Diana Damiens : personnifier une pluralité d’Asie

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Depuis 2009, à La Rizière, un petit restaurant niché en plein cœur de la cité médiévale d’Aubusson, village situé au bord de la rivière, Diana Damiens propose une cuisine asiatique de caractère aux multiples facettes. Cette femme d’origine singapourienne, devenue restauratrice tardivement, a choisi de s’établir dans la Creuse.

Diana Damiens.
Diana Damiens. Crédit : DR.

« J’ai eu plusieurs vies », déclare d’entrée de jeu Diana Damiens, dans un grand éclat de rire. Et c’est si peu dire… En effet, si Diana propose à La Rizière « une cuisine asiatique authentique et élaborée à partir de produits frais », depuis treize ans aujourd’hui, rien ne prédestinait cette singapourienne d’origine à mettre un pied en terre creusoise. Avant de s’impliquer dans son restaurant, installé en plein centre de la capitale mondiale de la tapisserie, elle fut élevée à Singapour au sein d’une fratrie de sept frères et sœurs. Diana commence à cuisiner dès le plus jeune âge, par obligation d’abord. « Nous étions neuf à table, alors je me devais d’aider ma mère, déclare-t-elle. Cependant, je n’ai jamais considéré cela comme une tâche. » Dès lors, elle comprend très vite que « les saveurs rencontrées, comme le shiso, l’herbe du tigre ou encore la coriandre, seront de véritables compagnons de vie ».

« À l’instar des moments de partage, que seule la cuisine semble pouvoir offrir », ajoute Diana, les yeux encore pétillants de souvenirs. Pourtant, à cette époque, jamais elle n’aurait envisagé faire de la cuisine son métier : « C’était tout simplement une passion, comme pour chacun des membres de ma famille. » De ce fait, si certains se lancent dans les marmites des grands établissements dès le plus jeune âge, Diana attendra ses 54 ans avant de mettre le pied à l’étrier dans l’univers professionnel de la restauration.

Dans sa première vie, elle s’occupe de la « formation des nouveaux employés pour les franchises 7-Eleven (des supermarchés ouverts 24/24, NDLR) à Singapour, en Malaisie et à Hong-Kong », précise-t-elle, avant de confesser, sourire aux lèvres : « Tout ce que je souhaitais, c’était gagner suffisamment d’argent pour voyager seule avec mon sac sur le dos. » Au fil de ses pérégrinations dans toute l’Asie, « mais également en Australie ou encore au Canada », se remémore-t-elle, Diana glane autant de nouvelles saveurs que de recettes.

« Ces trésors », comme elle les nomme, la sexagénaire les garde alors tous dans un coin de sa tête. C’est en 2007, accompagnée de son mari, qu’elle découvre pour la première fois la Creuse « pour rendre visite à un couple d’amis restaurateurs », souligne Diana. « C’était l’hiver et il neigeait. Le lendemain, nous avons visité une maison à vendre à Champagnat, un village proche d’Aubusson, et puis, sans hésiter, nous nous y sommes installés », ajoute la Singapourienne.

Dans la foulée, elle acquiert un petit local en plein centre d’Aubusson. Là, elle ouvre Les Trésors de la Nature, une boutique de soins et de cosmétiques bio. Puis, deux ans plus tard, Diana apprend qu’un second commerce est en vente, juste un peu plus haut dans la rue. « C’est ainsi que La Rizière a vu le jour », affirme-t-elle. Dans ce petit restaurant composé de huit tables en bois, d’un mur végétalisé et d’un délicat bassin japonais – où ondulent quelques poissons rouges – Diana propose une cuisine « instinctive, inspirée de ses différents voyages en Asie », mais surtout « une cuisine ancestrale », précise-t-elle.

Ici, les saveurs ne sont « jamais adaptées aux goûts occidentaux », comme tient à l’indiquer Diana. Elle ne souhaite pas reproduire ce que font un bon nombre de restaurants asiatiques en France : « Cela plait ou cela ne plait pas. Moi, je sais uniquement préparer ce que j’ai appris aux côtés de ma mère et de ma grand-mère. » Par ailleurs, à La Rizière, Diana est seule en cuisine. « Je n’ai même pas de chambre froide », précise-t-elle, fièrement. Les plats proposés changent chaque jour et sont préparés à la minute, en fonction des légumes qui lui sont livrés par un certain Gaël Delacourt, « un maraîcher bio de Gentioux-Pigerolles, un village situé sur le plateau de Millevaches », déclare Diana.

Et puisque, entre la Creuse et Singapour, il semble n’y avoir qu’un pas, le maraîcher creusois parvient même à faire pousser des produits originaires d’Asie. « C’est vraiment incroyable !, lance Diana. Gaël a du pak-choï, des kumquats, mais également de l’herbe du tigre, du shiso ou encore des shiitakés… » Le maraîcher local produit aussi quelques plantes que la cuisinière lui a fait découvrir.

Aux alentours de 15 heures, au moment de la perpétuelle coupure des restaurateurs, Diana file dans sa première boutique. « C’est complémentaire. Manger permet de prendre soin de son for intérieur, et la cosmétique de l’enveloppe extérieur, affirme-t-elle. Dans cet autre espace, je peux prendre mon temps, c’est reposant. » À 19 heures, Diana est de retour à La Rizière, pour le service du soir cette fois-ci. Lorsqu’on lui demande d’où lui vient une telle énergie, elle n’hésite pas une seule seconde : « J’adore ce que je fais, et tant que je n’aurai pas trouvé quelqu’un pour qui la cuisine est aussi une passion, je continuerai. Et puis après tout, ici, c’est ma vie. »

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