Clément Vergeat, une quête de liberté 

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En cuisine, Clément Vergeat ne croit qu’en la liberté et la création. Ainsi, chez Tracé, son restaurant situé dans le 1er arrondissement de Paris, le chef semble avoir pour vocation de tracer un chemin gastronomique, très personnel, entre épurement et affranchissement.

Clément Vergeat.
Clément Vergeat. Crédit : DR.

Arriver chez Tracé, le restaurant de Clément Vergeat situé rue de Richelieu (Paris 1er), c’est d’abord être happé par le long sillage qui émane de ses cuisines. « Lorsque nous préparons notre bouillon de langoustines, il y a des effluves partout et même dans la rue! » concède Clément Vergeat, le sourire aux lèvres. Le jeune chef, passé par l’édition 2018 de « Top Chef », se présente avant tout comme « un cuisinier qui essaie d’écrire des choses avec son équipe », avant d’ajouter : « Je suis dans une perpétuelle quête culinaire, mais je ne souhaite pas l’atteindre trop tôt car c’est ce qui me permet d’avancer aujourd’hui. ».

D’ailleurs, Tracé, le nom de son restaurant (anciennement Tamara), a été entièrement pensé comme cela. Sur une idée du cheminement, celui qui fait évoluer et progresser. Ainsi, dans ses cuisines, Clément Vergeat trace un itinéraire qui lui est propre. Le chef continue d’approfondir une quête culinaire très personnelle, fusion de ses expériences passées. « J’ai travaillé en Hollande, au Danemark mais également aux côtés d’un chef japonais en France. C’était d’une richesse incroyable, car tous ces pays définissent différemment la gastronomie », précise-t-il.

En effet, le trentenaire a un parcours très axé sur les tables gastronomiques. « C’est ce qui me parle et qui me plaît, car il y a un réel approfondissement des choses. Lorsque nous créons des menus en gastronomie, il y a un vrai investissement de la part du chef: nous sommes constamment à cœur ouvert.» Par ailleurs, chez Tracé, Clément Vergeat a fait le choix de proposer un menu unique, servi en 11 temps (130 €, sans accord). « Avant, cela m’arrivait de changer toute la carte d’un seul coup, et puis je me suis rendu compte que cela imposait énormément de stress à mes équipes, je ne pouvais pas continuer ainsi. Aujourd’hui, le menu est vivant. Certains plats restent, d’autres partent puis reviennent. Je le considère comme un membre à part entière de l’équipe. Le menu est un fil conducteur que nous faisons évoluer au gré de nos envies. »

« Je suis dans une perpétuelle quête culinaire, mais je ne souhaite pas l’atteindre trop tôt. »
Clément Vergeat, Chef du restaurant Tracé (Paris 1er)

Fortement inspiré par son expérience au Danemark, Clément Vergeat confie « aimer cette liberté que les chefs danois ont de créer leur propre saisonnalité grâce à la fermentation ». Dans ses cuisines, le chef, toujours en quête d’affranchissement, applique ce principe à la lettre. C’est pourquoi, dans son restaurant, Clément Vergeat ne semble jamais limité par la saisonnalité. Mieux encore, il joue avec. « Cet hiver, nous allons pouvoir proposer des groseilles et des pêches que nous avons fait fermenter durant l’été. Ces bijoux que nous avons au restaurant dorment autant dans la chambre froide que sur l’étagère à lactofermentation », précise-t-il.

De fait, fleurs et baies de sureau, ail des ours ou encore bourgeons de sapin – ces précieux produits dont la saisonnalité est extrêmement courte (elle se compte en semaines) – tiennent une place de choix dans la cuisine proposée par le chef. « Nous avons des bocaux d’ail des ours fermenté du printemps qui ont bien vieilli:cela donne un goût extraordinaire aux plats », indique Clément Vergeat.

D’ailleurs, ses cueillettes sauvages, il les fait souvent lui-même. « Lorsque je pars faire mes bouquets d’ail des ours, ma voiture sent l’ail pendant un mois! », avoue le chef. Il y a quelques jours, il était dans les forêts d’Ozoir-la-Ferrière, en Seine-et-Marne, à la recherche de cèpes. « Cette fois-ci, nous n’allons pas les faire fermenter, mais plutôt les faire sécher, pour préparer une poudre que nous utiliserons en assaisonnement dans un ragoût de céleri », détaille-t-il. Clément Vergeat, en tant que véritable passionné de fermentation, aime les découvertes offertes par ce processus de conservation naturel : « Nous ne savons jamais à quoi cela va ressembler, cela me permet de maintenir mon processus créatif éveillé! »

Enfin, lorsqu’on lui demande si la cuisine lui est toujours apparue comme une évidence, Clément Vergeat ne se défile pas : « Honnêtement, non! En revanche, rien ne survient jamais de nulle part non plus. Lorsqu’il était jeune, mon père était cuisinier. Il a toujours adoré ça et il en parlait beaucoup. C’est d’ailleurs lui qui regardait des émissions de cuisine à la télévision. Il a en lui une sorte de papillothèque. Mon père ne se souvient jamais des dates de naissance par exemple. En revanche, il se rappelle très bien de ce que les gens aiment manger. C’est très touchant, et cela a dû cheminer en moi sans que je m’en rende compte. »

Aujourd’hui, Clément Vergeat, dans une quête absolue d’épurement et de naturalité, souhaite avant tout rendre ses plats « lisibles et intelligibles pour les clients. Lorsque l’on déguste un plat, on ne doit pas résoudre une énigme. La réflexion, le chef doit l’avoir en amont. Le reste, c’est censé être seulement du plaisir. »

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