Chauffages extérieurs : coup de froid sur les terrasses chauffées

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La problématique du chauffage en terrasse revient sur le devant de la scène, après l’interdiction qui vient d’entrer en vigueur au 1er janvier, à Rennes. Au cœur du débat, l’impact sur l’environnement des radiateurs et autres parasols chauffants est pointé du doigt par les élus écologistes. L’interdiction des terrasses chauffées instaurée dans la préfecture de Bretagne n’est pas encore à l’ordre du jour dans la capitale.

Ville de Paris terrasses
La Ville de Paris accueillerait environ 13 500 terrasses. Ⓒ Unsplash

« Si le Qatar veut climatiser ses rues en été, nous, on chauffe à l’extérieur en hiver », ironisait Jacques Boutault, maire du 2e arrondissement, au dernier Conseil de Paris. Le groupe écologiste de Paris, dont est membre l’élu, a déposé le 12 décembre un vœu pour interdire les chauffages de terrasses dans la capitale. Ce vœu considère « qu’une terrasse de 12 m2 chauffée durant une journée émet autant de gaz à effet de serre qu’une berline roulant pendant 300 km ». Il est donc primordial pour les élus écologistes parisiens que cette interdiction soit effective dès le 1er janvier 2020, ce que prévoit déjà une charte adoptée par la ville de Rennes (Ille-et-Vilaine). 

À Rennes, il est interdit de chauffer les terrasses depuis le 1er janvier 2020. 

Or, à Paris, l’exécutif a donné un avis défavorable au vœu soutenu par les écologistes. La Mairie de Paris ne souhaite pas agir précipitamment à trois mois des élections municipales, mais admet être « très sensible à la question des terrasses chauffées ». La Ville ajoute qu’une révision globale du règlement des étalages et terrasses « est nécessaire » sur plusieurs points. « Nous avons suffisamment de recul pour faire un bilan. Une concertation doit être menée avec chacun des acteurs : les restaurateurs, les riverains, les associations et les élus, a soutenu Olivia Polski, adjointe à la maire chargée du commerce et de l’artisanat. Nous engagerons une discussion avec les professionnels du secteur pour trouver les alternatives possibles. » 

Thème de campagne des écologistes

Mais cette concertation ne devrait être lancée avant la période 2020-2021. Jacques Boutault est déçu que cette problématique des terrasses chauffées soit remise à plus tard par la municipalité : « Compte tenu de l’urgence climatique, je pensais que la maire de Paris aurait plus de volonté sur le sujet. La Mairie de Paris est l’otage du lobby des restaurateurs et des cafetiers : je ne vois pas d’autres explications (…). Nous ne voulons pas troller le prochain conseil de Paris [en février], mais ce sujet sera pour nous un thème de campagne. »

Selon Frank Delvau, président de l’Umih Paris-IDF, il y aurait justement « un peu de surenchère » à l’approche des élections. « Interdire non, mais réguler, oui », ajoute le représentant de l’organisation patronale, concernant la réglementation des terrasses chauffées. La Ville de Paris accueillerait aujourd’hui environ 13 500 terrasses, selon Marcel Benezet, président du GNI de l’hôtellerie et de la restauration (ex-Synhorcat). Les élus écologistes estiment que ce chiffre s’élève même à 22 000, en incluant les contre-terrasses. Par ailleurs, la clientèle parisienne aurait « une demande de terrasses confortables », soutient le conseiller du président du GNI, Franck Trouet. Les terrasses sont les derniers lieux de convivialité entre les fumeurs et les non-fumeurs. » Les terrasses représenteraient 30 % du chiffre d’affaires des restaurateurs et des cafetiers parisiens, selon une étude du GNI établie à partir de questionnaires. 

« Une perte de chiffre d’affaires »

Les terrasses sont très convoitées par les clients des bistrots et des bars parisiens. On y boit son café, on y fume et on y laisse flâner son esprit en observant les va-et-vient de la rue. « Il faudrait trouver une alternative, sinon nous paierions des droits de terrasses pour rien et ça serait encore une perte de chiffre d’affaires », concède Victor Farnoux, responsable de la Cantine de Belleville, dont la grande terrasse accueille plusieurs dizaines de clients, la journée comme le soir. En période hivernale, la terrasse de cette brasserie du 20e arrondissement serait à l’origine de 40 % du chiffre d’affaires. « Nous comprenons les interpellations, mais à nous de réfléchir à des solutions, estime Franck Trouet au GNI. Les professionnels passent tous progressivement à l’électrique. » La terrasse de la Cantine de Belleville n’est plus chauffée au gaz. Depuis un an, des radiateurs à néons électriques ont été installés, un système jugé par certains moins énergivore que le gaz. Pour autant, les bistrots et restaurants parisiens n’ont pas tous suivi cette démarche. « Le gaz met moins de temps à démarrer et ce n’est pas la même chaleur, on dirait que cela enveloppe, confie Christopher Garrido, l’un des responsables du Café Étienne (1er arrondissement), où quatre nouveaux parasols chauffants au gaz ont été récemment installés. Dehors, c’est un frigo ; il est impossible de chauffer autrement. J’ai déjà eu d’autres affaires où l’on proposait des plaids aux clients, mais cela ne change rien à l’histoire. » En hiver, la terrasse de ce bar-restaurant de la rue de Turbigo apporte chaque jour entre 1 500 et 2 000 euros de chiffres d’affaires, selon son directeur. « Les gens ne veulent que la terrasse, même s’ils ne fument pas, poursuit Christopher Garrido. Avec les grèves, la situation est déjà dure, alors si on enlève les terrasses chauffées… »

Les terrasses chauffées ne disparaîtront pas des cafés parisiens dans l’immédiat, mais les professionnels des CHR peuvent redouter une nouvelle augmentation des taxes. Le principe de pollueur-payeur, appliqué à Paris depuis 2011 pour les terrasses chauffées, pourrait encore évoluer. Alors que la Cour de cassation rendra bientôt une décision d’un contentieux entre la Ville de Paris et l’Umih Paris-IDF, jugeant « unilatérale » l’augmentation des droits de voirie en 2016, la révision du règlement des étalages et terrasses (RET) pourrait inciter les cafetiers et les restaurateurs à abandonner le chauffage en terrasse. Mais cette augmentation du « permis de polluer », comme le nomment les écologistes parisiens, sera-t-elle suffisamment dissuasive ?

Des alternatives à inventer

« Les fournisseurs peuvent trouver des solutions moins énergivores », reconnaît Franck Trouet, conseiller du président du GNI de l’hôtellerie et de la restauration. Pourtant, les offres de chauffage à destination des CHR ne sont pas aujourd’hui des plus écoresponsables.

La culture des couvertures et des plaids ne semble pas conforter les clients français. Si le gaz n’est plus l’unique moyen pour chauffer les terrasses des cafés, les alternatives restent faibles. Le chauffage électrique infrarouge serait éventuellement une première solution.

Ce dispositif « réchauffe les corps solides, mais pas l’atmosphère, contrairement au gaz » et permet « de rentabiliser 95 % de la chaleur émise ». Les appareils du fabricant Hedone sont, eux, munis de cellules infrarouges avec des capteurs de mouvements : « Si aucune présence n’est détectée, le système s’éteint au bout de quatre minutes. »

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