la ville va ainsi multiplier par cinq son parc de « restaurants de qualité » avec service à table. Un record en Île-de-France.

rgenteuil nourrit de nombreux projets pour assurer sa croissance économique.
rgenteuil nourrit de nombreux projets pour assurer sa croissance économique. Crédits : Au Coeur du CHR.

Sous préfecture du Val-d’Oise et plus importante ville du département avec 115.000 habitants, Argenteuil souhaite échapper à un sort peu enviable de cité-dortoir de lointaine banlieue. Revenu aux commandes de la mairie en 2014, le maire Georges Mothron a quitté la communauté d’agglomération Argenteuil-Bezons pour intégrer Argenteuil dans la métropole du Grand Paris. L’élu nourrit ainsi l’ambition que cette ville constitue à la fois la porte d’entrée du Val-d’Oise et le satellite direct de la capitale via son adhésion à la métropole du GrandParis.

De l’autre côté d’Argenteuil, se trouve en effet Colombes (Hauts-de-Seine) qui évolue dans la petite couronne. Argenteuil fait donc désormais partie et du Val-d’Oise et de Boucle Nord de Seine (EPT5) qui va de Clichy à Argenteuil en passant par sa cité voisine de Colombes. Georges Mothron n’oublie pas que par le rail, sa ville est à 10 min de la gare Saint-Lazare. Il compte profiter de cet atout en inaugurant dans deux ans, à proximité de la gare Argenteuil Littoral, un pôle d’activité accueillant start-up et entreprises innovantes. Ce projet avait été appuyé dès 2017 par le Grand Paris. De plus, un hôtel 4* devrait prendre place dans cet ensemble.

Des projets ambitieux

Figure politique incontournable à Argenteuil depuis son élection de député de la circonscription en 1993, Georges Mothron est devenu maire de la ville en 2001. Malgré une défaite électorale en 2008, ce membre des Républicains, aujourd’hui âgé de 74 ans, a pu se rasseoir dans le fauteuil de premier magistrat de la ville en 2014. Réélu en 2020, il conduit actuellement un ambitieux programme de redynamisation du centre-ville avec plusieurs projets clés. Outre Argenteuil Littoral, l’édile a souhaité reconquérir les 6 km de berges sur Seine qui bordent le territoire sud de la ville.

Occupés par le trafic de la D311 et par des entrepôts, ces quais devraient changer d’aspect dans les cinq ans, avec l’aménagement de promenades, de parcs, d’une piscine d’été (prévue en 2032), de restaurants sur péniches, mais aussi d’une artère commerciale et culturelle qui accueillera également des restaurants, des boutiques, un cinéma multiplex de neuf salles et la plus grande salle de spectacle du Val-d’Oise. Elle disposera de 900 places assises.

Le projet, intitulé la « Seine pour horizon », a été mis en animation. Il est visible sur le site de la ville. En outre, en 2024, Urban Valley Unik formera un espace d’innovations, de recherche et développement, et devrait permettre la création de plusieurs centaines d’emplois. Il est aussi destiné à instaurer un trait d’union entre le centre-ville et la Seine. Cet ensemble devrait modifier le visage de la ville en moins de dix ans. Damien Walker qui fait partie de l’équipe municipale et occupe le poste de maire adjoint à l’attractivité, au commerce et à l’innovation numérique est persuadé que l’hôtellerie-restauration agira comme le levain de ces projets de développement économique. Cette année déjà, un hôtel B & B (3) de 120chambres a ouvert ses portes en bord de Seine au sein de l’Atelier 114 qui comprend aussi 3 800 m2 de bureaux et 120 places de parking. L’établissement dispose d’un restaurant, la Brasserie des Artisans qui devrait bientôt ouvrir ses portes.

Dans  une  ville  de  115.000  habitants,  nous  ne  disposons  que  de  trois  restaurants  de  qualité
Damien Walker,

Damien Walker estime en effet que les besoins en matière d’hôtellerie-restauration sont vastes. « Dans  une  ville  de  115.000  habitants,  nous  ne  disposons  que  de  trois  restaurants  de  qualité, à savoir proposant un menu autour de 15  à 30 € avec restauration à table. La restauration  rapide est en revanche hypertrophiée, ce qui nuit  à l’image du centre-ville. Dans notre effort de  reconquête, je m’efforce de juguler le développement de la restauration rapide et celui d’une offre  plus haut de gamme.  » La politique établie par l’adjoint porte déjà ses fruits. Entre novembre et le printemps 2023 la capacité globale de la restauration locale avec service à table sera multipliée par cinq. Les restaurants argenteuillais vont ainsi passer de 200 à 1 000 places assises.

De plus, quatre restaurants offrant de 40 à 100 places vont voir le jour et le Moulin d’Orgemont, emblématique édifice de la ville, a déjà rouvert ses portes après quatre années de fermeture. Un petit groupe local de restauration a investi 5 M€ dans le rachat et les travaux de ce vaste bâtiment qui présente un panorama exceptionnel sur l’Île-de-France. Il devrait comporter, à terme, trois restaurants distincts de 470 places assises. Damien Walker annonce également qu’un premier projet de restaurant guinguette est à l’étude. La mairie a déjà pris contact avec Voies navigables de France pour installer un ponton sur la Seine qui pourra recevoir un établissement dans le cadre d’une concession. La ville d’Argenteuil peut compter sur ses habitants et sur tous ceux qui pourvoiront les emplois générés par ces différentes zones d’activités pour faire fonctionner ces restaurants. Mais elle mise sur une attractivité plus large encore en lorgnant le tourisme.

Le réaménagement des bords de Seine et le développement d’une offre culturelle pourraient y contribuer. La récente ouverture au public au mois de septembre de la Maison impressionniste Claude Monet parti-cipe également à cet objectif. Argenteuil veut s’ouvrir le plus largement possible au Grand Paris. Cette volonté sera même visible sur le plan géographique puisque la ville souhaite doubler le pont de Colombes par une passe-relle piétonne et cycliste. Et si Argenteuil rede-venait un lieu de villégiature des Parisiens, rôle qu’elle tenait lorsque Monet et Sisley la peignaient ?

L’exemple d’un lieu atypique

Le Moulin d’Orgemont a rouvert ses portes à la fin de novembre sur les hauteurs d’Argenteuil. L’endroit est spectaculaire, non seulement pour sa vue panoramique sur l’Île-de-France, mais aussi pour son décor de péniche retournée. Un restaurateur parisien, Alain Zick qui avait acheté ce moulin en 1951, avait fait démonter une péniche à Hambourg pour l’ins-taller à l’envers au sommet de la colline francilienne. Il lui a fallu vingt ans pour accomplir ce dessein. Le Moulin était aussi célèbre pour son carrousel Hippomobile, désormais présenté au musée des Arts forains (Paris 12e). Mais au fil des années, cet établissement qui a longtemps drainé une clientèle importante s’était assoupi.

Il était fermé depuis quatre ans. Heureusement, Isho groupe a décidé de réveiller la belle endormie. François Yalap, gérant de ce holding, a réalisé un fort investissement pour l’achat et la rénovation du Moulin d’Orgemont. Isho est un regroupement d’entrepreneurs qui intervient dans quatre secteurs: jeux mobiles, immobilier, import-export et restauration. Dans ce dernier domaine, Isho groupe exploite un concept de brasserie, le Faubourg, déjà implanté avec succès à Enghien et à Nanterre. C’est d’ailleurs Yoann Gaudin, ancien responsable de ces établissements, qui dirige le Moulin d’Orgemont en tant qu’associé dans le fonds d’exploitation. C’est le concept du Faubourg qui a pris place sous la péniche. Ce premier restaurant doté de 180 places est déjà opérationnel.

Un second établissement, Il Mulino, proposera à partir de la fin décembre une cuisine italienne, à proximité de la tour du Moulin, dans une salle de 50 places. Enfin, un autre bâtiment voisin qui abritait l’ancien carrousel devrait ouvrir au printemps. Avec une capacité de 200 places assises, il fonctionnera comme une salle de réception. Le Moulin dispose en outre de 200 places en terrasse. Yoann Gaudin en bon connaisseur de ce secteur demeure persuadé qu’il y a un énorme potentiel local : « Nous visons d’abord les plus de 40 ans qui bénéficient d’un bon pouvoir d’achat et qui ne disposent pas de restaurant de qualité sur le secteur. » Par ailleurs, le restaurateur reste confiant dans les atouts naturels du site. La cuisine du Faubourg, dirigée par Stéphane Couzinet devrait confectionner une cuisine traditionnelle composée exclusivement de produits frais. Le ticket moyen devrait tourner autour de 50 €.

Rhet Bentoumi mise sur sa ville natale

iRhet Bentoumi dans son épicerie.
Rhet Bentoumi dans son épicerie.

Argenteuillais et fier de l’être, Rhet Bentoumi a accompli un beau parcours dans la restauration. Depuis ses débuts en 2000, il a possédé simultanément jusqu’à huit restaurants. Il détient encore un bar à Montpellier et quatre établissements à Paris, Les Coltineurs (16e) et Rivoluzione, la Lotta, Le Chat ivre, dans le quartier de Bastille. Spécialisé dans les épiceries du terroir ainsi que les bars à vins bio et naturels, ce restaurateur qui habite à Argenteuil depuis 1986 n’avait pourtant jamais investi dans cette ville. Mais il y a quelques années, il a estimé que le moment était venu de créer, rue Gabriel-Péri, Il Picolo, une épicerie. Comme il l’explique, le succès a été au rendez-vous : « Après la crise, les gens avaient envie de se faire plaisir, le CA a été multiplié par sept. »

Je crois que désormais la gentrification est en marche

Encouragé par ce succès, il a racheté un local voisin pour y établir le Bistrot Il Picolo, qui devrait ouvrir au début de l’année prochaine. La clientèle pourra y apprécier une cuisine traditionnelle. Côté vins, elle aura le choix entre les 500 références de l’épicerie, au prix affiché dans la boutique, moyennant un droit de bouchon de 10 €. Fort de cette prestation dont le ticket moyen ne dépasse pas 35 €, Rhet Bentoumi espère fédérer une clientèle locale importante : « Il y a un énorme potentiel. Il n’y a actuellement que deux ou trois restaurants pour une ville de 115 000 habitants. Si on compare à Boulogne-Billancourt, on trouve 1 800 restaurants. Il y a une vingtaine d’années, il y avait de nombreux établissements à Argenteuil qui réalisaient des affaires florissantes. Puis la ville a connu un long trou noir. Mais je crois que désormais la gentrification est en marche. »