Augmenter ses prix, oui. Mais comment ?

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Face à l’inflation, des restaurateurs se demandent quelle stratégie adopter pour répercuter l’augmentation des prix sur la carte. La rédaction répond à votre question.

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Image d'illustration pour digital. Crédits : Blake Wisz / Unsplash.

Bonjour,

Dans votre question vous nous demandez quand, et comment répercuter l’inflation des matières premières sur la carte de votre restaurant. Avec Yves Paugam, expert-comptable au cabinet Steco, spécialisé dans l’accompagnement des professionnels de l’hôtellerie-restauration, la rédaction vous répond.

Yves Paugam

Commissaire aux comptes et expert-comptable, Yves Paugam exerce au sein du cabinet Steco. Ce cabinet fondé en 1958 en Charente-Maritime (17) officie à La Rochelle, Rochefort, La Flotte en Ré, Fontenay le Comte, Poitiers, Les Herbiers, Cholet, Bordeaux et Paris, avec une forte spécialisation dans l’accompagnement des professionnels des CHR.

L’augmentation globale plutôt qu’un ciblage spécifique

Voilà une question qui pourrait faire débat : vaut-il mieux répercuter l’inflation sur l’ensemble de la carte, poste par poste selon l’augmentation des matières premières concernées, ou sur quelques produits choisis ? Pour Yves Paugam, la meilleure solution restera toujours une augmentation globalisée et répartie sur l’ensemble de la carte, en tenant compte des coefficients multiplicateurs. En restauration à table, ces derniers sont traditionnellement fixés entre 4 et 4,5 par rapport au prix d’achat hors taxe. Ils permettent de maintenir une marge brut autour de 75 %. « Il faut repasser sur le prix hors taxe de chaque menu en tenant compte de son augmentation récente, et jouer avec le coefficient multiplicateur pour ajuster le prix à la réalité de l’inflation », explique Yves Paugam. Mais ce paramètre n’est pas le seul à prendre en compte…

Une démarche stratégique et complexe

Le restaurateur passionné par son métier n'est pas nécessairement comptable. À ce titre, il aimerait probablement avoir une recette facile à comprendre et à appliquer pour répercuter l'inflation sur ses prix. Cette dernière n'existe malheureusement pas. En plus du jeu du coefficient multiplicateur et de préserver sa marge brut, le professionnel doit se poser plusieurs questions.

La première est stratégique : que font les autres restaurants alentours, et comment maintenir mon image et ma compétitivité face à la concurrence ? Cette réflexion implique d'aller discrètement regarder chez le(s) voisin(s) pour ne pas être pris en défaut quand ces derniers changeront leur politique tarifaire, ou alors ne pas être le seul à répercuter fortement l'inflation. Cela implique donc de manipuler l'augmentation des prix avec prudence.

Réduire les portions, contacter ses fournisseurs

« Il faut actionner tous les leviers dont dispose le propriétaire de l'établissement », appuie Yves Paugam. Dans cet arsenal, afin de tempérer l'augmentation des prix, le restaurateur peut également opter pour la réduction raisonnée et raisonnable des portions. Enfin, contacter ses fournisseurs est également un paramètre à prendre en compte. « On peut tenter de négocier un gel du prix, même si je n'y crois pas trop dans le contexte actuel. Sinon, on peut augmenter ses quantités à l'achat pour pratiquer des économies d'échelle, ou changer tout simplement pour un fournisseur moins cher ». Attention, moins cher pouvant signifier des produits de moins bonne qualité.

Attention à la psychologie tarifaire

Il n'est pas rare que les prix d'un menu s'extraient de leur réalité financière pour bénéficier à une approche marketing. Ce sont les prix psychologiques, le fameux menu à 19,90€ plutôt que 20€. « Quand on augmente ses prix, il faut rester stratégique dans la mesure du possible », prévient Yves Paugam. Toutefois, ce dernier tempère la perception que peut avoir le client de l'inflation. Le comptable explique : « Il y a des perceptions individuelles et collectives. D'après les dernières études de l'Insee, la baisse de pouvoir d'achat brut des ménages n'est qu'à 1,1 % (Lien vers l'étude). La perception individuelle du client n'est donc pas un frein particulier à l'augmentation des tarifs. » Attention à la communication également, prévient Yves Paugam.

« L'inflation peut servir d'argument pour contrer le client mécontent, mais elle ne doit pas devenir un élément de communication pour l'ensemble de la clientèle. Le message envoyé serait négatif, et participerait à l'anxiété générale »
Yves Paugam,

« Ce qui rend la situation particulièrement complexe pour le restaurateur, c'est le fait de sortir d'une crise pour rentrer dans une autre, poursuit-il. Pour se faciliter la vie, il pourrait se laisser tenter par une approche empirique de la situation, c'est à dire : "l'inflation est de 5%, j'augmente donc mes prix de 5%". Ce n'est pas une bonne approche. » Attention toutefois à ne pas tomber dans l'excès inverse, qui serait d'attendre le bilan comptable de 2022 pour réagir.

L'occasion de revoir sa stratégie globale et de faire le bilan

« C'est maintenant qu'il faut réagir, insiste l'expert-comptable. Cette situation est l'occasion de faire un bilan, se poser les bonnes questions et changer sa stratégie, d'autant plus avec le mur de l'énergie se profilant. Les restaurateurs doivent inclure dans leur réflexion l'inventaire des coûts fixes et variables, et les nécessaires investissements à réaliser. Cela peut être une machine ancienne trop consommatrice, le réseau électrique, et tenter d'optimiser tout ce qui peut l'être pour se préparer à la période à venir. Elle sera potentiellement plus rude que celle que nous vivons actuellement. »

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