Il bouscule un peu nos habitudes alimentaires et culinaires. En mélangeant l’ordre des plats et les saveurs avec convivialité, le brunch a conquis les consommateurs. Et les restaurateurs y trouvent un moyen d’attirer une nouvelle clientèle et de dynamiser leur offre.

Mot-valise, Brunch est la contraction des termes anglais « break-fast » (petit déjeuner) et « lunch » (déjeuner). Il trouve son origine aux États-Unis, avant d’être introduit au Royaume-Uni à la fin du XIXe siècle, mais il n’apparaît en France que dans les années 1980. Depuis, il s’est imposé comme un moment de gourmandise, de convivialité… et le rendez-vous incontournable des dimanches matin paresseux. Devenu un rituel pour certains, ce moment de consommation hybride a tout pour séduire : une plage horaire élargie, pour un partage peu formel d’aliments variés, chauds ou froids, sucrés et salés. Il semble plaire toujours autant et signe même un beau retour dans les plus belles adresses.
À côté du brunch « classique », les « nouveaux » brunchs présentent une palette variée d’expériences gourmandes. Chaque lieu propose une interprétation unique de ce rituel dominical, entre tradition revisitée et inspiration plus audacieuse. Le brunch permet d’élargir sa cible de clientèle, d’attirer de nouveaux consommateurs – souvent plus jeunes – en vue de les fidéliser. Il offre aussi l’opportunité intéressante de développer du chiffre d’affaires sur un moment creux de la restauration (la fin de matinée). De plus, le ticket moyen d’un brunch s’avère souvent supérieur à celui d’un déjeuner et les marges sont également meilleures, car le coût de revient des aliments n’est pas très élevé en comparaison de menus plus classiques. Les établissements rentabilisent donc rapidement cette offre. Parmi les questions à se poser : un brunch « buffet » ou « à la carte » ?
Le buffet implique que le client gère lui-même son service et son temps. Il permet d’anticiper en cuisine, d’économiser sur les frais de personnel, de fluidifier le service mais il reste souvent associé à une moindre qualité. Autre interrogation : est-il réservé aux dimanches ? Le brunch dominical était traditionnellement réservé aux hôtels, plutôt haut de gamme. Aujourd’hui, il s’est largement démocratisé et il est proposé aussi en semaine. Ce qui induit une offre toujours plus variée, dans laquelle il devient parfois difficile de se différencier. La dernière tendance étant la thématisation : brunch asiatique, marocain, vegan, régional… un moyen d’augmenter un peu les prix. Bien qu’il soit très variable, on passe du simple au double voire au triple. Le brunch commence à 25 € pour aller jusqu’à plus de 100 €, avec un ticket moyen autour de 30-40 € par personne.
Une expérience culinaire différente
Du plus simple au plus sophistiqué, l’éventail est largement ouvert mais le point clé réside dans la proposition d’un brunch qui renvoie bien à l’ADN du lieu. Parmi les options chic, celle du Bar des Maillets d’Argent (Paris 5e) décline le brunch façon « déjeuner du dimanche comme à la maison », orchestré par le Meilleur Ouvrier de France (MOF) Yannick Franques. Un cadre d’exception délicieusement rétro avec des boiseries en chêne et un bar sur mesure, inspiré des années 1930, donnent une toute autre dimension au brunch. Avec au programme : tarama blanc, terrine de canard mazarine à l’orange, tarte amandine, madeleines… pour 85 €.
Les Frangines (Paris 14e) jouent la simplicité et la proximité : « Nous proposons des brunchs depuis une quinzaine d’années et, depuis deux ans, nous les servons tous les jours : le week-end, pour les Parisiens, et la semaine, plutôt pour les touristes », raconte Ornella Fazel, gérante du lieu. La déco de ce bistrot purement parisien, proche de Montparnasse, est originale et chaleureuse, le personnel attentif, la cuisine de saison et de qualité. « Au départ, la formule brunch était plutôt à la française : thé ou café, viennoiseries, et pour le salé, du jambon et du fromage. On l’a fait évoluer en tenant compte des tendances et des envies de notre clientèle. »
Les Frangines proposent aujourd’hui une grande variété de boissons chaudes (thé Dammann, latte, matcha, lait végétal…), des jus frais, un plat salé (egg bun, avocado toast…) et un plat sucré (pancakes, granola, graines de chia…). Une offre qui s’est sophistiquée pour moins de 30 €. « Les clients aiment venir s’installer et prendre leur temps. On le voit bien, c’est un vrai moment de partage, agréable et convivial, plus détendu qu’un déjeuner entrée-plat-dessert. »
Au-delà des gens du quartier, une population fidèle, le brunch s’est fait connaître grâce au bouche-à-oreille… et à un compte Instagram. « Cette formule attire une clientèle très variée, mais je pense qu’elle nous permet de rajeunir notre clientèle, avec des trentenaires, mais aussi des familles qui viennent tester, découvrir. Une petite fille est même venue avec sa grand-mère, qui n’avait jamais brunché ! Certains reviennent le soir pour dîner si l’ambiance et la cuisine leur ont plu. Le brunch, c’est une approche de la restauration moins formelle, qui nous ressemble et qu’on aime servir ! »
De la tradition aux nouvelles tendances
Certains établissements, à l’image du Café Mareva (Paris 18e), proposent même une offre « all day brunch », soit une restauration fondée essentiellement sur les codes du brunch. D’autres occupent le créneau du brunch thématisé, comme Kapara (Paris 1er) avec son brunch levantin aux accents méditerranéens, qui associe le service à la table pour les entrées et un buffet généreux de fromages et desserts (pour 72 €). À l’hôtel Scribe Opéra (Paris 9e), Pâques est l’occasion d’un brunch vécu comme une expérience unique. C’est Martin Simolka, chef du restaurant Rivages, qui a concocté un menu thématique avec un traditionnel Lammele alsacien au chocolat, assorti de l’incontournable gigot d’agneau ou du Koulibiac de saumon en live cooking (95 €).
La Maison Bréguet (Paris 11e) propose également un brunch d’exception, avec différentes surprises gourmandes durant Pâques (65 €). Carlota (Paris 9e) opte pour la carte du cool, tout en maîtrisant son terrain de jeu à la perfection. Aux fourneaux, on retrouve Maxime et Douglas Herrera. « Ici, rien n’est figé : la carte bouge, s’amuse et vit avec les saisons, lancent les jumeaux. C’est une cuisine de partage à l’image de l’Amérique latine, solaire et généreuse. On casse les codes avec le brunch Latam du week-end (35 €), qui met du piquant dans des assiettes qui sentent bon le soleil ! ». Dans un esprit plus français, Félicie (Paris 14e) affiche un brunch dominical « détox » à 26 €.
Ce bistrot, véritable institution de l’avenue du Maine, commence par de classiques boissons chaudes, y ajoute un jus détox et des œufs bio brouillés, puis complète la formule par un tartare de viande française (ou un steak végétal maison). Et pour n’oublier personne, le Kimpton St Honoré (Paris 2e) a même imaginé un « Doggy Brunch », pour les compagnons à poils de ses clients !