Témoignage : « Je suis inquiet pour la reprise », Pascal Mousset

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Pascal Mousset, président du GNI Île-de-France et propriétaire du restaurant Chez Françoise (7e) s’exprime sur la fermeture obligatoire des CHR et évoque ses doutes quant à la reprise d’activité.

Pascal Mousset
Pascal Mousset

La mauvaise surprise

« J’ai appris par la fermeture générale dans mon restaurant Chez Françoise, le samedi 14 mars au soir. J’accueillais un client au vestiaire et c’est lui qui m’a dit que j’allais fermer à minuit pour une durée indéterminée. Ça ne pouvait pas plus mal tomber, car c’est le samedi soir que nos frigos sont le plus remplis. Rungis ne rouvre que mardi et nous avions plus de trois jours de réserve. Nous avons dû répercuter les instructions aux 120 collaborateurs de nos différents établissements. Le dimanche, nos salariés qui devaient être de service sont venus dans les restaurants pour tout mettre en ordre  : nettoyer, désinfecter et surtout vider les frigos. Nos employés sont repartis avec un panier de victuailles. Nous avons congelé un certain nombre de produits dans les règles. Nous avons sollicité des associations caritatives. C’est bizarre, ce n’est jamais arrivé à aucun d’entre nous. Aujourd’hui, tous mes salariés sont au chômage technique. Nous restons en contact. Personnellement, je reste confiné, mais je fais le tour des restaurants quotidiennement. Je regarde si tout est en ordre. J’arrose les plantes…»

Des zones d’ombres

« Je réponds en tant que président régional du GNI à nos adhérents qui sont inquiets car beaucoup de mesures gouvernementales sont assez vagues, à commencer par le chômage partiel. Deux questions d’importance restent en suspens. Quelle sera la base de l’indemnisation ? Dans l’état actuel des choses, nos salariés payés sur la base de trente-neuf heures hebdomadaires seront indemnisés sur la base de trente-cinq heures. Socialement, cela représente un manque à gagner important. Il faut que le Gouvernement comprenne que notre profession n’a pas choisi le chômage partiel. Elle a eu vingt-quatre heures pour plier bagage et pousser 700  000 salariés au chômage. Un autre problème s’annonce pour  les patrons. Les entreprises doivent en effet régler le chômage partiel de leurs employés. Ils enverront ensuite leurs fichiers informatiques de salaires via le protocole ADSN. 

L’État compensera en théorie les sommes déboursées dans les quatorze jours, ce qui serait satisfaisant. Mais nous avons des raisons de craindre que ce délai ne soit pas respecté et dépasse un mois. Dans cette hypothèse, certaines petites entreprises ne survivraient pas. Enfin, il subsiste le problème des gérants libres salariés à la tête d’une petite SARL qui n’entrent pas dans le dispositif du chômage partiel. Je dois aussi évoquer le problème des assurances qui refusent de prendre leurs responsabilités sur le volet des pertes de nourriture et des pertes d’exploitation. J’espère que le Gouvernement saura leur faire entendre raison. »

Considérer la réouverture avec prudence

« Je suis inquiet pour la reprise. À partir du moment où le feu vert sera donné à l’ouverture, nous ne disposerons plus du filet de sécurité gouvernemental et la reprise risque d’être timide. Cette situation pourrait se transformer en coup de grâce pour les entreprises les plus fragiles. On ne mesure pas l’impact de cette crise chez le consommateur, qui est en train de prendre des habitudes casanières et qui hésitera dans un premier temps à se rendre dans les lieux publics. On peut aussi gager que les touristes étrangers mettront du temps à revenir vers des destinations comme la France ou l’Italie, qui lui paraissent fortement touchées. »

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