CHR : le grand n’importe quoi des mutuelles

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D’abord annoncé comme signé, avant que l’Umih ne s’y oppose, l’accord frais de santé du secteur CHR tourne au vinaigre. Un nouvel acteur, Colonna, est venu jouer les trouble-fête et brouiller encore plus les pistes. Le dialogue entre organisations du secteur s’annonce tendu, si dialogue il-y-a.

Malakoff Humanis. Crédits : Au Coeur du CHR.

Bonjour,

Dans votre question, vous nous demandez où en est l’accord autour du régime conventionnel de santé dans l’hôtellerie-restauration. Signé le 28 juin 2022 par l’ensemble des organisations syndicales et une partie des organisations patronales, ce nouveau régime s’applique de fait depuis le 1er juillet dernier pour toutes les entreprises du secteur sous contrat avec Malakoff-Humanis ou Klésia. La cotisation, d’un montant de 47 euros, est divisée à part égale entre le salarié et l’employeur.

Ce qui était prévu

Initialement, le contrat signé entre les différentes organisations syndicales prévoyait une répartition à la charge de l’employeur à hauteur de 65 %, afin que l’augmentation de la cotisation reste la plus transparente possible pour le salarié. Ainsi, ce dernier ne devait s’acquitter que de 35 % du montant mensuel, soit deux euros supplémentaires par mois par rapport à l’ancien régime. Les choses ne se sont cependant pas passées comme prévu.

Revirement de l’Umih

Le 25 juillet, les organisations syndicales (CFDT, FO, CGT et CFE-CGC) se réjouissaient par voie de communiqué d’une « avancée majeure » pour les salariés du secteur. Le dialogue social et la signature n’avaient pas été simples, notamment en raison du congrès de Forces ouvrières qui se tenait quelques jours avant la date de signature. Enfin unis, les organisations ont salué « cette unanimité syndicale, relativement rare dans la branche, apparue naturelle au regard des réponses apportées par cet accord aux difficultés actuelles rencontrées par les salariés de la branche ».

Une semaine plus tard, le 3 août, un communiqué émanant de l’Umih vient doucher les espoirs des syndicats : « Le Conseil d’administration de l’UMIH, réuni ce jour mercredi 3 août, s’est exprimé à une large majorité en faveur du droit d’opposition au projet d’accord de branche proposé par les partenaires sociaux ».

Le mot, c'est la sidération

« Klésia et Malakoff-Humanis nous ont assuré que toutes les organisations allaient signer, nous étions soulagés», raconte Stéphanie Dayan, secrétaire nationale CFDT Services. Puis l’Umih informe la CFDT et les autres syndicats que Roland Heguy a décidé d’interroger la base, et se dirige vers une non-signature, puis vers une opposition totale.

« On n’a jamais vu ça, souffle un acteur syndical proche du dossier. Ça rend la suite du dialogue social particulièrement compliqué. On est totalement tributaires des élections à l’Umih et de la résolution – ou non-résolution – de leurs conflits internes. »

En parallèle de l’opposition à l’Umih, le groupe Colonna émet une offre concurrente en santé collective destinée aux TPE-PME de l’hôtellerie-restauration. À la tête d’un portefeuille « majoritairement constitué d’indépendants groupés en associations de franchisés, notamment d’Accor et de Burger King », le président du groupe, Xavier Colonna, explique sa manoeuvre dans une interview à l’Argus de l’Assurance : « Nous ne faisons que répondre à une sollicitation forte des entreprises qui tombe manifestement à pic. Les garanties de l’offre Colonna Partners répondent à leurs besoins. » Cette offre, en association avec la mutuelle générale, ambitionnait de proposer un tarif entre 30 et 32 euros aux professionnels, bien en-deça des 47 imposés par Malakoff et Klésia.

De quoi tenter de nombreux restaurateurs enragés par la communication des mutuelles historiques du secteur. « Il faut bien se rendre compte que 120 % d’augmentation, c’est 3.000 euros par an pour une entreprise de 10 salariés », témoigne un ancien syndicaliste, sous couvert d’anonymat. D’après la CFDT, 1.200 entreprises du secteur auraient déjà quitté l’accord de santé collectif.

Attention néanmoins : si les mutuelles Malakoff et Klésia ont certainement pêché par excès de confiance, en imposant une augmentation – quoique justifiable – trop forte et trop rapide, Colonna pêcherait lui en proposant des termes « irréalistes », assènent des proches du dossier que Au Coeur du CHR a contacté : « Une mutuelle à 32 euros, ça ne tient déjà pas. Les restaurateurs engagés avec Colonna vont prendre d’énormes augmentations dans les années à venir. »

Et maintenant ?

Une commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation (CPPNI) est prévue le 3 octobre. « Nous avons remis l’accord sur les frais de santé à l’ordre du jour, explique Stéphanie Dayan, mais nous ne savons pas encore si l’Umih enverra quelqu’un, ou plus concrètement s’ils seront actifs dans le dialogue, en raison de leur contexte interne, avec les élections prévues le 27 octobre. »

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