Mavrommatis, la Méditerranée en héritage
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Depuis 1981, arrivés tout droit de Chypre, les trois frères Mavrommatis sont devenus les ambassadeurs de la cuisine grecque à Paris. Grâce à une grande rigueur organisationnelle et un sens du détail, ils sont parvenus à s’imposer dans presque tous les créneaux, de la table étoilée au self service en passant par le traiteur.

Le nom Mavrommatis symbolise la cuisine grecque dans la capitale. Les trois frères, Andréas, Dionysos et Evagoras, ont construit en 43 ans un groupe solide qui contrôle quatre restaurants, 10 boutiques/restaurants, une cave et un laboratoire installé à Palaiseau (Essonne). Ces entrepreneurs, toujours tournés vers l’avenir, préparent actuellement l’ouverture d’une nouvelle boutique au 260 avenue du faubourg Saint Honoré, dans le 8e arrondissement de Paris. Cette famille chypriote a su asseoir sa réputation dans toutes les catégories de la restauration, du restaurant étoilé de la rue Daubenton (Mavrommatis*, Paris 5e) au dernier né, Thessalia (Paris 1er), qui fonctionne en mode self-service avec un ticket moyen oscillant entre 16 et 20 €. «Nous sommes très attentifs à la qualité de la prestation, quel que soit le niveau de prix, c’est la recette de notre succès », rappelle Andréas. Chaque soir, il se fixe l’obligation d’être présent devant le passe de son restaurant gastronomique. Il est fier de l’étoile Michelin qu’il a obtenu dans ces murs, en 2018, près de 25 ans après avoir créé l’adresse. C’est le seul restaurant grec en France qui évolue à un tel niveau dans le guide rouge. « Je crois que le Guide a d’abord reconnu un travail rigoureux de longue haleine, » commente avec modestie le cuisinier.
Le passage derrière les fourneaux ne constituait pas une évidence. Aîné des garçons de la famille, Andréas est arrivé de Chypre en 1977 pour étudier la psychologie à l’université de Jussieu. «Chypre est assez francophone et les études en France étaient gratuites, confie Andréa. Je crois que par la suite, j’ai largement remboursé ce pays de ce qu’il m’a offert… » Débarqué à Paris avec 1 000 francs (150 €) en poche, Andréas doit travailler pour vivre. Il est engagé comme plongeur, puis commis dans un restaurant grec de la rue Mouffetard (Paris 5e). Son frère, Evagoras, le rejoint l’année suivante pour suivre des études d’économie tout en travaillant dans le même restaurant. Peu à peu, ces autodidactes de la cuisine se révèlent et leur réputation grandit. En 1981, un voisin leur propose de s’installer dans un petit local, rue Candolle (Paris 5e). «Le droit d’entrée était de 60 000 francs et nous avons pu l’acheter grâce à un crédit vendeur étalé sur quatre ans », se souvient Andréas. Cette première adresse s’est distinguée dans une ville habituée aux prestations très banales des nombreux restaurants grecs du 5e arrondissement parisien. Andréas, toujours passionné par la création, a voulu aller encore plus loin en donnant une dimension gastronomique à sa cuisine. Il a ainsi ouvert, en 1993, Mavrommatis, rue Daubenton. Pour progresser, il a humblement suivi des formations à l’école Lenôtre et bénéficié de conseils de chefs comme Christophe Bacquié ou Gabriel Biscaye.
« Les études représentent une ouverture d’esprit. »
En devenant restaurateurs, les deux frères n’ont pas abandonné pour autant leurs études. A force de travail, Andréas est parvenu à diriger le restaurant tout en obtenant une maîtrise de psychologie. Pour lui, ce diplôme ne représentait pas une option : «D’abord il était difficile de décevoir nos parents qui ont consenti des sacrifices pour nous. D’autre part, les études représentent une ouverture d’esprit qui aide à mieux comprendre le monde et à se débarrasser de ses complexes d’infériorité. » D’ailleurs lorsque son jeune frère Dionysos est arrivé dix ans après lui en France pour poursuivre ses études, il n’a été admis à travailler avec la fratrie qu’à partir du moment où il a obtenu sa maîtrise. Aujourd’hui, il dirige le laboratoire, mais aussi les caves du groupe. Avec un tel prénom, difficile d’échapper à cette responsabilité ! Il ne s’agit pas seulement d’approvisionner les restaurants et boutiques du groupe en vins grecs, mais aussi de fournir nombre de restaurants parisiens prestigieux.
Evagoras vieille, pour sa part, sur les finances du groupe, mais aussi sur les achats. Le groupe dispose ainsi d’un acheteur qui opère un Rungis pour acheter les produits frais (viande, poissons, fruits et légumes). L’épicerie, les vins et le fromage arrivent, en revanche, tout droit de Grèce. Condition indispensable pour proposer une cuisine authentique.
Les frères Mavrommatis ont patiemment tissé un petit empire grec qui emploie près de 250 salariés. Le groupe possède même depuis de nombreuses années un restaurant et une boutique au Galeries Lafayettes (Paris 9e). Andréas Mavrommatis entretient d’excellentes relations avec la famille Houzé, propriétaire de ce grand magasin. «Comme-nous, explique-t-il, ils restent des commerçants dans l’âme. » Entrepreneur avisé, Andréas fonctionne pourtant souvent à partir de son intuition et de ses coups de cœur. Il y a quelques années, un détail l’a convaincu de racheter un ancien magasin Hédiard, avenue Paul Doumer (Paris 16e), pour y créer Osmossi. En l’occurrence, il avait remarqué de l’autre côté de la rue la présence d’un magnifique olivier, arbre symbole de sa Méditerranée natale.