La grande interview : Catherine Quérard, présidente du GHR
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Voilà quelques mois dans nos colonnes, la présidente du GHR, Catherine Quérard, annonçait que l’année 2025 serait compliquée face à une montagne de défis… une prédiction qui se révèle malheureusement exacte. Pour autant, l’univers du CHR « fluctuat nec mergitur » pour reprendre la devise de Paris. Des solutions existent et les volontés sont là.

Quel regard portez-vous sur la période actuelle ? On pourrait parler d’immobilisme…
En vérité, nous sommes dans un immobilisme de façade. Beaucoup de réformes générales touchent notre profession. Je pense notamment au dossier des retraites. Parallèlement, tous les acteurs du CHR et au-delà sont en attente d’une véritable stabilisation politique. Les enjeux sont nombreux. Voilà quelques mois, j’avais annoncé que l’année 2025 serait difficile. Elle l’est sans conteste… La question du PGE (prêt garanti par l’État) est toujours prégnante. Il reste un an avant la fin des remboursements. Or, la rentabilité des acteurs de la restauration et de l’hôtellerie a été divisée par trois ou quatre en 2024. La marge nette est passée de 11% à 3%…
Dans le même temps, les enjeux sont nombreux. C’est le moins que l’on puisse dire. A titre d’exemple, la profession est confrontée à une crise des vocations. Elle doit également accompagner une transition qui est à la fois environnementale et sociétale. Et nous défendons la filière toute entière. Elle est partie prenante de notre savoir-vivre, de notre culture. Quand je vois la belle qualité des produits proposés, par exemple, au MIN de Rungis de la part de nos agriculteurs … Grâce à eux, nous pouvons faire rayonner le bien manger à la française à travers le monde. Mais nous sommes contraints de naviguer au fil de l’eau de l’actualité.
C’est la première fois que je constate de la part d'entrepreneurs une réticence face au paiement de l’impôt
En somme, le bâteau tangue…
Mais il tient bon ! Cela dit, les entreprises sont inquiètes et elles ont le sentiment désagréable de ne pas être entendues par nos dirigeants. Il est impératif qu’elle puisse créer de la valeur afin de participer à l’effort collectif (après un bref silence d’ajouter). C’est la première fois que je constate de la part d’entrepreneurs une réticence face au paiement de l’impôt.
A vous entendre, rien ne bouge finalement

Nos entreprises ont besoin d’une trajectoire claire. Le CHR exerce un rôle social et sociétal non délocalisable qui nous est envié dans le monde entier. Alors, pourquoi cela ne marche plus ? Notre secteur rassemble les gens. Nous défendons à la fois la qualité des produits, le goût, l’inclusion … des vertus qui parlent à tout un chacun.
Pour autant, au premier trimestre 2025, nous notons encore une hausse des défaillances. Le CHR fait partie des trois ou quatre secteurs les plus touchés selon la Banque de France. Résultat, 70% des restaurants ont une note dégradée, et 60% pour les hôtels. D’où des difficultés pour emprunter, alors que, dans le même temps, le remboursement du PGE demeure une réalité.
Quelle conséquence aura la politique commerciale de Donald Trump dans le CHR ?
Ses annonces en politique douanière ont représenté une onde de choc mondiale. Le CHR ne sera pas le premier impacté mais il subira les vagues suivantes. Nous sommes face à une concurrence mondiale en matière touristique, et l’Europe est en perte de vitesse, la France y compris.
Le déclin de notre compétitivité est dû en grande partie aux lourdeurs administratives et fiscales que subissent les entreprises. Notre ministre du Tourisme, Nathalie Delattre, souhaite que la France devienne la première destination mondiale « durable ». Cela exige de ne pas demeurer attentistes et, au contraire, d’agir, même si des élections se tiennent l’année prochaine. Et nous avons le sentiment que la haute fonction publique ne comprend pas les enjeux, notamment ceux liés au CHR.
Vous dressez là un tableau très pessimiste
Nous sommes un secteur d’utilité publique ! Nous créons de l’endorphine pour nos clients
Non, absolument pas. Ce n’est pas un tableau pessimiste mais réaliste. Face à cela, que fait-on ? L’histoire nous révèle que les plus grandes phases de progrès naissent de périodes difficiles. Les acteurs du CHR sont intimement convaincus du rôle social et sociétal de leurs actions. Que ce soient des grands groupes ou des indépendants. Il existe une conscience collective assumée, et nous ne resterons pas derrière nos écrans à ne rien faire.
Prenons les problèmes un par un. Qu’en est-il du titre-restaurant ?
Aucune réponse à cette heure. En revanche, si un double plafond, l’un pour le CHR, l’autre pour la GMS, n’est pas mis en place alors les dégâts seront importants pour la restauration populaire du midi. Une telle décision mettrait à bas toutes les valeurs de la profession que j’évoquais tout à l’heure.
Par rapport à des acteurs de la grande distribution, le fait de pérenniser la fiscalité dans l’objet du titre est une question de santé publique. La diversité alimentaire permet de lutter efficacement contre l’obésité. Je le répète. Si le double plafonnement n’est pas retenu, cela traduirait un manque de courage et d’objectivité.
Sur la question des pourboires. Ils ne doivent en aucun cas être fiscalisés !
En revanche, pour l’emploi des salariés étrangers, vous êtes plutôt satisfaites ?
Oui, mais c’est une nécessité car nos métiers sont en tension. Néanmoins, le décret n’a pas encore été publié (à fin avril 2025 – NdlR). L’objectif du CHR n’est pas de créer un appel d’air à l’immigration, comme on peut l’entendre ici ou là. Mais les personnes qui travaillent déjà doivent pouvoir conserver leur emploi, et être rassurées sur leur avenir professionnel.
Le travail est un formidable outil d’insertion. Cependant, ceux qui ne travaillent pas ne nous concernent pas. Ce n’est pas notre sujet.
Par ailleurs, des chantiers sont en cours, notamment dans la loi de simplification, et nous espérons que ce n’est qu’un début. Autre exemple, une mesure de bon sens pour les trésoreries qui devrait être mise en place. A savoir la mensualisation des loyers, alors que de nombreux baux prévoient leur paiement au trimestre.

Également, concernant l’énergie, il est prévu d’étendre le bouclier tarifaire à toutes les PME réalisant jusqu’à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et dont la puissance électrique souscrite est inférieure ou égale à 250 kilovoltampères. Il est également prévu de donner le droit aux entreprises de résilier leur contrat dans un délai de 3 mois en cas de projet de hausse des prix et de changer de fournisseur dans un délai court. Des mesures réclamées de longues dates par le GHR.
Et pour les autres chantiers comme la RSE…
Parmi les autres chantiers en cours, je pense tout naturellement à la qualité de vie au travail (QVT), à la réforme du bonus-malus, aux mesures liées à la transition environnementale et à leur mise en œuvre, des sujets auxquels le GHR est partie prenante et est même signataire. Je pense à ce titre au plan de sobriété hydrique dans le tourisme signé début mai avec notre ministre de tutelle… des sujets au long cours.
En revanche, il existe d’autres actualités préoccupantes. La question des pourboires. Ils ne doivent en aucun cas être fiscalisés ! Mais également celle de la taxe de séjour. La hausse de la taxe aérienne a déjà un impact négatif sur les flux de nos aéroports. Il ne faudrait pas que ce phénomène se reproduise cette fois pour l’hôtellerie.
Quoi qu’il en soit, nous attendons beaucoup des assises de la restauration et des métiers de bouche qui débutent aujourd’hui (mardi 13 mai – Ndlr). La défense du CHR continue ; on ne lâche rien !