Aurélien Véquaud et Steve Moracchini : un quatre mains passionné au Belles Rives
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À l’Hôtel Belles Rives, à Juan-les-Pins, les chefs Aurélien Véquaud et Steve Moracchini signent une cuisine solaire et complice, entre technicité, émotion et goût du produit. Un duo soudé, guidé par le respect, la transmission… et la Méditerranée en toile de fond.

Lorsque nous les rencontrons à l’hôtel Belles Rives, à la pointe de Juan-les-Pins, les chefs Aurélien Véquaud et Steve Moracchini nous attendent attablés sur la terrasse, celle où avait élu domicile, un demi-siècle plus tôt, l’écrivain Francis Scott Fitzgerald. “Il disait y avoir passé les trois plus belles années de sa vie”, déclare Damian Sanchez Perez, directeur de l’établissement.
On raconte d’ailleurs qu’il y aurait écrit Tendre est la nuit et qu’il y aurait trouvé l’inspiration pour son emblématique Gatsby le Magnifique. Mais le Belles Rives, empreint d’une volupté qui traverse les décennies, a également vu défiler des anonymes en quête de beauté et des célébrités venus trouver le silence. Tous se sont nourris de sa lumière rasante et du clapotis des vagues.
Ce jour-là, l’hôtel, dans son décor habituel, à savoir ses fauteuils bistrot en cannage bleu et blanc, ses palmiers, son jasmin étoilé, ses jeunes oliviers et ses parasols couleur Méditerranée invite au préalassement. En effet, en ce début du mois de mai, il a déjà des allures d’été. Les deux chefs, quant à eux, ont ce hâle qui ne ment pas — celui des gens qui vivent dehors, partagés entre la mère et les cuisines.
Un duo solaire
Si Aurélien Véquaud et Steve Moracchini semblent si soudés, c’est qu’ils se connaissent sur le bout des doigts. Ils travaillent ensemble depuis 2017 et forment un duo rare en restauration : uni, sans filtre, presque organique. “Nous sommes devenus des amis”, confie Steve Moracchini. Une complicité qui se lit à la manière dont l’un finit les phrases de l’autre mais également dont les plats s’assemblent et se répondent.
Le premier, Aurélien Véquaud, est vendéen d’origine. Il a su très tôt qu’il voulait cuisiner. “Ma mère disait qu’à 4-5 ans, je voulais déjà être cuisinier”, raconte-t-il. Élevé par les plats de sa mère et fasciné par les livres de recettes “ménagères” comme il le précise, Aurélien Véquaud se forge très jeune une vision précise de la convivialité. “Enfant déjà, je voulais avoir un hôtel, un lieu pour réunir les gens autour d’un bon repas”, déclare-t-il. Après son lycée hôtelier à Noirmoutier, Aurélien Véquaud passe par des maisons prestigieuses. Il fait ses premiers pas chez les Frères Pourcel au Jardin des Sens (Montpellier) avant de rejoindre la brigade d’Alexandre Couillon à La Marine. Puis, il rejoint Olivier Boulard à la Réserve de Beaulieu. Lorsqu’il pose ses valises à La Vague d’Or, (Seyne-sur-Mer), il rencontre le chef Arnaud Donckele qui deviendra son mentor. “J’ai beaucoup appris à ses côtés, en cuisine mais également humainement”, confie-t-il.
Le second, Steve Moracchini, est devenu pâtissier par passion. Originaire du Loir-et-Cher, il arrive dans le Sud à 12 ans. “J’ai fait le lycée Escoffier à Cagnes-sur-Mer et là je me suis épanoui tout de suite”, explique-t-il. C’est lors d’un repas de famille qu’il découvre l’émotion que peut contenir un dessert : “J’ai fait le gâteau d’anniversaire de ma cousine, un fraisier tout simple… et là, je me rends compte qu’autour de dessert, je pouvais créer de l’émotion, explique-t-il.
D’abord formé en artisanat, puis dans des groupes plus commerciaux, il comprend vite qu’il ne veut pas “juste plaire aux clients pour vendre”, mais créer avec sincérité. C’est avec le chef Mario Dorio, dans un petit labo, que l’alchimie opère : “C’était la première fois que je travaillais vraiment avec un chef. Là, j’ai compris ce que c’était, être pâtissier pour un chef”
Un langage commun
L’arrivée d’Aurélien Véquaud au Belles Rives marque un tournant. “Aurélien arrive en 2017, ça faisait six ans que j’étais dans la maison, je connaissais tout. Mon rôle, c’était de l’accompagner, de lui faire comprendre la maison”, indique Steve Moracchini. Une étape décisive qui permet au duo de se construire sur des fondations solides. Aujourd’hui, pas de hiérarchie dans leur manière de collaborer, mais une vraie synergie. “Ce sont des échanges. Il n’y a pas d’adaptation de la pâtisserie à la cuisine. Tout est bon à prendre”, explique Aurélien. Steve Moracchini complète : “On ne se met pas de filtre, on est honnêtes l’un envers l’autre, comme on le fait pour le retour client.” C’est leur méthode : avancer ensemble, se remettre en question, créer une cohérence de fond. “Ce qui m’a impressionné chez Aurélien, c’est sa modernité mais aussi sa technicité. Ses plats ont toujours du twist. On ne s’ennuie pas. Il y a un joli travail sur les sauces et les cuissons. On lui pique des trucs, lui il nous pique des choses”, dit Steve en riant.
Un terrain d’excellence, un laboratoire permanent
Aujourd’hui, les deux chefs gèrent l’établissement étoilé La Passagère, le restaurant étoilé mais aussi le restaurant de plage, le Bar Fitzgerald, et le Juana. “On peut faire 600 couverts jour entre les deux hôtels”, dit Steve Moracchini. “Il faut être bien entouré”, ajoute Aurélien Véquaud. Ici, ils forment, ils transmettent, ils élèvent. “Travailler ici pendant quatre ans, c’est la promesse de savoir tout faire”, affirment les deux compagnons. À la jeune génération, ils souhaitent inculquer des valeurs simples mais essentielles : le respect, l’exigence, la loyauté. Malgré la pression, ils restent fiers de leurs équipes. “C’est difficile de gérer différents endroits, mais nous avançons.”
Côté création, les deux ont la même obsession : le produit. “Ce que j’apprécie dans sa cuisine, c’est qu’il est toujours à l’affût du produit”, dit Aurélien Véquaud au sujet de Steve Moracchini. “Il sait que dans un mois, il y a la cerise, il est déjà sur le chemin de la cerise”, poursuit-il. Pour l’heure, le duo, caressant gentiment le rêve d’une seconde étoile, reste davantage concentré sur l’instant, la transmission et bien sûr la cohérence de leurs créations. Au Belles Rives, Aurélien Véquaud et Steve Moracchini construisent jour après jour une cuisine vivante, sensible et en perpétuelle réinvention. Une cuisine qui parle d’amitié, d’engagement, de lumière — et de mer, toujours.