La stratégie d’Axa : payer maintenant, pour économiser plus tard

  • Temps de lecture : 3 min

En surprenant tout le monde avec ce revirement de situation et son enveloppe de 300 millions d’euros, Axa poursuit un double objectif : redorer son image, mais aussi et surtout faire des économies à terme en prévision d’une possible défaite en cour de cassation.

Cynisme, moquerie, les adjectifs pour qualifier le revirement d’Axa, jeudi 10 juin, ont été légion chez les restaurateurs et les syndicats. Guillaume Aksil, avocat au bureau de Paris et défenseur de nombreux restaurateurs face à l’assureur, y voit de son côté une stratégie, destinée à faire des économies à moyen-long terme, et à redorer son image. 

La Cour de cassation, le facteur X

Depuis son revers à la cour d’appel d’Aix-en-Provence en février, la rumeur circule qu’Axa prépare un pourvoi en cassation. « En réalité, ce dernier existe potentiellement, mais n’est pas formalisé. Je le vois quand je parle à leurs avocats en province : je leur demande, ils me disent oui, puis je leur dis qu’il n’est pas formalisé, et ils se rétractent immédiatement : ils ont peur d’en parler ». En pratique, si le pourvoi n’est pas officiel, à partir du moment où il a été déposé, Axa a trois mois pour le formaliser et avertir la partie adverse. 

Si le jugement en cour d’appel fait souvent office de jurisprudence, la Cour de cassation n’est pas surnommé « juge du droit » pour rien : si Axa venait à perdre, l’effet serait dévastateur économiquement puisque tous les restaurateurs concernés pourraient alors attaquer en justice avec une garantie solide de sortir gagnants. 

D’après l’avocat Guillaume Aksil, cette annonce d’Axa aurait donc potentiellement pour but de réduire la facture finale. « On ne sait pas s’ils vont aller jusqu’au bout de leur pourvoi, mais s’ils le font cette enveloppe de 300 millions leur permettrait à terme d’économiser beaucoup plus, même en cas de défaite. » En effet, l’assureur a actuellement provisionné 1,5 milliard d’euros pour ses frais de justice. En proposant une offre à prendre ou à laisser autour de 20.000 euros à l’ensemble des ses assurés, il économiserait ainsi à chaque fois la différence avec ce que le restaurateur aurait pu toucher en l’attaquant en justice, soit 40.000 à 60.000 euros de moyenne. 

Une offre à prendre ou à laisser, un « abus de position dominante » pour Guillaume Aksil

Depuis jeudi matin, les agents Axa sont sur le pied de guerre, multipliant les appels aux restaurateurs. « D’après les retours de nos clients, on est vraiment sur une offre incitative, à prendre ou à laisser, explique Guillaume Aksil. Le deal c’est « vous acceptez maintenant, les 20.000 euros sont sur votre compte à la fin du mois ». Par contre, les restaurateurs n’ont que jusqu’au 30 septembre pour se décider. En réalité, les professionnels manquent cruellement de trésorerie, et Axa le sait. Il en profite pour abuser de sa position dominante, et je ne trouve pas cela correct du tout. »

L’avocat, comme les syndicats professionnels, appelle les restaurateurs à ne pas se précipiter et à prendre conseil auprès de leurs comptables ou avocats avant de donner une réponse définitive. « Ce qui est certain, c’est que vous toucherez beaucoup moins que ce à quoi vous pouvez prétendre en acceptant la proposition d’Axa », conclut-il. 

PARTAGER