Nouvelles approches : l’électrique et le design

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Partenaire quotidien du cuisinier, le fourneau est sans aucun doute la pièce maîtresse d’un restaurant. Pourtant, c’est aussi parfois la source de bien des désagréments. Entre mauvais agencement, difficultés de nettoyage et inconfort au travail, il convient parfois de reconsidérer son équipement, notamment dans le cas de reprises de fonds, pour améliorer les performances de cuisson mais aussi le bien-être en cuisine.

Des fourneaux et des chefs
Des fourneaux et des chefs. Crédit DR.

Les spécialistes de l’installation de cuisines professionnels sont unanimes, l’implantation d’un fourneau demande de questionner précisément les besoins du restaurant, en fonction du type de cuisine proposée, mais aussi de l’organisation de la brigade. Les solutions modulaires sont aujourd’hui légion et permettent aux fabricants d’offrir un éventail très large d’options en termes d’équipements mais aussi d’encombrement. La plupart proposent à leur catalogue des modules de 700 à 900 mm qui intègrent aussi bien les feux vifs que les planchas, grills, friteuses, bains-marie ou encore woks. Le fabricant Adventys, leader français des feux à induction, vient pour sa part de rénover sa gamme modulaire en y ajoutant une dimension de 650 mm de profondeur.

L’optimisation de l’espace est en effet une donnée de premier ordre dans la plupart des locaux. Certains fabricants ont donc poussé leurs développements assez loin sur la question, allant jusqu’à penser une complémentarité précise entre leurs modules, afin d’optimiser l’espace et les manipulations pendant le service. Electrolux a notamment sorti, en 2022, une station complète sur ses gammes 700 et 900 XP, associant un module doté de la plancha Nitrochrome 1.200 mm et de tiroirs de stockage en froid positif ou négatif, et un meuble équipé d’une friteuse à relevage automatique. L’ensemble se présente comme une solution efficace pour la restauration traditionnelle à débit conséquent, s’appuyant aussi sur la grande réactivité de la plancha chrome.

Design et sur-mesure

En parallèle, et dans le même souci de polyvalence, le fabricant a développé l’Aqua-cooker pour prendre en charge diverses opérations de cuisson, potentiellement 24h/24. Le module officie par exemple à la fois pendant le service comme cuiseur à pâtes, lors des mises en place comme bain-marie, et durant la nuit pour des cuissons sous-vide au degré près. Chez Capic, les gammes 800 et 900 prennent un coup de jeune. « Nous avons remarqué que le design compte de plus en plus pour les restaurateurs même sur le modulaire, notamment avec la grande tendance des cuisines ouvertes », note François Coudray, directeur commercial de l’entreprise bretonne.

Les moteurs n’ont pas changé, mais les lignes se font plus sobres et la chasse aux angles plus systématique qu’auparavant. « Gommer un angle, c’est 30 secondes de gagnées par jour et par angle. Sur le nombre de services hebdomadaires, c’est un gain de temps considérable » ajoute-t-il. Pour aller plus loin sur ce point crucial du nettoyage des fourneaux, le constructeur a également mis au point un plan unique pour unifier les modules. « L’idée est d’améliorer l’ergonomie de travail sans avoir aucun joint entre les modules. » Cette option, également disponible sur la ligne Thermaline chez Electrolux Professional notamment, donne alors au fourneau modulaire une allure de monobloc.

« Les demandes sont clairement en hausse depuis le Covid, complète François Coudray. C’est aussi une manière d’amener la personnalisation sur le modulaire avec des bandeaux émaillés par exemple. Là encore, le design prend une place de plus en plus importante. » Longtemps absente des cuisines, la notion d’esthétique semble ne plus être l’apanage des fourneaux sur mesure. D’autant que ces derniers font également l’objet d’un engouement particulièrement important.

L’entreprise Molteni, centenaire cette année, a d’ailleurs su prendre le train de la modernité en inscrivant le savoir-faire minutieux de ses 25 employés dans une logique plus contemporaine. La sortie, en 2017, de la gamme Caractère est venue moderniser les lignes sans pour autant ringardiser l’originale 1923. Toutes deux bénéficiant des innovations dernier cri pour les différents postes de cuisson, en plus d’une carrosserie personnalisée au millimètre. Cette volonté des chefs d’affirmer désormais leur identité aussi bien dans l’assiette que sur leur fourneau n’a pas non plus échappé à Capic, qui a engagé un important travail de refonte de son monobloc Elite.

La tête de proue de l’entreprise se métamorphose littéralement en adoptant des rondeurs inhabituelles chez le fabricant, tout en sobriété. La personnalisation est bien sûr au premier plan, dans l’aménagement du fourneau lui-même, comme c’était déjà de mise avec l’ancienne version, mais surtout dans l’esthétique. « Nous en fabriquons 25 par an et notre objectif est au moins de doubler la production, précise François Coudray. Nous entendons devenir leader sur ce segment. » Le projet sera présenté à l’occasion du salon Host, à Milan, mi-octobre.

L’induction pour gagner en énergie

Le salon italien sera également l’occasion pour Adventys de dévoiler une gamme embarquant une braisière, ainsi qu’un cuiseur à pâtes à induction. D’autres éléments, encore à l’état de prototypes, rejoindront la liste en 2024. « Le marché est désormais extrêmement développé, on peut trouver n’importe quel matériel en induction, appuie Clara Pellegrini, responsable communication et marketing de l’entreprise. Il y a tellement d’équipements différents en induction, qu’on peut répondre à tous les besoins. »

La transition vers cette méthode de cuisson est en effet fulgurante depuis quelques années, dans un Hexagone pourtant intimement attaché à la cuisson au gaz. Capic note une hausse de 20% tous les ans de ce type de projet, et Adventys a vu son chiffre d’affaires s’envoler d’un million d’euros l’année dernière. « L’électricité offre un meilleur rendement pour l’énergie consommée par rapport au gaz, souligne Nicolas Pando, chef de marché cuisson chez Electrolux Professional. C’est aujourd’hui plus facile de se projeter avec de l’électricité. Et l’induction bluffe même les plus fervents défenseurs du gaz. » En effet, à puissance équivalente, l’induction restitue 95% de l’énergie mobilisée dans la cuisson de l’aliment contre seulement 75% pour le gaz.

Par ailleurs, les fabricants progressent vite, notamment sur les plaques multizones, particulièrement recherchées. Adventys a développé un nouveau produit offrant jusqu’à 16 zones différenciées sur le même périmètre de 800 x 800. « Cela permet d’optimiser énormément l’espace en ayant du maintien au chaud, une plaque coup de feu et du mijotage sur peu d’espace, un avantage pour les petites cuisines, poursuit Clara Pellegrini. Certains métiers comme la chocolaterie et la pâtisserie ont par ailleurs fait de l’induction un atout considérable. » La précision des températures au degré près, la montée rapide en chauffe, le confort thermique de travail, le temps de nettoyage nettement divisé, la dimension renouvelable de l’électricité…

Autant d’arguments qui semblent balayer d’un revers de manche des décennies de pratiques culinaires à la flamme. Cela n’apparaît pourtant pas si radical. Si « la plaque coup de feu tend vraiment à disparaître », selon les observations d’Adventys sur ces projets hybrides, la cuisson au gaz n’est pas encore enterrée ! « Les cuisiniers français y restent très attachés comme moyen principal de cuisson, constate Clara Pellegrini. Il y a un côté “tradition”, certains nous disent que cuire au gaz donne un autre goût aux aliments. Et, puis, les chefs ont peur de ne plus savoir gérer les cuissons. Au gaz, ils ont leurs réflexes, ils travaillent souvent à pleine puissance. Sur l’induction, ils doivent réapprendre à moduler, ils doivent modifier toutes leurs pratiques. »

L’innovation reste donc de mise sur ce créneau, d’autant que l’industrie française s’est largement exportée, notamment au Maghreb ou dans les pays du Golfe, où la cuisson au gaz reste largement majoritaire. Capic a ainsi retravaillé les puissances de ses brûleurs qui passent désormais à 6, 8 et 10 kWh, avec une option monofoyer. La fonction Ecoflam, qui permet de couper l’alimentation du brûleur lorsqu’aucun ustensile se trouve sur le fourneau, a également été étendue à l’ensemble des puissances. Ce même dispositif se retrouve sur les fourneaux Thermaline et modulaires XP chez Electrolux. « Dans le contexte actuel des prix de l’énergie, ces quelques minutes gagnées par service, ce n’est pas rien », souligne Nicolas Pando. L’industrie française du fourneau semble avoir de beaux jours devant elle.

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