Peggy Gasté explore la restauration comme un terrain d’expression et de transformation. Cofondatrice du groupe Coolangatta avec son frère, elle en bouscule les codes pour bâtir une entreprise à son image : libre, inspirante. Funambule sûre de ses pas, elle œuvre à faire évoluer son métier pour le rendre plus désirable, pour les équipes comme pour les clients.

Peggy Gasté a soif d’apprendre des autres, des situations. Une véritable boulimique de l’entrepreneuriat et du rapport au client. « Je crois en la restauration parce que c’est un métier que j’adore. Et parce que rien n’est jamais acquis. » Son optimisme communicatif couplé « au côté visionnaire » de son frère Arnaud Gasté a conduit le groupe Coolangatta (Judy, Archie, Little Temple bar, Le Fitzroy…) à développer, depuis sa création il y a vingt ans, une approche bienveillante et progressiste. Le duo n’a jamais perdu de vue sa madeleine de Proust, l’amour des bons produits inculqué par les parents bouchers-charcutiers.
L’âme commerçante aussi, où la satisfaction des clients prime. Si elle laisse volontiers la casquette créative à son frère, Peggy Gasté ne manque pas d’inventivité pour mettre sur les bons rails l’entreprise familiale. Le duo est en effet parti tous azimuts avec ses 13 établissements – restaurant sans gluten et inspiré de la naturopathie, restaurant à brunch, bistronomie, mixologie, bar dansant… « J’aurais préféré qu’il développe des franchises, mais ça l’ennuie ! En réalité, les lieux changent parce que les quartiers évoluent, il faut s’adapter à la clientèle, qui voyage, qui a envie de nouvelles choses. »
Le groupe a très tôt compris le potentiel du sans gluten et du café de spécialité, désormais des fils rouges dans l’ensemble des établissements.« Mon travail est plutôt dans l’ombre pour définir et garantir le niveau d’exigence des établissements. »Plus facile à dire qu’à faire lorsqu’il s’agit de faire tourner ce qui est désormais une grosse machine de 300 salariés.« À mes débuts, j’ai connu les semaines à plus de 100 h, j’ai expérimenté à peu près toutes les erreurs et les mauvaises économies que peut faire un restaurateur. Mais j’ai toujours vu ça comme quelque chose de positif. »Son envie de bien faire l’oblige à détricoter les problèmes pour cerner les enjeux et les besoins. À remettre en question inlassablement.« Par exemple, j’adore les avis ! Ils me permettent de redresser la barre avant qu’il ne soit trop tard. C’est à nous de convertir un point négatif en une progression, c’est rassurant. »
«J’adore les avis! Ils me permettent de redresser la barre.»
L’expérience lui a appris à prendre du recul pour être une meilleure gestionnaire, pour son restaurant ainsi que pour ses équipes.« Pour que le client soit satisfait, tout commence par une équipe avec un bon état d’esprit. J’ai coutume de dire que, lorsque nous recrutons, nous préférons les profils qui ont déjà le savoir-être, le reste s’apprend, l’envie non. Pour que ça fonctionne, il faut que chacun comprenne le travail de l’autre mais aussi son rôle dans toute cette organisation et pourquoi les choses sont pensées de telle ou telle façon. Il y aura toujours besoin d’une hiérarchie pour prendre les décisions, mais il peut y avoir une forme d’horizontalité dans la relation. Au lieu de faire un portrait de Peggy, j’aimerais qu’un jour on me demande à faire le portrait d’un salarié ».
De son approche, ce sont paradoxalement les nouvelles technologies qui lui permettent d’atteindre son but.« Je pense que c’est l’avenir car ces outils nous aident à libérer du temps pour nous améliorer. Être restaurateur aujourd’hui, c’est devoir endosser plusieurs casquettes, de chef, de gestionnaire, de commercial, de communicant. Les clients sont aussi extrêmement exigeants, ils nous incitent à évoluer et ils ont raison. Mais le risque, c’est de se retrouver dans un rush permanent. »Elle regrette que la formation des futurs restaurateurs néglige ces évolutions.« Je comprends les doutes des parents face aux écoles hôtelières. Pourtant, un élève motivé peut aller très loin. La restauration est un propulseur de talents, la progression peut aller très vite. Il faut revaloriser l’apprentissage, en intégrant aussi les outils digitaux qui feront partie du quotidien des professionnels. Les jeunes doivent avoir une vision globale du métier tel qu’il évolue. »
Au cours des dernières années, ses fonctions au conseil de prud’hommes et comme administratrice au sein du GHR lui ont fait prendre conscience du chemin qu’il reste à parcourir à une grande partie de la profession pour changer de prisme. « J’ai voulu comprendre les rouages du secteur pour agir concrètement. Malgré les difficultés post-Covid, je crois en l’avenir de la restauration. Il faut rester positif et s’adapter aux nouveaux usages comme la livraison et le télétravail. C’est l’élan que je veux porter via le GHR. Mon passage aux prud’hommes m’a aussi révélé un vrai manque de lien entre employeurs et équipes. Un dirigeant ne peut pas tout savoir, mais il peut progresser. » Forte de son expertise et confiante dans la mécanique qu’elle a instaurée au sein de Coolangatta, Peggy Gasté lâche doucement la bride du groupe familial. Elle ouvrira prochainement son agence de consulting pour accompagner les porteurs de projet.