Inter Rhône : une ambition intacte en dépit d’un contexte compliqué

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Philippe Pellaton, président d’Inter Rhône, interprofession des vins de la vallée du Rhône, a tenu lors de Wine Paris un discours positif et ambitieux, en dépit d’un contexte incertain.

Philippe Pellaton, président d'Inter Rhône, lors de l'édition 2025 de Wine Paris. Crédit : Aurélien Peyramaure - Au Cœur du CHR.
Philippe Pellaton, président d'Inter Rhône, lors de l'édition 2025 de Wine Paris. Crédit : Aurélien Peyramaure - Au Cœur du CHR.

Le salon Wine Paris est toujours l’opportunité pour les professionnels du vin de développer leurs affaires. C’est aussi l’occasion pour eux d’effectuer un point d’étape. L’édition 2025, qui s’est tenue à Paris Expo Porte de Versailles du 10 au 12 février, n’y a pas échappé. En effet, Inter Rhône, l’interprofession des vins de la vallée du Rhône, représentée par son président Philippe Pellaton, s’est prêtée au jeu.

En ressort un discours positif et ambitieux, et ce malgré une conjoncture toujours plus incertaine. Les estimations pour la récolte 2024 s’élèvent à moins de 2,16 millions d’hectolitres, en chute de 11% par rapport à celle de 2023, évaluée à 2,43 millions d’hectolitres. Ce qui en fait en outre la plus petite récolte enregistrée pour les vignobles de la vallée du Rhône. Cette baisse concerne les trois couleurs, mais le rouge, à 1,61 million d’hectolitres (-11%), subit le déclin le plus important.

De plus, cette évolution n’a que peu d’incidence sur la répartition des vins en termes de couleur par rapport à l’année précédente. Tandis que le rouge représente 74,5% des volumes, le rosé atteint les 13,5% et le blanc les 12%. Cette dernière était « à 5% il y a 10 ans », rappelle Philippe Pellaton, qui note une belle progression du vin blanc, « au détriment du rouge et un peu du rosé ». En outre, après laudun et gigondas qui sont désormais disponibles en blanc, il est à noter que les appellations rasteau et vinsobres, à ce jour uniquement rouges, travaillent sur l’ouverture de leurs cahiers des charges au vin blanc.

Une croissance régulière du blanc

Philippe Pellaton se félicite de cette « croissance régulière et raisonnée », qui n’exclut pas la possibilité de « faire une pause », pour potentiellement tenir compte du marché. Malgré tout, les vignerons demeurent sur la bonne voie : « Nous avions fixé 20% à échéance 2031. Nous sommes dans les clous. » Et ce d’autant plus que le vin blanc est le seul de la vallée du Rhône dont les sorties de chais progressent : +3% sur un an et +5% par rapport à la moyenne des trois dernières années. Le rouge connaît un repli de l’ordre de -1% sur un an, tandis que le rosé subit une dégringolade continue : -6% à fin 2024 et -14% par rapport à la moyenne triennale.

Plus globalement, les résultats se révèlent meilleurs et marquent une certaine stabilité. En effet, grâce aux cinq derniers mois de l’année 2024 qui ont vu une reprise, la baisse des sorties de chais sur l’année entière se limite à -1%. L’AOC côtes-du-rhône, la plus importante de la vallée du Rhône, connaît même une hausse de 2% sur 12 mois à fin décembre 2024. Néanmoins, les villages poursuivent leur baisse, enregistrée à -5%. De la même manière, les crus connaissent un recul, à -1%, qui se révèle toutefois plus faible que les deux années précédentes. S’agissant enfin des autres appellations de la vallée du Rhône, elles connaissent une baisse sur un an, évaluée à -6%.

Une belle présence en CHR

Dans cette situation contrastée, Philippe Pellaton choisit de garder le sourire, en saluant notamment une belle présence sur les tables des CHR, qui représentent tout de même 25 à 30% des volumes français, le marché intérieur étant destinataire de 65% de la production totale. « Dans un contexte compliqué, il faut regarder le verre à moitié plein parce que la cote d’amour est toujours là. Sur le circuit traditionnel, les vins AOP de la vallée du Rhône sont les premiers en volume. Notre gamme est très étoffée, entre les appellations régionales et les crus, avec des prix larges. »

Dans le détail, les vins de la vallée du Rhône ont connu en 2023 une hausse des volumes de 2,7% par rapport à 2022. Ce qui leur permet de revendiquer le titre de leader en valeur pour l’année 2023, avec un chiffre d’affaires de 62,8 millions d’euros, en hausse de 4,7% sur un an. « Nous avons eu une peur panique mais nous avons retrouvé des couleurs. Nous n’avons pas ce sentiment de peur imminente, nous restons optimistes », indique le président d’Inter Rhône.

S’agissant en outre de l’export, qui englobe 35% de la production totale, l’embellie porte sur plusieurs marchés qui connaissent de belles progressions en volume : le Royaume-Uni avec +3%, le Canada avec +6% et l’Allemagne avec un bond de 12%. D’autres destinations sont moins à la fête : la Belgique avec -1%, les États-Unis avec -3%, la Suède avec -8% et les Pays-Bas avec -5%. Toutefois, il est à noter que le chiffre d’affaires a plus de mal. Il reste malgré tout en hausse de 9% sur une période de 10 ans.

La lutte renforcée contre l’impact carbone

Preuve que l’interprofession des vins de la vallée du Rhône reste optimiste, elle n’hésite pas à dévoiler ses réussites et réaffirmer ses ambitions. Notamment sur le plan de la RSE, avec une augmentation de 20% des domaines labellisés, entre 2023 et 2024. Dans la même veine, la part de bio dans la production totale est passée de 19% en 2023 à 21% en 2024. La certification HVE est quant à elle passée de 33% à 35%. L’interprofession précise enfin que plus de 56% de la récolte 2024 s’inscrit dans une démarche environnementale.

De plus, en matière d’empreinte carbone, à la suite d’une analyse, Inter Rhône a identifié quatre leviers d’action prioritaires. « Le développement des couverts végétaux, la plantation de haies dans les vignes, l’allègement du poids des bouteilles et un travail sur le réemploi des contenants », détaille alors Philippe Pellaton. Un état des lieux sera réalisé durant le premier semestre 2025. Il donnera lieu à la mise en place d’objectifs. Et pour cause, d’après la fameuse étude intervenue en 2024, il ressort que le conditionnement représente le premier poste d’émissions carbone, à hauteur de 40 à 50%. Suivi du transport et de la viticulture (15 à 20% chacun), puis de la vinification (de 8 à 15%).

Une diversification accrue

En parallèle, Inter Rhône poursuit son travail sur la définition de profils de rouge, dans un contexte de déconsommation accrue de ce vin. L’interprofession mise ainsi sur un premier profil correspond à un vin rouge frais, fruité et gourmand, et sur un deuxième profil qui renvoie à celui d’un vin rouge complexe, structuré et épicé. De plus, Philippe Pellaton souhaite également travailler sur « des rouges plus légers, clairs, voire avec une désalcoolisation ». Des produits qui peuvent néanmoins soulever certaines questions : « Il faut voir si les cahiers des charges doivent être adaptés ».

Dans ce même effort de diversification, un programme expérimental a débuté au sujet de la production de blanc de noirs en méthode ancestrale. L’objectif est d’aboutir à un cadre pour la production d’effervescents dès la récolte 2026. Enfin, l’importance de l’œnotourisme au sein des vins de la vallée du Rhône est réaffirmée par l’octroi d’un budget supplémentaire, d’abord attribué à l’export mais finalement retiré pour des raisons « de difficultés d’accès » aux différents marchés. Une campagne de communication sur l’offre œnotouristique des vignobles de la vallée du Rhône sera ainsi lancée au printemps 2025 en digital et sur les réseaux sociaux. « Aujourd’hui, la clientèle captive reste très locale. Il y a un travail de fond à effectuer », explique le président d’Inter Rhône, qui a prévu de valoriser la dimension durable de l’offre.

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