Guillaume Groulet chez Walczak

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Associé à trois amis, Guillaume Groulet, un pilote de ligne, a relancé Chez Walczak, fermé depuis un an. Ce bistrot, créé par un ancien boxeur et fonctionnant avec une formule tout compris, est resté pendant 70 ans le carrefour improbable des comédiens, des chanteurs, des sportifs et des policiers.

Guillaume Groulet de chez Walczak
Guillaume Groulet. Crédit : DR.

En 1989, Yanek Walczak a rendu l’âme, succombant à une crise cardiaque derrière son comptoir. Jusqu’en 2022, son fils Jean-Louis a veillé sur cette salle avant de la fermer. Ce sont finalement quatre clients qui se sont connus entre ces murs qui ont décidé de prolonger la légende en rachetant l’établissement. Jean-Philippe Coat et son fils Thomas dirigent une importante entreprise de transport. Jean-Jacques Lenglois a pour sa part été directeur d’une autre entreprise de transport, avant d’endosser un tablier pour passer en cuisine.

Enfin, Guillaume Groulet, 35 ans, est pilote de ligne. Commandant de bord chez Transavia, il vient donner un coup de main au restaurant entre deux vols. «Nous ne pouvions pas nous résoudre à voir notre cantine disparaître, raconte Guillaume. Alors un jour, nous nous sommes retrouvés autour d’une table à la Petite Périgourdine et nous avons décidé de la racheter.» C’est ainsi que les visiteurs frappant à la porte ont eu à nouveau la joie de la voir s’ouvrir au mois de septembre dernier. Le bistrot fonctionne toujours avec sa formule tout compris (entrée, plat, dessert, café et vin à volonté) à 35€ au déjeuner et 40€ au dîner. Le bœuf bourguignon reste la pierre angulaire de ce repas, avec en alternative une viande grillée. Les nouveaux propriétaires ont élargi le choix à un troisième plat. Quant au vin, c’est un côtes-du-rhône, le château Malijay, qui coule à flots dans les carafes.

Chez Walczak est le premier restaurant que Guillaume Groulet a fréquenté, à Paris. Originaire des Alpes-de-Haute-Provence, il a été formé dès l’adolescence au vol en planeur, avant d’obtenir très jeune son brevet de pilote. Il a passé les dix premières années de sa carrière dans divers pays européens. «Je viens d’une famille de restaurateurs et d’agriculteurs qui apprécient beaucoup les plaisirs de la table, explique-t-il. Pendant dix ans, à l’étranger, j’ai été privé de bons repas. Rentré en France, j’ai compensé.»

« Nous ne pouvions pas nous résoudre à voir notre cantine disparaître. »
Guillaume Groulet, L'un des associés de Chez Walczak, Paris 15e

Il y a six ans, lorsqu’Air France le détache chez Transavia, à l’aéroport d’Orly, il débarque pour la première fois dans la capitale en taxi avec en poche l’adresse de Walczak, confiée par des amis. Ce jour-là, il a dîné à côté d’une tablée cantalienne venue du salon de l’agriculture. C’est ainsi qu’il a noué une amitié avec le boucher, Yves Joffrois, qui est aujourd’hui le fournisseur de viande du restaurant. En relançant cette affaire, les quatre associés prolongent la légende de Walczak.

Ce boxeur d’origine polonaise fut une gloire du ring. Il a notamment affronté Marcel Cerdan et disputé trois combats contre Sugar Ray Robinson. Lors du deuxième combat, il avait même contraint le champion du monde à mettre un genou à terre. Après avoir raccroché les gants, en 1951, il a ouvert ce bistrot – Aux sportifs réunis – en face des anciens abattoirs de Vaugirard. Le comédien Lino Ventura, ancien catcheur, était un grand ami de Yanek Walczak. Il fréquentait le lieu et y donnait ses rendez-vous. Georges Brassens aussi y venait en voisin. Il lui a même consacré une chanson, Le Bistrot, où il évoque la beauté de la patronne, Josette, et qualifie Walczak de «gros dégueulasse», dont la «main qui claque punit d’un flic-flac les audaces». C’est ainsi que cette adresse est devenue un carrefour des mondes du cinéma, du sport et de la chanson. Jean-Paul Belmondo, René Fallet, Michel Audiard, et plus récemment le chanteur Renaud, étaient des clients assidus. Une autre catégorie de clientèle a aussi pris ses quartiers dans le bistrot. Les services de police et le contre-espionnage avaient, en effet, choisi ce lieu comme point de rencontre.

La salle VIP, aménagée derrière la cuisine, se prêtait parfaitement à des échanges discrets. Certains soirs, l’atmosphère qui régnait Chez Walczak était digne d’un film de Georges Lautner. Ce n’est peut-être pas un hasard si les deux restaurants voisins arborent les enseignes Les Tontons et Les Cent Kilos. Dans cet environnement, Guillaume Groulet et ses amis n’ont pas tardé à faire redécoller l’activité de Chez Walczak. Avec humilité, ils n’ont surtout rien changé, de peur de rompre l’alchimie de l’ambiance. À peine ouvert, le restaurant a retrouvé tous ses anciens clients, orphelins depuis la fermeture.

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