Un pas vers la libéralisation

  • Temps de lecture : 5 min

Assouplie il y a quelques années, la législation des licences est toujours un frein pour certains entrepreneurs. Leur raréfaction programmée par la loi depuis 1941 est fatale pour de nombreux établissements ruraux. Les syndicats patronaux réclament une nouvelle réforme, même s’ils restent attachés au principe de ce dispositif qui constitue pour eux une marque de professionnalisme.

Le 1er janvier 2016, une simplification du régime des licences des débits de boissons entrait en vigueur. Elle se résumait à trois évolutions majeures : la fusion des licences II et III, l’élargissement des possibilités de transfert à l’intérieur de la région, et non plus à l’intérieur du département, comme précédemment. Ce dernier point s’accompagnait d’un assouplissement du transfert des licences, désormais possible même lorsqu’il s’agit de la dernière licence IV d’une commune (si le maire donne un avis favorable). Enfin, le délai de péremption d’une licence était porté de trois à cinq ans. Il faut toutefois savoir que ce délai est suspendu en cas de liquidation judiciaire ou en cas de fermeture provisoire prononcée par l’autorité judiciaire ou administrative. En corolaire, en 2017, un article de loi a permis à une personne de nationalité étrangère d’exploiter une licence IV.

Cet ensemble de mesures faisait souffler un vent de libéralisme dans une profession prisonnière du carcan des licences, hérité du gouvernement de Vichy.

Une adaptation nécessaire

Pourtant, en avril dernier, aux assises de la ruralité à Rodez, l’Umih a réclamé au gouvernement une nouvelle réforme du régime des licences, appelant de ses vœux la création d’un registre national des licences, le retour à une limite de transfert des licences aux départements limitrophes et surtout la création d’une nouvelle licence IV pour les communes rurales qui n’en ont plus. Comme le faisaient remarquer les représentants de l’Umih, la libéralisation des transferts s’était réalisée en faveur des métropoles régionales, au détriment des petites communes qui voyaient la disparition de leurs derniers débits de boissons s’accélérer. Au GNI, Pascal Pélissier, président de la branche cafés, est favorable aux mesures préconisées par l’Umih : « Globalement, nous som mes pour une simplification et une libéralisation de ce régime de licences. Il faut également pouvoir créer des licences IV dans des villa ges où elles ont disparu. C’est primordial.

Je pense aussi qu’il faut réfléchir au problème des licences temporaires, délivrées par les maires, qui constituent une concurrence déloyale, dénoncée par beaucoup de professionnels. »

Une réduction inexorable

Comme le rappelle l’Umih, en 1900, il existait un demi-million de cafés en France. En 1960, l’érosion était déjà bien entamée avec la présence de 200 000 débits de boissons.

Aujourd’hui, le nombre de licences IV en France oscille entre 30 000 et 35 000. À Paris, on en recensait 9 068 en 2014. Les spécialistes estiment que près d’un café ferme ses portes chaque jour, avec souvent de faibles chances de redémarrage ou de transfert de licence. L’évolution des comportements des Français et le caractère limitatif du système de la licence ont fait leur œuvre. Faut-il continuer dans cette voie ? La réduction du parc de licences est inexorable car on ne peut créer de licence IV ex nihilo . Elle est dangereuse pour deux raisons. En zone rurale, elle amplifie la disparition du lien social. En zone urbaine ou touristique, elle limite la créativité des entrepreneurs. Selon les départements, le prix des licences traduit cette disparité de ces tensions entre l’offre et la demande. Le phénomène est encore plus aigu qu’on ne croit car les licences III et IV sont soumises à un système de quotas. On considère qu’en deçà d’une densité d’un café pour 450 habitants, il est interdit de créer une nouvelle licence III ou de transférer une licence IV. À Paris, ce seuil est atteint, un numerus clausus est donc en vigueur pour les licences III comme pour les licences IV. Ce système de quotas est très discutable. Il est plein de bon sens dans une localité non touristique, mais, dans un environnement touristique, il s’avère contre-productif.

Pascal Pélis sier se montre toutefois plus mesuré et fait remarquer que la capitale ne manque pas de licences IV : « Dans certaines rues de Paris, comme Oberkampf, il y a même eu des arrêtés préfectoraux pour interdire les transferts de licence parce qu’il y avait trop de CHR. »

Un système dépassé ?

Aujourd’hui pourtant, les cafés vendent moins de 10 % de l’alcool consommé en France et ne représentent plus une menace réelle pour la santé publique. Politiquement, nos gouvernants seraient même prêts à troquer ce système malthusien contre une législation qui permette de contrôler les exploitants sans faire obstacle à leur volonté d’entreprendre. Nicolas Sarkozy lui-même, alors candidat à la présidence de la République, avait laissé entendre qu’il considérait ce dispositif archaïque.

Mais la profession s’accroche à ses licences, d’abord parce qu’elles représentent une valeur patrimoniale qui n’est pas anodine pour les petits exploitants. Elles se négocient de 10 000 à 60 000 euros, selon les départements.

Ensuite parce que c’est également une position de principe des syndicats professionnels qui ont poussé à la création d’un permis d’exploitation valable dix ans et renouvelable. Ce permis, qui découle d’une formation, est lié à la licence IV.

Il officialise une forme de responsabilisation de l’exploi tant qui pourrait à terme constituer un rempart face à des dérives paracommerciales.

Sept types de licences

Licence III : permet de vendre sur place des boissons alcoolisées du groupe 3.

Licence IV : permet de vendre sur place des boissons alcoolisées des groupes 3, 4 et 5.

Petite licence à emporter : permet de vendre à emporter des boissons alcoolisées du groupe 3.

Licence à emporter : permet de distribuer à emporter des boissons alcoolisées des groupes 3, 4, 5.

Petite licence restaurant : permet de vendre sur place des boissons alcoolisées du groupe 3 dans le cadre de l’accompagnement d’un repas.

Licence restaurant : permet de vendre sur place des boissons alcoolisées des groupes 3, 4, 5 dans le cadre de l’accompagnement d’un repas.

Licence temporaire : elle s’apparente à une licence III (hors Drom-COM), délivrée pour la durée d’une manifestation par le maire de la localité ou par la préfecture pour Paris.

Groupe 3 : boissons fermentées non distillées (vin, bière, cidre, poiré, hydromel) et vins doux naturels, crème de cassis, jus de fruits ou de légumes comportant jusqu’à 3° d’alcool, vin de liqueurs, apéritif à base de vin, liqueur de fruits comprenant moins de 18° d’alcool.

Groupes 4 et 5 : rhums, tafias, alcools distillés et toutes autres boissons alcooliques.

PARTAGER