Karim Hakim, perpétuer la tradition

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Chez Pradel, ses deux bistrots de quartier parisiens situés à Bastille (11e) et à Jules Joffrin (18e), Karim Hakim perpétue la tradition française en proposant une cuisine généreuse et conviviale dans une atmosphère qui évoque le Paris d’antan. Ces deux lieux proposent, à l’ardoise, une cuisine de saison qui change au gré des envies du chef.

Karim Hakim
Karim Hakim. Crédit : Elisa Hendrickx

Cela fait bientôt huit ans que Karim Hakim s’active à la tête de Chez Pradel, son premier café-restaurant situé au 168, rue Ordener dans le 18e arrondissement de Paris. Fort de son succès, le restaurateur a ouvert un second établissement, petit frère de l’enseigne, au 3, rue du Pasteur-Wagner, dans le 11e arrondissement. Le premier – dans le 18e  –, « celui où je suis le plus souvent », précise Karim Hakim, est un ancien café-charbon. Un de ces lieux très souvent tenus par des Auvergnats au XIXe siècle.

Là, les « bougnats » vendaient du café, du vin mais également du charbon, «afin de chauffer les habitants du quartier», souligne le chef. Par ailleurs, en quelques années seulement, Chez Pradel, avec sa devanture qui rappelle le Paris d’autrefois, celui esquissé par le plus Montmartrois des peintres, Henri de ToulouseLautrec, est devenu une véritable institution dans le quartier. En atteste la foule qui s’y presse chaque midi. Et pour cause, à l’heure du déjeuner, du mardi au samedi, Karim Hakim, que les habitués surnomment tous Coco, propose un menu imbattable au prix de 15 €. «Aujourd’hui, il y a un quasi de veau servi avec des girolles et un riz pilaf, un fish and chips préparé avec du lieu jaune et des frites maison, mais également des cuisses de canard laqué. En entrée, c’est poireaux vinaigrette, œufs durs mayonnaise et pâté de tête. Et en dessert des classiques comme le sabayon, le tiramisu ou la crème brûlée», nous détaille le chef.

Lorsqu’il était enfant, ses parents possédaient un routier en banlieue parisienne. «Ils avaient pleinement conscience des difficultés liées à la restauration. Jamais ils n’auraient souhaité que je fasse ce métier, alors j’ai fait un bac technique avant de finalement devenir cuisinier moi aussi», raconte Karim Hakim. Après avoir fait ses classes dans de grandes maisons comme le PréCatelan (Paris 16e), la Tour d’Argent (Paris 5e) ou encore Le Bristol (Paris 8e), cette destinée était «presque incontournable» pour ce fils de restaurateur. «Car cela donne de vraies bases et puis, on a toujours envie d’arriver tout en haut à un moment donné», justifie le chef, qui décide de se mettre à son compte très jeune : «À 24 ans, j’ai ouvert un premier bistrot en banlieue parisienne. Je l’ai retapé, cela a tout de suite cartonné puis j’en ai eu marre et je l’ai fermé», déclare-t-il en rigolant. Coco fera cela quatre fois d’affilée avant de s’établir rue Ordener, où il se sent enfin chez lui et «apaisé».

« Ma plus belle réussite, c’est peut-être mon personnel. »
Karim Hakim, Chef de Chez Pradel (Paris 18e)

Karim Hakim : la convivialité en ligne de mire

Ce qu’il a toujours tant aimé dans l’univers des bistrots, c’est «le contact avec les autres et la générosité, affirme-t-il. C’est surtout les gens qui me font kiffer. Finalement, mon travail c’est mon médicament et j’ai compris que j’avais tout gagné lorsqu’un jour un client m’a dit : “ Coco, tous les jours on va bosser mais quand on sait que le midi on va manger chez toi, on est toujours heureux d’aller travailler ! ”» D’ailleurs, fait aujourd’hui rarissime, ChezPradel, Karim Hakim ne semble pas connaître les difficultés liées au recrutement dans le secteur. En effet, il travaille avec une équipe fidèle qu’il connaît depuis presque 15ans.

La plupart l’ont ainsi accompagné au gré de ses ouvertures : «Ma plus belle réussite, c’est peut-être mon personnel. Certains sont arrivés sans papier et maintenant ils sont propriétaires», confie fièrement le chef. En outre, dans la salle du restaurant trône un très grand tableau coloré peint par une artiste du quartier : «Ça, c’est toute l’équipe du matin», indique-t-il. À la table de son établissement, il présente une vision personnelle de la cuisine, la même depuis ses tout débuts : «Je tiens à ce que ce soit à la fois bon et généreux. Si on fait une côte de veau par exemple, je vais servir une pièce de 350 g. Pour le poisson, je préfère servir un morceau moins noble plutôt qu’un morceau qui ne fait que 100 g… Je crois que je tiens cela de mes parents !».

Après la reprise post-Covid, Karim Hakim a décidé de ne pas augmenter ses prix : «Il faut essayer de trouver des solutions, sinon les gens n’iront plus au restaurant», déplore-t-il. Lui, a préféré baisser ses marges : «Le midi, nous sommes obligés de tirer à plus de 100 couverts si l’on veut s’en sortir. Nous devons fonctionner comme des bouillons. En revanche, le soir, je préfère bloquer à 60 couverts pour que les équipes puissent ne pas partir trop tard.»

D’ailleurs, en témoignage de sa réussite, Chez Pradel fait désormais partie du guide le Petit Pudlo des Bistrots 2023, lancé et écrit par Gilles Pudlowski. Ce journaliste gastronomique, reconnu par la profession, y recense les meilleurs bistrots parisiens. Lorsqu’on lui demande sa recette pour garder une telle atmosphère, Karim Hakim répond simplement : «C’est comme une mayonnaise ! Avec mon équipe, nous essayons d’établir du lien et une ambiance chaleureuse. Mais ensuite, il faut que les personnes en face de nous soient réceptives, sinon la mayonnaise ne peut pas prendre.»

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