Maredsou Charvillat et Jocelyn Fraisse : d’un trois étoiles à un restaurant de village

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Maredsou Charvillat et Jocelyn Fraisse, tous deux âgés de 33 ans, ont abandonné l’Assiette champenoise – le trois étoiles Michelin où ils étaient employés – pour s’installer l’année dernière dans un vieux moulin de Saint-Saturnin. Une adresse repérée sur le site Le Bon Coin.

Maredsou Charvillat et Jocelyn Fraisse.
Maredsou Charvillat et Jocelyn Fraisse. Crédit : DR.

Depuis mai 2022, la vie est revenue au Moulin de la Santoire. Jocelyn Fraisse et sa compagne, Maredsou Charvillat, deux jeunes professionnels venus du monde de la haute gastronomie, ont élu domicile dans ce lieu isolé situé entre une rivière et un étang. La mairie de Saint-Saturnin a su les attirer et le village peut se féliciter d’abriter désormais une des plus belles tables du Cantal. Le critique Gilles Pudlowski, qui a l’art de dénicher des adresses sur les chemins de traverses, ne s’y est pas trompé et conseille « de réserver vite » dans cet établissement.

Ces deux natifs de Clermont-Ferrand sont issus du lycée hôtelier de Chamalières. Après un bac pro, Jocelyn a débuté au Richelieu, place de Jaude. Le jeune cuisinier, qui rêve de brigades étoilées, commence ensuite à entamer un tour de France le conduisant à la Bastide St-Antoine, chez Jacques Chibois, à Grasse (Alpes-Maritimes). Déçu par cette première expérience, il revient en Auvergne pour travailler dans l’Atelier, le bistrot clermontois du chef doublement étoilé, Xavier Beaudiment. Heureusement, ce dernier lui redonne le goût du métier. « Au bout de quelques mois, Xavier Beaudiment m’a confié le poste de chef, raconte Jocelyn. Il m’a beaucoup appris. Avec lui, je faisais le marché et participais à la création de la carte. »

Il rebondit ensuite en s’envolant vers Sydney, pour y travailler dans les bars à vins. Jocelyn Fraisse affirme y avoir découvert et apprécié « une approche différente du métier ». De retour à Clermont, il rencontre Maredsou et le couple s’efforce dès lors de vivre une évolution professionnelle commune, en travaillant dans les mêmes établissements. Maredsou Charvillat, qui a obtenu un BTS à Chamalières, a connu un début de carrière plus orienté vers l’hôtellerie.

Elle officie le plus souvent en salle quand Jocelyn intègre les brigades de cuisiniers. Ils ont ainsi travaillé à l’En-but, la brasserie du stade Michelin. Ensuite, ils partent en saison à Courchevel (Savoie), à l’Annapurna, un hôtel de la famille Pinturault. Jocelyn y est impressionné par le chef, Lionel Blondin, « qui connaît l’Escoffier par cœur et continuait à mettre ses recettes à la carte. C’est lui qui m’a donné envie de retourner chez les étoilés ».

Après une saison d’été au Princesse Flore à Royat (Puy-de-Dôme), où Jocelyn participe à la relance du restaurant en tant que second de cuisine, le couple s’installe en Bourgogne, à l’Hostellerie de Levernois (Côte-d’Or). Jocelyn travaille alors sous la férule de Philippe Augé, « un saucier extraordinaire », selon lui. Le chef conseille au jeune homme de se frotter à l’excellence d’un établissement 3 étoiles Michelin. Pour parvenir à entrer dans ce cénacle, Jocelyn accepte de revoir ses prétentions à la baisse en acceptant un poste de demi-chef de partie chez Arnaud Lallement, à l’Assiette champenoise, à Tinqueux (Marne). « J’étais monté trop vite, trop haut », conclut Jocelyn avec modestie. Pourtant, au bout de 3 mois passés à l’Assiette champenoise, il obtient un poste de chef de partie et, deux ans plus tard, il est nommé premier chef de partie.

C’est au terme de l’expérience rémoise que les deux professionnels ont choisi de revenir en Auvergne. «Nous cherchions une ferme pour créer un gîte et des chambres d’hôtes, quand nous sommes tombés sur cette annonce du Bon Coin où la municipalité cherchait des gérants », raconte Maredsou. L’ancien Moulin, qui avait abrité ensuite un café restaurant, était à l’abandon depuis 8 ans. Mais le village de Saint-Saturnin a décidé de le rénover et de le relancer.

Avec son humilité coutumière, Jocelyn explique «être arrivé sur la pointe des pieds sans déballer son CV. On dit que nous sommes un restaurant gastronomique, mais nous n’avons pas cette prétention ». Son menu-carte à 34 € est modifié tous les deux ou trois mois. Inventif, le chef propose des plats comme les pieds de cochon croustillants et un houmous de pois blancs de Saint-Flour, accompagné d’un curry vert. Il ne se pose pas de limite et garantit qu’il n’a pas de prétention locavore, même s’il reconnaît « acheter le plus possible à proximité, car c’est plus logique ».

Le trentenaire fait aussi la part belle aux producteurs de vins régionaux, comme Benoît Montel ou Stéphane Bonjean. Dès son ouverture, le restaurant a vite affiché complet avec une limite fixée à 25 couverts par service. Cette année, la jauge maximale a même été descendue à 20 couverts. Il faut rappeler que les gérants travaillent seuls, bien qu’une serveuse a été embauchée cette année pour soulager Maredsou, dans l’attente d’ un heureux événement. Le couple ne veut surtout pas décevoir la clientèle locale. Sans esbroufe, ils misent sur le long terme. Ils n’utilisent pas le Moulin comme un tremplin et tous deux tiennent à bénéficier le plus longtemps possible de la qualité de vie qu’ils ont trouvée sur place. Ils imaginent même un jour créer des chambres d’hôtes pour compléter l’activité du restaurant.

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