Contrôles de police dans les restaurants : on vous répond

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Avec la crise sanitaire, les contrôles de police se sont intensifiés dans les bars et restaurants.

La multiplication de variants toujours plus contagieux à la Covid 19, mais pas forcément plus virulents, conjuguée à la volonté des pouvoirs publics de préserver la vie économique (et l’argent public), se traduit par l’application d’un protocole sanitaire en évolution constante, dont la bonne application relève largement de la responsabilité des gérants de bars et restaurants. Dans le même temps, les contrôles de police augmentent sensiblement, et l’appel au discernement des agents lors des premières vagues semble avoir laissé place à des consignes de durcissement, voire parfois, à une application obtuse des règles. Dans ces conditions, il est essentiel pour le patron de connaître ses droits et obligations. Maître Antoine Carle, avocat associé au cabinet Novlaw, nous éclaire sur les bons réflexes à adopter.

Antoine Carle, cabinet Novlaw
Antoine Carle, cabinet Novlaw

Diplômé en Droit des collectivités territoriales  et en Droit public des affaires, Antoine Carle est avocat au barreau de Lyon depuis 2014. Il dirige le pôle services publics et collectivités chez Novlaw avocats.

Quelles sont les règles actuelles applicables ?

Le protocole sanitaire est en constante évolution, la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Au 1er février 2022, le passe vaccinal est obligatoire dans l’ensemble des restaurants et bars, terrasses incluses pour toutes les personnes à partir de 16 ans1. Seuls sont exonérés les restaurants des hôtels pour les petits déjeuners de la clientèle. Il existe également un flou juridique concernant l’organisation de soirées privées dans lesdits établissements.

« Nous vous conseillons néanmoins d’éviter de telles organisations, surtout si elles sont susceptibles d’être visibles (devanture donnant sur la voie publique) ou portées à la connaissance des autorités (voisinage, passants, badauds). »

Il concerne tout autant la clientèle que le personnel (en terrasse, en salle, comme en cuisine malgré la position plus souple du Ministère du travail).En outre, il faut également mettre en place un registre détaillant les personnes habilitées à effectuer les contrôles de détention de passe, ainsi que les jours et horaires des contrôles effectués par ces personnes, de même qu’un référent covid-19 doit être désigné. Par ailleurs, le masque est obligatoire pour le personnel et les clients, dès l’âge de 6 ans, pour leurs déplacements à l’intérieur et en terrasse.

De même, si les textes réglementaires ne le prévoient pas, la doctrine ministérielle précise qu’il doit couvrir le nez, la bouche, et le menton en continu. Le gel hydroalcoolique doit être mis à la disposition aux entrées et sorties de l’établissement, ainsi que dans les sanitaires. Les informations sur les mesures d’hygiène et de distanciation doivent être affichées en devanture et/ou au sein de l’établissement. L’affichage doit être bien visible des clients. Enfin, si la gestion des flux et l’organisation de l’établissement (moyens de paiement à privilégier, présentation dématérialisée des cartes, conditions de ventilation et de nettoyage) apparaissent davantage comme des recommandations que de véritables prescriptions, je vous conseille vivement de les respecter. Attention, le protocole est susceptible d’être adapté par arrêté préfectoral en fonction de la situation sanitaire au niveau local.

Comment se déroulent les contrôles de police ?

La police nationale, la gendarmerie nationale et la police municipale sont habilitées à effectuer les contrôles de bonne application du protocole sanitaire. Aucun cadre normatif ne vient encadrer spécifiquement le déroulement de ces contrôles « Covid 19 ». Ils ont, en principe, lieu au hasard. Toutefois, nous constatons que les évènements attirant des flux de population exceptionnels donnent logiquement lieu à davantage de contrôles.

On relève également que certains établissements sont historiquement dans le collimateur des forces de l’ordre. En pratique, les forces de l’ordre s’assurent du port du masque par l’ensemble du personnel de l’établissement et des personnes debout dans l’établissement, de la présence de l’affichage des informations liées aux règles d’hygiène et de distanciation et de la présence de distributeurs de gel hydroalcoolique. Ils contrôlent ensuite la validité de l’ensemble des passes du personnel et des clients présents. Puis, ils comparent le nombre de passes contrôlés par l’établissement au nombre de clients présents (les applications permettent d’avoir un historique quantitatif). En effet, l’obligation du gérant porte sur la vérification de la détention de passes sanitaires.

« Cela signifie qu’il peut potentiellement être sanctionné pour l’absence de vérification d’un client malgré la situation sanitaire régulière de celui-ci. »

De manière bien plus aléatoire, ils contrôlent également la prise en compte des recommandations en termes de gestion des flux et d’organisation de l’établissement pour éviter les contacts. A l’issue de leur contrôle, les forces de l’ordre font part au gérant de l’établissement, ou au référent « Covid 19 », de leurs constatations. Le cas échéant, ils dressent – en principe – un procès-verbal en cas de faute dans la mise en œuvre du protocole et/ou un rapport administratif destiné au préfet, et informent le gérant sur la ou les sanction(s) encourue(s).

Attention, les forces de l’ordre ne sont pas compétentes pour prendre directement un arrêté de mise en demeure ou de fermeture de l’établissement. Notre recommandation à ce stade est de faire en sorte que le contrôle se déroule de la manière la plus cordiale possible. Il est donc préférable de ne pas invectiver les forces de l’ordre et de tenter de maîtriser les réactions des clients, parfois véhémentes sous l’effet de l’alcool. Par expérience, il n’est pas plus recommandé de demander aux forces de l’ordre de présenter leur passe !

Quelles sont les sanctions encourues ?

Le gérant d’un établissement ne respectant pas les règles issues du protocole sanitaire est à ce jour susceptible d’être sanctionné par une fermeture de l’établissement, après mise en demeure, et le paiement d’amendes, voire une peine d’emprisonnement en cas de récidive. L’absence de contrôle de la détention du passe vaccinal ou sanitaire est sanctionnée spécifiquement par une mise en demeure de se conformer à l’obligation dans un délai de 24 heures au plus, et en cas de nouveau manquement, une fermeture administrative de 7 jours au plus. En cas de récidive à plus de trois reprises au cours d’une période de 30 jours, 6 mois d’emprisonnement, 3 750 € d’amende et une peine complémentaire de travail d’intérêt général.

« Attention à ce jour, l’obligation des gérants ne porte que sur la détention d’un passe sanitaire, et pas sur l’identité des clients. »

Ainsi, la présentation d’un faux passe ne saurait être, en tant que telle, reprochée au gérant. La violation des autres obligations issues du protocole, et principalement l’absence du port du masque au sein de l’établissement, peut également être sanctionnée par une fermeture temporaire, après mise en demeure.

Se pose toutefois la question du bien-fondé de la sanction lorsque le manquement est relevé à l’encontre de la clientèle, et qu’il ne peut manifestement pas être reproché au gérant d’avoir mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour instaurer et faire respecter la règle au sein de son établissement. Par ailleurs, à titre individuel, le fautif encourt également une amende de 135 euros, majorée en cas de récidive couplée à 6 mois d’emprisonnement une peine complémentaire de travail d’intérêt général.

Comment contester les sanctions prises contre le gérant ?

Les arrêtés portant mise en demeure de se conformer aux obligations relevant du protocole et de fermeture temporaire peuvent être contestés devant le tribunal administratif par un recours au fond dans un délai de 2 mois à compter de leur notification. Toutefois, le délai d’instruction du recours étant d’au moins 1 an, ce recours est généralement inefficace en cas de fermeture temporaire. Le recours en référé est également possible – suspension ou liberté – permettant de solliciter une réouverture en urgence de l’établissement.

Néanmoins, il est presque impossible d’obtenir une décision en moins de 5 jours à compter de la fermeture. Son utilité doit donc être appréciée au regard de la durée de la fermeture. Enfin, le recours indemnitaire vise à obtenir réparation du préjudice résultant de la fermeture illégale de l’établissement, laquelle correspond principalement à la marge perdue.

Attention, toute fermeture doit en principe être précédée d’une mise demeure. Ainsi, si vous estimez que la mise en demeure repose sur le constat d’un manquement inexistant ou révèle une situation contestable, il est opportun de contester immédiatement la mise en demeure sans attendre un nouveau contrôle. Afin de contester utilement ces arrêtés, il est nécessaire d’adopter les bons réflexes suivants : refuser de signer tout document constatant le ou les manquements ; réunir des attestations sur l’honneur du personnel et de la clientèle présente ; et utiliser les images des caméras de sécurité, voire les photos et vidéos prises par les personnes présentes, dans des conditions régulières. Et bien évidemment, garder son calme !

Notes
  1. Les adolescents de 12 à 15 pourront continuer à présenter un « passe sanitaire » comprenant un test PCR ou antigénique négatif de moins de 24h.

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