La distillerie Couderc fête ses 110 ans

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Emblématique distillerie d’Aurillac, la maison Couderc est connue pour sa gentiane. Pour marquer ses 110 ans, elle vient de créer un nouvel habillage pour ses crèmes de fruits, une spécialité de la maison moins connue mais qui vaut le détour, notamment pour les mixologues.

L’une des plus anciennes entreprises d’Aurillac, la distillerie Couderc, a soufflé en 2018 ses 110 bougies. L’apothéose de cet anniversaire a eu lieu le 8 décembre, à Nogent-sur-Marne, au Pavillon Baltard, lorsque Jean-Jacques Vermeersch et le MOF boulanger Christian Vabret ont présenté sur scène le gâteau des 110 ans. Quelques heures plus tôt dans les stands du pavillon, Jean-Jacques Vermeersch dévoilait le nouveau flacon de présentation de ses liqueurs (voir encadré). C’est cet homme qui a permis la continuité de la maison Couderc, une institution aurillacoise. Cette vieille distillerie un peu oubliée aurait pu doucement s’éteindre si Jean-Jacques Vermeersch ne l’avait pas rachetée il y a une quinzaine d’années pour lui insuffler un nouveau dynamisme en relançant notamment le produit phare de l’entreprise, la fameuse gentiane Couderc, désormais en bonne place derrière les comptoirs de Paris et de l’Auvergne. Il fait partie de ceux qui maintiennent une vieille tradition autrefois très développée dans le Massif central. À l’âge d’or de cette profession où l’on comptait une centaine de liquoristes qui distillaient encore leurs alcools locaux. La tradition ne date pas d’hier. Les fruits et le végétal qui embellissent la campagne auvergnate finissent parfois… en bouteilles. Un élixir, un condensé de propriétés et de saveurs, les liqueurs ont d’abord eu un usage pharmaceutique. Aujourd’hui, elles représentent fièrement un terroir et une naturalité respectée. C’est en tout cas ce que prône la distillerie Couderc depuis 1908.

Distillerie Couderc


Par macération ou en infusion

« Nous défendons un modèle d’ancrage local et d’un développement de l’activité sur le territoire », précise le directeur de la maison Couderc. Dans ses locaux occupant une surface de 1000 m2 à Aurillac, les liqueurs continuent à être fabriquées avec soin et dans le respect de la tradition cantalienne. « Dans les années 1900-1910, il faut imaginer un département peuplé de 500000 habitants, avant les guerres et l’exode rural. Il existait dans ce milieu agricole une grosse activité de cueillette destinée au secteur pharmaceutique. La richesse de notre territoire en flore sauvage était alors valorisée pour des raisons presque sanitaires. Nos baies et nos plantes servaient à soigner grâce à leurs vertus », raconte l’Auvergnat. À l’époque, l’alcool sert non seulement à conserver ces fameux fruits mais aussi « à capter les matières actives contenues dans les végétaux par macération ou infusion ». Myrtilles, mûres, framboises, ces petits fruits rouges ont connu un énorme essor à l’apparition des congés payés et durant l’apogée du thermalisme. Les touristes et curistes qui passaient par l’Auvergne ne revenaient pas avec un morceau de fromage – trop dur à conserver, mais avec une bouteille de liqueur. La maison Couderc, fondée par Louis Couderc, a d’abord orienté son savoir-faire sur la gentiane. Marie Couderc, son épouse, a fait justement le choix de diversifier l’offre et de ne pas rester uniquement accrochée aux racines de gentiane. Dans son magasin installé dans le centre bourg d’Aurillac, au début du xxe siècle, les sirops et les liqueurs des perles rouges et noires auvergnates charment les passants. Il faudra attendre les années 2000 pour que la verveine vienne elle aussi s’inviter dans le bal des alcools de la distillerie aurillacoise.


Des myrtilles sauvages de Margeride

Comme un clin d’œil à Marie Couderc, Jean-Jacques Vermeersch l’a imaginée féminine, moins forte que les autres mais plus complexe. Mais aussi comme un hommage à son père et cette madeleine de Proust sonore : le fameux « glou-glou » qui vient ponctuer un repas. La liqueur digestive? « Un véritable état d’esprit, une façon de se tenir à table. C’est un univers du bon vivre de chaleur humaine, de partage mais aussi de gourmandise », souligne-t-il. Et justement, la gourmandise, le Cantalien la place au centre de son ADN. Tel « un parfumeur du goût », pour lui une liqueur c’est avant tout « un fruit qui explose en bouche ». Faire une liqueur de myrtille, cela pourrait paraître un jeu d’enfant.

Mais à la maison Couderc, sa fabrication respecte avant tout la tradition du fruit dans le Cantal, et cette volonté d’avoir l’impression de croquer dans ce fruit emblématique. « Nous utilisons des myrtilles sauvages de Margeride, nous travaillons la baie en jus par extraction, les feuilles en infusion, qui apportent un contenu aromatique intéressant mais aussi le nez du fruit, et le bois en décoction pour le côté terroir et végétal. » Ainsi se lit la myrtille Couderc, « avec un équilibre entre le sucre et l’acidité. On recherche le plaisir et l’intensité du fruit ». Pour autre exemple, les cerises burlats, elles aussi, voient leurs noyaux passer en décoction pour apporter ce nez d’amande particulier. Quant à la châtaigne, sa liqueur n’est apparue que dans les années 1980, à l’initiative du prédécesseur de Jean- Jacques Vermeersch, Jean-Claude Monteau, lors d’une fête de la châtaigne à Mourjou. Une spécialité à mêler avec un vin blanc du Fel pour faire naître le fameux cocktail nommé Pelou, véritable condensé de Châtaigneraie cantalienne. En complément d’une gentiane, en kir – pétillant ou pas –, en coulis, en déglaçage en cuisine, sur une glace ou en accompagnement d’un café, la liqueur de fruits s’invite « de l’apéro au digestif », comme aime le dire le patron de la maison Couderc. Le principal challenge actuellement reste de séduire les mixologues et autres chefs barmen de bars à cocktail ou d’hôtels prestigieux en quête de pépites du terroir, qui rendent à la nature ce qu’elle a de plus cher : son goût et son authenticité.

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