JOP Paris 2024 : quid du jeu des interdictions et des indemnisations ? 

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Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, c’est parti ! Pour autant, bien des interrogations demeurent chez les détenteurs de bars et de restaurants quant aux applications concrètes des diverses mesures mises en place pour la sécurité de cette manifestation mondiale.

Petit retour en arrière. Le 2 juillet dernier, la préfecture de police de Paris publie un arrêté de 46 pages. Son objet ? Réglementer et gérer l’occupation du domaine public avant, pendant et après chaque épreuve sportive dans Paris. Compétences normalement dévolues à la Mairie de Paris. Mais vu le caractère exceptionnel, voire historique, de l’événement, c’est donc à Laurent Nuñez, le préfet de police, donc à l’Etat, de tout prendre en charge. Lui sont transférés les pouvoirs de la circulation et du stationnement. Soit concrètement la gestion de la voirie, pour la période allant du 1er juillet au 15 septembre.

Cet arrêté distingue deux sortes de voies. Celles qui desservent les sites olympiques et paralympiques, et celles concernant les épreuves sur route.

Deux catagories

-La première englobe différents types: les «voies réservées» aux acteurs des JO, dont relève le périphérique, les «voies de délestage» qui permettent de détourner le public du circuit des «voies réservées», les «voies du parcours approche des spectateurs.» Autrement dit la gestion des foules, les zones rouge et bleu…

-La seconde intéresse les épreuves sur route et le titre 3 concerne toutes les terrasses. Deux articles à retenir.

Article 37

Il traite du cas des contre-terrasses installées sur des zones de stationnement. Par principe, elles sont interdites. Cela dit, l’interdiction varie selon la zone. Ainsi, celles sur une «voie réservée» ou une «voie de délestage» sont interdites du 1er juillet jusqu’au 11 septembre.

Alors que celles en «zone rouge» et sur «les parcours d’approche des spectateurs» sont interdites du 1er juillet au 11 août, puis du 27 août au 8 septembre.

«Même si elles sont autorisées du 12 au 26 août, il n’est pas réaliste de penser que les exploitants engagent les frais importants pour réinstaller le 12 août. Puis de désinstaller le 24 ou le 25. De fait, ils seront privés de cet outil tout l’été», souligne Philippe Meilhac, avocat spécialisé dans le CHR.

Article 38

Il concerne les terrasses et contre-terrasses installées sur les trottoirs. L’interdiction couvre une période allant du 1er juillet au 8 septembre. Interdiction qui entre en application quand un passage de spectateurs pour se rendre à une épreuve est attendu.

L’arrêté du préfet n’a été signé que le… 2 juillet, et les mesures individuelles notifiées à la dernière minute
Philippe Meilhac, avocat spécialisé dans le CHR

Ouvrir sans tout fermer

concerne les terrasses et contre-terrasses installées sur les trottoirs. L’interdiction couvre une période allant du 1er juillet au 8 septembre. Interdiction qui entre en application quand un passage de spectateurs pour se rendre à une épreuve est attendu.

« Il restera, en général, possible de poursuivre son activité jusqu’à 48 heures avant la fermeture obligatoire. Initialement, il était prévu de demander aux exploitants de ranger leurs terrasses deux heures avant chaque épreuve. Et pouvoir ensuite les réinstaller, poursuit-il. Mais cette solution, très difficile à mettre en place, n’a pas été retenue.» Et d’ajouter, après un temps de réflexion : « L’arrêté de la préfecture de police de Paris prévoit que les notifications aux exploitants se feront individuellement. Or, nous savons depuis plusieurs années que les JOP se tiendront au cœur de Paris. Mais l’arrêté du préfet n’a été signé que le… 2 juillet, et les mesures individuelles notifiées à la dernière minute. »

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Et de citer plusieurs établissements autorisés à installer de manière permanente des terrasses de dimension importante (près de 150 m²). Ils n’ont reçu que le lundi 22 juillet l’arrêté suspendant leur autorisation et leur enjoignant de démonter l’emprise (y compris le plancher) d’ici au jeudi 25 juillet. Le défilé des spectateurs étant attendu pour le samedi 27 juillet.« J’ai même eu un client qui a reçu une notification 22 pour le 23 juillet ! »

Méthodologie en cause ?

« Pour les terrasses équipées d’un plancher et de parois, les exploitants doivent faire appel à leur monteur. Sauf que ces entreprises ne peuvent pas se rendre dans Paris faute des QR Code nécessaires pour pénétrer dans la capitale! Au final, s’il maintient l’emprise, l’établissement risque un démontage d’office. Les Jeux Olympiques, une très bonne chose pour l’image de la capitale et du pays. Mais nous sommes face à un vrai problème de méthodologie et d’anticipation. »

Et de poursuivre : « A mon avis, les auteurs de l’arrêté du 2 juillet n’ont pas pensé aux grosses emprises sur voies. Celles qui sont équipées de plancher ou écrans. On ne les démonte pas en un claquement de doigt! »

A cela s’ajoutent des décisions de fermetures complètes d’établissements durant plusieurs jours. C’est le cas pour ceux situés Place du Tertre à Montmartre où passera une course cycliste. Ils devront baisser le rideau les 3 et 4 août en plein cœur des JOP. Mais les exploitants se sont mobilisés au travers d’une association, et avec l’aide d’élus locaux.

Résultat : un nouvel arrêté du jeudi 25 juillet ne prévoit plus leur fermeture « que » le samedi 3 août de 15 heures à 18 heures 30 et le dimanche 4, de 16 heures à 18 heures 40.

« Pour autant qu’une telle mesure paraisse moins pénalisante, sa mise en œuvre interroge et appelle des précisions de la part de la préfecture », remarque Philippe Meilhac. Et il regrette ces tergiversations de dernière minute. « Un tel revirement n’est peut-être pas étranger à la question de l’indemnisation du préjudice subi par ces établissements

L’indemnisation, c’est même la clé des nuisances actuelles.

Nous serons très vigilants sur les modalités d’indemnisation qui seront retenues car la situation actuelle est inédite
Philippe Meilhac, avocat spécialisé dans le CHR

Indemnisation or not Indemnisation ?

« Le 24 juin, tient à rappeler Philippe Meilhac, le Premier ministre a annoncé la mise en place d’une commission d’indemnisation. Elle est présidée par Dominique Laurent, conseillère d’Etat honoraire. Je connais bien les CRA, les commissions de règlement à l’amiable. Et elles se mettent en place à la suite de travaux sur la voirie. Elles ne donnent pas forcément satisfaction. Dans le cas présent,ne sont indemnisées que ceux qui subissent un préjudice «anormal» et «spécial». Comme en matière de troubles causés par des travaux publics. »

Autrement dit, selon ce régime d’indemnisation, imaginons une «que» de quelque milliers d’euros suite à une fermeture. Mais que son chiffre d’affaires avoisine les 3 millions d’euros. Résultat, l’exploitant a peu de chance d’être indemnisé.

« Les exploitants touchés doivent se préoccuper dès à présent du sujet», conclut Philippe Meilhac.

Et d’ajouter: «Nous sommes très vigilants sur les modalités d’indemnisation qui seront retenues. La situation actuelle est inédite et le régime juridique envisagé ne nous paraît pas approprié. »

Réponse en août, voire en septembre, si ce n’est à la fin de l’année…

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