François Gagnaire, l’ambassadeur auvergnat
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Depuis maintenant 10 ans, François Gagnaire met en exergue dans son restaurant Anicia (Paris 6e) les merveilles du terroir de Haute-Loire, sa terre natale. Le chef de 58 ans a connu un parcours façonné d’étoiles à travers la région Auvergne-Rhône-Alpes, de Lyon à Saint-Étienne en passant par l’Ain, pour revenir sur ses terres et recommencer à zéro en rejoignant la capitale.

Plus que l’Auvergne, c’est le Puy-en-Velay et son département de Haute-Loire qu’il aime porter aux nues. « Ramener la Haute-Loire à Paris », confirme François Gagnaire. Mission qu’il remplit depuis 2015 avec l’ouverture d’Anicia, dans le sixième arrondissement de la capitale. D’ailleurs, l’appellation de cette table révèle l’attachement qu’il porte à son terroir. « Anicia est le nom du Puy-en-Velay à l’époque romaine, comme Lutetia pour Paris », explique-t-il. Mais ce n’est pas tout. « Anicia est également devenu le nom de semence de la lentille verte du Puy lorsqu’elle a obtenu l’appellation, ajoute-t-il. Par la même occasion, il s’agit d’un nom féminin qui rend le lieu plus raffiné. »
Dans la vie de François Gagnaire, de l’Auvergne à Paris, il n’y a qu’un pas. Des clins d’œil de l’histoire qui peuvent prêter à sourire mais pouvant aussi être vus comme l’illustration d’une destinée. Parmi eux, sa naissance en 1967 à Chadrac, commune des environs du Puy-en-Velay, « avenue des Champs-Élysées », ne manque-t-il pas de préciser, en n’ayant nul besoin d’appuyer la référence. Après une enfance à Brives-Charensac, ville limitrophe de la préfecture du département, il est conduit vers la cuisine. Le chef altiligérien justifie ce choix d’orientation par « une sorte d’injustice » : « Jeune, je devais souffrir de troubles de l’attention, mais à l’époque nous ne nommions pas les choses. Quand j’étais à l’école, j’étais davantage attiré par le sport que par les cours. Pas parce que j’étais feignant, mais parce que je n’arrivais pas à me concentrer. »
Il cherche alors un métier dans lequel s’épanouir. Un hasard nommé Paul Bocuse débarque alors. « Un jour, alors que j’étais en voiture, Paul Bocuse parlait à la radio et expliquait qu’il ne possédait qu’un simple CAP », se remémore-t-il. Des propos qui lui font prendre conscience que dans la restauration, tout devient possible. Son père le prévient quant aux difficultés du métier. Mais rien n’y fait. « Alors autant entrer dans une école réputée, à l’Ensemble Sacré-Cœur de Saint-Chély-d’Apcher [en Lozère, NDLR] », avance le chef de 58 ans.
«Autant que j’apprenne dans les meilleures maisons possibles.»
Il découvre dans la cuisine de l’établissement trois mots qui le marquent : propreté, rigueur, discipline. À tel point qu’il les a fait inscrire dans sa cuisine de la rue du Cherche-Midi (Paris, 6e). Cette même ambition est toujours présente pour ses débuts dans la profession. « Je me suis rendu compte que ce métier était difficile. Alors si je voulais l’exercer toute ma vie, autant que j’apprenne dans les meilleures maisons possibles », se rappelle-t-il. Raison pour laquelle, à l’issue de son service militaire réalisé en tant que chef au mess des officiers du quartier Général-Frère à Lyon, il envoie notamment sa candidature aux maisons Troisgros, Pic ou encore Bocuse. Alain Chapel, alors récompensé de trois étoiles au Guide Michelin pour son restaurant de Mionnay (Ain), le rappelle pour lui proposer un poste. Une expérience marquée par le décès, en 1990, de cette figure de la gastronomie française.
Quelques années plus tard, il a l’occasion de rejoindre à Saint-Étienne son glorieux homonyme patronymique, Pierre Gagnaire, auréolé à cet instant de deux macarons. « Cette expérience m’intéressait parce qu’il était déjà l’un des chefs les plus avant-gardistes de sa génération… et non pas parce qu’il portait le même nom que moi », lâche-t-il avec une pointe d’humour. S’ensuit un passage chez le voisin lyonnais avec des expériences dans plusieurs institutions de la capitale des Gaules : L’Alexandrin, la Cour des Loges et la Tour Rose. Mais attention, un Gagnaire peut en cacher un autre. « Après son dépôt de bilan à Saint-Étienne, Pierre Gagnaire m’appelle parce qu’il a besoin d’une équipe pour partir à Paris », explique François Gagnaire.
À Paris, il participe alors à l’obtention de la deuxième étoile quelques mois seulement après l’ouverture, puis à la troisième l’année suivante. Sonne ensuite l’heure du retour aux sources. Avec son épouse Isabelle et un associé, ils investissent l’Hôtel du Parc au Puy-en-Velay, et ouvrent, en 2001 un restaurant gastronomique dans lequel le chef exécute déjà une cuisine de terroir. Ce dernier est récompensé d’une étoile par le Guide rouge en 2006. Mais l’aventure avec son associé tourne court dès 2014.
Il décide donc de repartir à zéro en montant à Paris. Une manière aussi « de récupérer le temps perdu », lâche-t-il. Après un bref passage par l’Hôtel du Collectionneur (Paris, 8e) en tant que chef exécutif, il ouvre à la fin de l’année 2015 sa propre table : Anicia. « Un bistrot raffiné à base de produits du terroir et de saison », clame-t-il au sujet de son établissement qui présente, selon lui, « une belle bistronomie ». Plus que jamais, celui qui a conservé ses fournisseurs de Haute-Loire demeure l’ambassadeur de ce département et même de la région. En effet, il a été élu en juin 2024 président de la Marque Auvergne, une façon « de mettre au service de l’Auvergne mon réseau à Paris ».