Thomas Legrand : la réussite

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Le sommelier Thomas Legrand a ouvert, il y a trois ans, Narro. Ce restaurant bistronomique propose une cuisine française largement confectionnée par une équipe japonaise. Un mélange gagnant qui le conduit actuellement à réfléchir à la création d’un bar à vins.

Thomas Legrand et son épouse Megumi Terao. Crédit DR.
Thomas Legrand et son épouse Megumi Terao. Crédit DR.

En 2020, Thomas Legrand et son épouse japonaise, Megumi Terao, ont créé Narro, un nouvel espace bistronomique parisien à deux pas de la place de la Contrescarpe (Paris 5e). Un timing compliqué entre les deux confinements. Malgré tout, Narro a traversé sans encombre cette période de turbulence grâce à un projet bien ficelé. Le couple a en effet choisi de s’associer à Kazuma Chikuda, un chef réputé. Par le passé, il a évolué dans le groupe Hiramatsu, mais aussi dans les cuisines du restaurant Paul Bocuse au Japon. Alain Julien fait également partie de l’association. Moins présent dans l’établissement, il en assume cependant la gestion quotidienne.

Ce quatuor s’est ainsi réparti les tâches. Megumi dirige la salle alors que son mari Thomas, sommelier émérite, veille sur la cave. Animé par une équipe franco-japonaise, Narro ne se présente pas comme un restaurant nippon. D’abord, son nom est tiré du latin et signifie «je raconte». Ensuite, la carte est d’inspiration française avec quelques touches asiatiques très ponctuelles. Le prix du menu complet à 34 € attire les foules. Ce petit restaurant de 50 places assises parvient à servir en moyenne une cinquantaine de couverts au déjeuner et 70 au dîner. Une équipe de neuf employés en cuisine et quatre en salle est nécessaire à la bonne marche de cet établissement.

«Le mois d’août est le meilleur de l’année, rappelle Thomas Legrand. D’abord parce que nous sommes peu nombreux à être ouverts et ensuite parce que nous disposons l’été d’une terrasse éphémère de 30 places, qui accroît notre capacité d’accueil.» Ce succès conduit les quatre associés à préparer l’ouverture d’un second établissement sous la forme d’un bar à vins, agrémenté de tapas dans les environs de Narro.

Cette aventure représente une belle revanche pour Thomas Legrand. Né à Paris il y a 47 ans, il a vécu une partie de son enfance dans les Combrailles (Massif central). Ses parents avaient alors estimé que l’environnement y était plus favorable pour leurs enfants. Thomas a retrouvé Paris sur les bancs du CM2 et après le baccalauréat, il a un temps lorgné vers l’école hôtelière. Mais ses parents ont préféré l’orienter vers une école de commerce, puis vers le contrôle de gestion. Peu emballé par ce métier, il l’a toutefois exercé quatre ans dans diverses entreprises.

Peu à peu, il met le doigt dans l’engrenage en dépannant ponctuellement, comme serveur, des amis restaurateurs. À 26 ans, il craque et accepte un poste au Domaine Léopold (Paris2e), puis se spécialise rapidement dans le vin. En 2006, il a l’opportunité de prendre la Muse Vin (Paris 11e). Cet épisode a duré quatre ans, au bout desquels il fut contraint de jeter l’éponge.

Il concède aujourd’hui des erreurs de gestion, étonnantes pour un diplômé dans cette discipline. « Ce n’est pas parce qu’on sait gérer qu’on aime gérer, conclut-il. Je voulais tout faire, je ne savais pas déléguer.» C’est aussi pour cela qu’il apprécie aujourd’hui la complémentarité des compétences des associés et salariés de Narro. D’ailleurs, les dix ans qui ont précédé la création de ce restaurant, il n’est pas resté inactif. Thomas Legrand s’est fait un nom comme sommelier de la bistronomie parisienne et spécialiste des vins nature dans des établissements comme Gros ou Vivant (Paris 10e). C’est d’ailleurs dans ce dernier restaurant qu’il a fait la connaissance de Megumi, venue ce jour-là en cliente.

La jeune Japonaise, cuisinière de formation, est arrivée en France en 2008. Son chef, le Français Dominique Corby, installé à Tokyo, l’avait mise en relation avec le restaurateur Patrick Gauthier, de La Madeleine à Sens (Yonne). Il cherchait alors une serveuse capable de dialoguer avec la clientèle japonaise. Après quelques mois en Bourgogne, Megumi s’est orientée vers Paris, cette ville qui la faisait rêver. Elle exerce notamment chez Okuda (Paris8e) puis chez Gros, où elle travaille durant cinq ans… auprès de Thomas Legrand.

Narro bénéficie aujourd’hui d’une abondante clientèle asiatique qui apprécie l’ambiance, mais aussi de nombreux gourmets parisiens fidèles du lieu. Parmi ces derniers, Thomas Legrand a reçu à plusieurs reprises son homonyme, le célèbre chroniqueur des matinales d’Inter. Les deux hommes ont sympathisé et se sont découvert de nombreux points communs. Dont leur taille, 1,66m, mais surtout une passion pour le rugby, sport dans lequel ils ont tous deux évolué au poste de talonneur. Thomas, qui préfère «pratiquer que regarder», assure suivre la Coupe du monde de rugby de loin. Si d’aventure la France croise le Japon dans la compétition, l’intérêt de tous les employés du restaurant pourrait s’éveiller. Mais toujours dans le respect mutuel. «Ces dernières années, explique le sommelier, j’ai été beaucoup amené à travailler avec des Japonais et j’apprécie leur rigueur, leur droiture ainsi que leur sens de l’engagement et de la précision.»

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