Une distillerie sur les terres d’Île-de-France

  • Temps de lecture : 3 min

Un agriculteur de Seine-et-Marne a créé une distillerie sur sa ferme, alimentée en partie par les produits de ses champs. Il y réalise des gins primés, mais aussi du whisky et même du rhum.

Patron Isle-de-France. Antonin Van Niel et Olivier Ile devant l'alambic. Crédit DR.
Patron Isle-de-France. Antonin Van Niel et Olivier Ile devant l'alambic. Crédit DR.

Plusieurs distilleries ont ouvert leurs portes à Paris et dans sa région, ces dernières années. Mais celle d’Isle-de-France est unique en son genre, puisqu’elle a été fondée par un agriculteur, Olivier Flé, qui a utilisé les produits de son exploitation pour fabriquer des alcools. C’est à Fresnes-sur-Marne (Seine-et-Marne) que cette distillerie a pris place dans une ancienne étable en 2019. Trois ans plus tôt, Olivier Flé, comme la plupart des agriculteurs franciliens, avait enregistré une récolte céréalière calamiteuse mettant en péril son exploitation.

«Les agriculteurs se sont tournés vers la région, raconte Olivier Flé. Valérie Pécresse, présidente de la Région a refusé de dégager des subventions, mais elle a accepté le principe d’aides à des diversifications qui nous permettraient de vendre directement des produits aux Parisiens. Elle considérait que c’était gagnant-gagnant.» Olivier Flé a eu l’idée de distiller lorsqu’il découvre une bouteille de whisky fabriquée à Versailles.

Mais le Versailles en question est une localité du Kentucky (États-Unis), où est installée la célèbre Woodford Reserve. L’agriculteur, qui a grandi dans la ferme de ses parents, située à proximité du château de Versailles, a regretté qu’un producteur français n’ait eu l’idée de produire du whisky à proximité du palais royal. Avec l’aide de la Région et d’un ami, Antonin Van Niel, consultant en informatique, il décide ainsi d’installer un alambic dans la ferme qu’il a acquise en 2008.

Un troisième associé, Michaël Landart, propriétaire du bar à cocktails Maria Loca (Paris 4e ) et grand spécialiste du rhum, a rejoint le duo après une rencontre dans un festival. La distillerie de l’Isle de France a choisi de travailler avec un alambic Stupfler, conçu à Bègles (Gironde). Cet équipement dispose d’une colonne de rectification et l’agriculteur estime que cela «donne une patine aux alcools».

Le gin s’impose

De fait, la fabrication de whisky est assez modeste et se résume à quelques fûts. Même si Olivier Flé produit en quantité de l’orge et du seigle sur ses 200 ha de terre, il lui est difficile de faire malter de petites quantités d’orge et de brasser avant de distiller. Pour son whisky, il emploie donc des produits qui ne viennent pas de son exploitation, comme il le rêvait au départ. Il lui arrive aussi de distiller des lots de bière provenant de brasseries franciliennes voisines. En outre, pour mettre un whisky sur le marché, il est nécessaire d’attendre trois ans. Pour une jeune entreprise, l’immobilisation de capitaux est lourd. Olivier Flé et ses amis se sont ainsi concentrés davantage sur le gin, un produit qui a le vent en poupe et qui offre un large champ d’investigation.

Pour ce faire, ils utilisent de l’alcool surfin (96 °) issu de la distillation, par la sucrerie voisine, de ses propres betteraves. L’alcool est ensuite réduit à 60/65 °. L’agriculteur réalise alors des macérations dans l’alcool de plantes et d’aromates locaux comme les carottes, le gingembre et bien sûr le genièvre. Dans une autre cuve, il fait fermenter les mêmes ingrédients, voire d’autres selon les recettes. Pour passer en alambic, il faut d’abord assembler le macérat et la fermentation. Les combinaisons botaniques sont multiples et le gin prend la marque végétale des saisons, avec les cuvées d’automne et de printemps.

Cette dernière a obtenu une médaille d’or au concours général agricole 2023. Le gin peut aussi se combiner avec l’ananas pour créer le gin #3. La distillerie de l’Isle de France succombe en effet à la tentation exotique. Michaël Landart a entraîné ses amis sur les chemins du rhum et les a persuadés de distiller de la mélasse, afin de créer des rhums franciliens.

Il faut préciser que, en raison de l’interdiction d’importer de la mélasse des territoires d’outre-mer, la distillerie fait venir cette mélasse de Cuba ou d’autres destinations étrangères. Le trio s’est concentré au départ sur une version du Falernum, mais déjà des rhums distillés sur place ont entamé des vieillissements en fûts dans les chais de la ferme. Les anges franciliens y auront leur part  !

PARTAGER