Les choix à faire pour réussir son plateau

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Rien de plus simple, à première vue, que de poser des fruits de mer sur un plateau. Mais proposer un produit à l’état brut est un exercice qui ne donne pas droit à l’erreur.

Pourquoi mettre des trucs qu’on ne va pas manger sur un plateau de fruits de mer ? » interroge l’ostréiculteur Joël Dupuch.

Tous les spécialistes que nous avons interrogés conseillent de se débarrasser des décorations superflues. « Je n’aime pas trop quand on ajoute des choses extérieures, comme des végétaux, des petits phares, des filets, c’est un peu dépassé, juge Jean-Jacques Cadoret, à la tête de l’entreprise familiale Huîtres Cadoret. D’autres ont un avis moins tranché, comme le MOF poissonnier écailler Bruno Gauvain : « Je n’aime pas décorer avec du persil mais on peut utiliser du feuillage exotique, il y en a des jolis, ou des coquilles saint-jacques vides, et des citrons apportent de la couleur. » Mais celui qui est également conseiller de la maison Gillardeau conclut : « Il n’y a pas besoin de beaucoup de décoration. On a déjà une diversité de formes et de couleurs avec les produits. »

Mettre en avant un coquillage ou un crustacé dans son plus simple appareil plaît à une clientèle de plus en plus prudente sur son alimentation et méfiante envers les aliments transformés. Autre avantage : le plateau sera plus rapide à monter et plus léger, ce qui facilitera la tâche du serveur. Pour rendre attrayant un plateau composé uniquement de fruits de mer, le plus simple est de multiplier les produits. « Esthétiquement, plus il y a de choix, plus c’est joli. Le plateau idéal est celui qui plaît à tout le monde, donc c’est mieux s’il y a de la variété », selon Bruno Gauvain. Le MOF conseille de jouer avec les couleurs : quelques bulots ou bigorneaux apporteront un point noir, le homard ou la langoustine, du rouge.

Francisco Pires, champion de France des écaillers en 2017, suggère de disposer les fruits de mer « en symétrie, en mettant les coquillages les uns derrière les autres, et en disposant les langoustines en hirondelles ». Jean-Jacques Cadoret conseille de « disposer les huîtres en périphérie, puis de remplir le centre en montant petit à petit. S’il y a beaucoup de choses, on superpose plusieurs plateaux avec des trépieds ».

Question de prix

La composition du plateau est guidée par des critères esthétiques mais aussi gustatifs. Francisco Pires invite les restaurateurs à y placer une majorité d’huîtres « car c’est le produit le plus apprécié par le plus de personnes, alors que les autres coquillages sont plus forts en goût : tout le monde n’aime pas ça ». La quantité de crustacés sera plus réduite, tout simplement en raison de leur coût.

« On compose également le plateau pour que son prix soit raisonnable et convienne au client » , rappelle le champion. Le choix des produits dépend du standing de l’établissement et du type de clientèle visée. Un plateau type sera composé d’huîtres de plusieurs variétés, fines, plates et peut-être spéciales.

S’y joindront des coquillages classiques, tels que les palourdes, les amandes ou les praires, et éventuellement des oursins. Le restaurateur peut décider, comme le suggère Bruno Gauvain, de proposer des variétés un peu plus originales, comme le violet. Du côté des crustacés, le homard ou la langoustine constituent sans doute les pièces les plus impressionnantes.

Pour les crevettes, l’ostréiculteur Jean-Jacques Cadoret conseille d’oublier le bouquet breton « rare et cher » et de se tourner plutôt vers de jolies crevettes de Madagascar ou d’Afrique de l’Ouest. Des plateaux moins onéreux peuvent également être composés. « Dans ce cas, pas d’huîtres spéciales ni de creuses de Bretagne, juge Francisco Pires. Ce n’est pas parce que les huîtres sont chères que le plateau est meilleur : on a des huîtres de Normandie qui sont très bien. »

Oubliez également les oursins ou le homard. En saison, vous pouvez trouver des langoustines ou du tourteau à prix raisonnable. « Dès qu’on ajoute des crustacés, le prix monte », rappelle Bruno Gauvain.

Le plus simple serait d’opter pour des plateaux uniquement composés de coquillages, notam ment de moules, clams, bulots et bigorneaux. « Ce sont des produits qui ne font pas forcément rêver, mais qui sont plus économiques et qu’il suffit de relever d’une petite sauce », admet Joël Dupuch, qui n’en est lui-même pas adepte. Il n’est pas non plus féru de citron sur les huîtres, mais affirme que l’envie du client est plus importante. Nos autres spécialistes partagent cet avis et proposent d’office le citron, ainsi que du vinaigre à l’échalote, et un bon poivre. Pain et beurre sont également incontournables, et le restaurateur peut s’en servir pour se démarquer en proposant par exemple du beurre aux algues en plus du beurre salé, et un pain de campagne avec l’habituel pain au seigle. Sans oublier, tel Francisco Pires qui officie au restaurant parisien La Mascotte, de se tenir prêt à répondre à toutes les demandes : « Nos clients chinois ou anglais demandent du Tabasco. On le sert, bien sûr, même si ça nous paraît toujours un peu bizarre. »

Que préparer en amont

Huîtres et autres coquillages peuvent s’acheter quelques jours à l’avance, « huit à dix jours sans problème » , selon Joël Dupuch. Les crustacés doivent arriver le plus tard possible. « Il est préférable de se faire ravitailler un peu tous les jours que faire une belle opération d’achat si on n’est pas sûr de tout écouler dans les deux jours », précise l’ostréiculteur. L’ouverture des coquillages peut être anticipée : d’une heure, selon Jean-Jacques Cadoret, de deux, pour Francisco Pires. Pas plus, car les produits commencent à sécher dès l’ouverture. Ils se recroquevillent et sont moins appétissants. « Une heure ou trois heures avant, ça ne change pas grand-chose au niveau du goût, si la prestation du professionnel est de qualité et que le mollusque n’est pas abîmé durant l’ouverture », juge Bruno Gauvain. Les crustacés cuits peuvent attendre plus longtemps – au frais bien entendu. « Mais c’est toujours bien meilleur de les cuire sur place peu avant le service », estime Jean-Jacques Cadoret. En tout cas, veillez à refermer ceux que vous avez coupés en deux. Le mieux, nos spécialistes s’y accordent, reste de tout préparer au dernier moment, notamment la disposition sur le plateau, pour éviter que la glace ne fonde. De plus, les coquillages refroidiraient au contact des glaçons, ce qui les affadirait (la température de service idéale se situe entre 5 et 10 °C).

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