Christophe Juville, l’instinct du bon goût

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Christophe Juville a trouvé dans la restauration le moyen de satisfaire sa boulimie créative. L’entrepreneur marseillais, qui s’est fait adopter des Parisiens grâce à ses cantines de chefs (Spok) et à ses tables canailles et bien sourcées, développe à l’instinct un réseau d’adresses aussi singulières que lui.

Christophe Juville Crédit : DR

Ceux qui n’ont rien à perdre n’ont pas peur de l’audace. Christophe Juville est de ceux-là. L’auteur des cantines de chefs Spok et des adresses Lolo, à Paris, ne s’est pour ainsi dire jamais fixé de limites. Le Marseillais, qui signe aussi les bars à vin et bistrots Figure et Ippon dans sa ville natale, a forgé son parcours avec pugnacité, nourrissant sa singularité au fil de ses expériences et de ses rencontres. Un instinctif, toujours à l’avant-garde sans le vouloir vraiment, qui mène désormais un groupe prospère d’adresses en propre et en franchise, ainsi qu’un tout nouveau studio de conseil en restauration.

Près de 20 ans après avoir ouvert le premier Spok pour renforcer l’offre de restauration des Galeries Lafayette, à Marseille, sa franchise n’a pas pris une ride. Bien au contraire. « On n’a rien inventé, mais on le fait bien », lâche le restaurateur. À une époque où le terme « bistronomie » n’existait pas encore et où la restauration rapide n’avait rien de très glamour, il a réussi à conjuguer les genres pour donner naissance à ces cantines éthiques, avec des cuisiniers qui nourrissent autant le corps que l’état d’esprit. Parmi ses leitmotive, produits bien sourcés, recettes cuisinées et véritables chefs aux fourneaux. L’enfant des quartiers nord a forgé sa culture culinaire en visant le plus haut possible. Sorti d’un apprentissage qui fut comme une révélation, et après toutes les mentions complémentaires possibles (service, sommellerie, pâtisserie, etc.), il se nourrit des grandes maisons – Le Carlton à Cannes (Alpes-Maritimes), l’Hôtel de Crillon (Paris 8e) – pour appliquer leur rigueur à ses propres projets.

À 24 ans, son premier restaurant à Marseille, Girafe, engendre une émulation sur une scène culinaire encore très timide. Les assiettes séduisent, l’architecture du lieu offre une expérience nouvelle, le tout-Marseille s’y presse un temps. Sa jeunesse lui vaut d’essuyer quelques revers dont il se nourrit, une fois encore, pour saisir les balles au bond. Homme de contact, ses projets naissent du feeling, d’une volonté de faire ensemble.

« J’ai la chance de savoir déceler des profils singuliers. »
Christophe Juville,

« Chez Spok, il y a une logique de collaborations, mais pas forcément avec des noms connus, plutôt pour faire vivre des talents. J’ai la chance de savoir déceler des profils singuliers, je me laisse guider par mes émotions culinaires. » Certaines rencontres décisives ont donné naissance à Lolo Cave à manger, puis à Lolo Bistrot (Paris 9e), avec Loïc Minel.

Projets et conseil

Plus récemment, c’est un coup de cœur professionnel avec Mathieu Gamaleri (Caché Paris, Amagat) qui donnera bientôt naissance à la trattoria marseillaise Jogging, au sein du concept store éponyme. À 48 ans, fort d’une certaine maturité entrepreneuriale, il entend aussi partager son expérience à travers le studio de conseil Caliente. « Nous proposons d’accompagner des créations de restaurants, des restructurations d’établissements qui n’ont pas réellement d’identité, ou qui veulent se développer en franchise, expose le self-made man, qui a lui-même bataillé sur chacun de ces points. J’ai envie de transmettre car ça m’attriste que de super restos mettent la clé sous la porte parce qu’ils n’ont pas réussi à aborder ces problématiques-là. » Restaurateur et entrepreneur, deux termes qui lui collent à la peau comme ses tatouages.

Deux identités qu’il imbrique inlassablement pour mieux élever la cuisine du bon – vins nature et locavore en tête – et mieux s’élever lui-même. « Spok répond à mon besoin de créer et de développer des projets. Lolo et Figures font plus écho à l’aspect émotionnel que j’ai vis-à-vis de la cuisine. » Il ne sera d’ailleurs jamais question de franchises sur ces deux modèles, « trop axés sur l’identité du chef ». En revanche, le développement de Spok – et bientôt des Cafés Spok qui seront déployés en régions avec cafés de spécialité et restauration à sa façon –, mise exclusivement sur cette multiplicité de profils d’entrepreneurs.

« C’est ce qui fait la richesse du business ! Lorsque j’ai démarré, il n’existait aucune franchise sexy. De cette manière, j’encourage les entrepreneurs qui veulent se lancer, mais n’ont pas d’idée suffisamment aboutie ou bien des faiblesses sur les aspects culinaires ou de direction artistiques. » Le réseau devrait atteindre les 50 adresses en 2025, « sans forcer », et reçoit une multitude de candidatures. « Je ne cherche pas un développement ardu, je veux seulement que la marque dure le plus longtemps possible. » Dès l’année prochaine, l’entrepreneur tentera le premier développement de ces cantines à l’étranger, sollicité par un groupe hôtelier malgache pour s’implanter sur l’île. Peut-être encore un coup d’avance…

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