Gisèle Astabie, une affaire de famille
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Gisèle Astabie, issue d’une famille basquo-aveyronnaise, exploite depuis dix ans Le Marignan (Paris 8e), acquis par ses parents en 1983. Depuis lors, elle s’applique à faire fonctionner cette brasserie traditionnelle en l’adaptant aux goûts du jour, avant de passer à son tour le flambeau à la troisième génération.
Depuis 2014, Gisèle Astabie tient ferme la barre du Marignan, dans le 8e arrondissement parisien. Elle était encore enfant, en 1983, lorsque ses parents ont pu mettre la main sur cette brasserie du secteur des Champs Elysées. D’origines basque par son père et aveyronnaise par sa mère, la patronne du Marignan cultive ses racines. Elle aime rappeler que sa mère est montée seule depuis Montpeyroux (Puy-de-Dôme), à un très jeune âge, pour travailler dans une brasserie du Parc Monceau (Paris 8e). Ses parents ont pu enchaîner les gérances, avant d’acquérir le Marignan. Ils ne se sont pas arrêtés en si bon chemin et ont ensuite racheté la Brasserie de l’Esplanade (Paris 7e) qu’ils ont, par la suite, revendu à Jean-Louis Costes.
« Avec du courage, tout était possible ! »
«C’était une époque où avec du courage, tout était possible, confie Gisèle Astabie. Or mes parents n’en manquaient pas. Durant toute leur vie professionnelle, ils ont travaillé de 7 heures à 22 heures, six jours sur sept et ne prenaient que 15 jours de vacances pour retourner au pays. » Encore faut-il rappeler que certains des dimanches de repos étaient consacrés aux banquets des amicales. Gisèle se souvient du train des Petits Aveyronnais qui l’emmenait en vacances : «Je prenais aussi très souvent, le train des Petits Basques pour aller séjourner dans la famille de mon père, rappelle-t-elle. Ces deux destinations sont demeurées mes régions de cœur. » Gisèle Astabie reste cependant plus concernée par l’Aveyron. Son frère, Eric, copropriétaire du Marignan, est depuis longtemps rentré à Laguiole où il travaille pour la Maison Brousse-Favier. Le fils de la patronne du Marignan a lui aussi souhaité retourner au pays, où il prépare un Brevet de maîtrise de boulangerie en alternance.
Entre Paris et l’Aveyron
Les membres de la famille de Gisèle ont ainsi pris l’habitude de ponctuer leur existence d’aller-retours entre Paris et l’Aveyron. La patronne du Marignan est tiraillée entre ces deux univers : «Mes parents sont restés à Paris, ma fille est esthéticienne dans la capitale, explique-t-elle. Je rentre très souvent au pays, mais je me sens avant tout parisienne. C’est une façon d’être. A Paris, je n’arrête pas de râler sur la vie de tous les jours. Mais au bout de trois jours passés en Aveyron, je m’ennuie. » Bonne élève, Gisèle Astabie a suivi des études de commerce et espérait exercer un métier en dehors de la restauration. «Mais le métier m’a rattrapé, avance-t-elle avec fatalisme. Mon mari voulait exercer ce métier et nous avons donc pris une gérance, avenue Carnot. Je ne regrette rien. J’ai depuis longtemps compris que je n’aurais jamais pu travailler dans un bureau. Ici, on ne s’ennuie jamais et aucun jour ne se ressemble. »
Elle estime que ses études de commerce n’ont pas été d’une grande utilité : «C’est dans mon affaire et au milieu des clients, et de l’équipe, que je conduis l’entreprise. C’est là qu’on mesure l’air du temps et les évolutions à apporter. » Sa première affaire fut le Restaurant du rond-point, qu’elle a racheté avec son mari. En 2014, après son divorce, elle s’est installée au Marignan où elle peut mesurer 40 ans d’évolution. Le tabac, autrefois intégré dans les murs, a disparu. Mais ce sont toujours Tafanel et Richard qui fournissent les boissons. «Dans la famille, on nous a bien élevés, assure Gisèle, nous avons de la reconnaissance pour ceux qui nous ont permis de démarrer. » Les comportements de la clientèle ont, eux, profondément changé. A côté de l’offre traditionnelle et des plats du jour, Gisèle a progressivement introduit des burgers, des bo buns et des offres végétariennes sur la carte. Ils sont nécessaires pour élargir une clientèle issue des bureaux alentours. En dix ans de présence rue Marignan, cette patronne a connu quelques tempêtes, la crise sanitaire et les grèves. Le mouvement des Gilets jaunes l’a profondément marquée, au point de la pousser à fermer le samedi.
«C’est plus confortable en matière des ressources humaines et l’ouverture cinq jours par semaine, du lundi au vendredi, nous permet de rentabiliser l’établissement, assure-t-elle. Si la situation se dégradait, nous aurions toujours l’opportunité d’ouvrir le week-end. » L’entrepreneuse regrette d’ailleurs d’avoir ouvert durant les JO pour un très maigre résultat : «Mes employés n’ont pu prendre leurs vacances normalement à cette époque et aujourd’hui nous nous retrouvons avec un planning de congés perturbé pour l’année. » Gisèle Astabie est en effet très attentive au bien être de l’équipe de six personnes qui l’entoure et qu’elle considère comme «son principal atout » pour pérenniser le Marignan, afin de le transmettre un jour à ses enfants ou à son neveu. «L’établissement changera sans doute d’aspect, voire de destination, indique-t-elle, mais mon frère et moi aimerions qu’il reste dans la famille. »