Faire face à l’obligation du passe sanitaire demandé aux employés

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Depuis le 30 août, les employés de la restauration sont obligés de présenter un passe sanitaire valide pour aller travailler. Si sur le terrain la mesure divise, les professionnels du secteur n’ont d’autres choix que de s’adapter. Témoignages.

Qu’ils soient salariés, bénévoles, prestataires, intérimaires ou sous-traitants, toutes les personnes qui travaillent dans les établissements où il est demandé aux clients un passe sanitaire sont eux-mêmes concernés par cette obligation. La mesure est entrée en vigueur le 30 août dernier, concernant 1,8 million de salariés de différents secteurs, parmi lesquels la restauration. 

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Le seul choix : s’adapter  

« Je trouve ça assez logique de le demander au personnel car on ne peut pas l’exiger à nos clients et pas à nos employés », lance Julien Chazot, chef du restaurant L’Encart à Lyon. L’hiver dernier, il a fait partie du collectif baptisé « Les Essentiels », qui avait pour but d’agir pour le bien de tous les commerçants qui ont été contraints de fermer leurs portes en 2020 et 2021. « Nous avons passé une année compliquée et nous voulons tout faire pour rester ouverts, ajoute-t-il. Si le passe est la solution, nous l’acceptons. » Il assure qu’au sein du collectif, qui réuni une vingtaine de restaurateurs, la nouvelle de l’extension d’obligation du passe sanitaire pour les employés a dans l’ensemble été plutôt bien perçue. « Pour une fois, nous n’avons pas été pris au dépourvu et avons été prévenus suffisamment à l’avance pour prendre nos dispositions », souligne-t-il. 

Même son de cloche du côté de Charlotte Crousillat, cheffe du restaurant Carlotta With à Marseille, qui souhaite avant tout que son entreprise continue à fonctionner après les longs mois de fermeture. « Dans mon cas, toute mon équipe était déjà vaccinée donc je n’ai pas eu de souci, détaille-t-elle. Après, le reste appartient à chacun, je n’ai pas envie de m’exprimer sur l’utilité ou non du vaccin. » Davide Fontana, gérant du restaurant Trattino (Lyon 7), est lui aussi plutôt résigné : « Nous jouons le jeu car nous n’avons pas le choix, je n’ai aucun intérêt à risquer de fermer mon restaurant, cela serait une perte uniquement pour moi, donc nous n’avons de toute façon aucun levier d’actions pour contrer cette obligation. » 

De son côté, le groupe IT Trattoria, qui compte 35 restaurants à travers la France, a misé sur la communication. « Très vite, nous avons tenus nos équipes informées, pour expliquer les démarches et les sensibiliser, cela nous a permis de prendre de l’avance pour que tout se passe au mieux lorsque le passe allait être obligatoire », explique David Asseraff, responsable HQSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) du groupe. Il estime par ailleurs que le fait d’exiger le passe sanitaire aux employés rassure aussi les clients, tout comme le port du masque.

Comment réagir en cas de manquement ? 

Dans leur bistrot lillois, Florine Verhellen et Frédéric Le Bordays n’ont eux aussi rencontré aucune difficulté, puisque tous leurs employés étaient déjà vaccinés avant la mise en place de l’obligation. « Nous avons eu de la chance, nous n’avons pas eu besoin de convoquer nos employés », raconte Florine Verhellen. Elle estime toutefois que les sanctions envers les salariés sont difficilement réalisables pour les restaurateurs. « Si un employé ne présente pas le passe sanitaire, nous pouvons le suspendre de ses fonctions sans salaire, mais qui va le remplacer ? Nous sommes une petite équipe, quand une personne manque c’est tout le service qui devient très compliqué », glisse-t-elle.

Un avis que partage Davide Fontana. « Si l’employé ne présente pas son test il ne peut plus travailler, mais dans nos plannings serrés nous ne pouvons pas compenser l’absence, en plein coup de feu. S’il manque un employé c’est très lourd à gérer », explique-t-il. Si son équipe de 22 employés est actuellement en règle (schéma vaccinal ou tests négatifs), il se questionne sur le long terme. « Demander aux gérants de vérifier les passes c’est assez lourd, si nous devons le faire uniquement jusqu’au 15 novembre ça va encore, mais si cela continue plusieurs mois, cela risque d’être de plus en plus compliqué », pense-t-il. Par ailleurs, il sait déjà que plusieurs de ses employés, même s’ils sont en minorité, ne souhaitent pas se faire vacciner. « Ils vont présenter un test négatif toutes les 72 h, en espérant que cela fonctionne sur le long terme », commente-t-il. David Asseraff émet lui aussi des doutes sur le long terme. « Je ne suis pas sûr que faire des tests tous les trois jours soit vraiment possibles, et nous espérons ne pas faire trop face à de l’absentéisme, surtout avec les difficultés de recrutement que le secteur connaît actuellement », explique-t-il.

Des risques bien réels

Pour rappel, le personnel en cuisine est également soumis à l’obligation de passe sanitaire, dès lors qu’il intervient pendant les horaires d’ouverture au public de l’établissement. À défaut de présenter un passe sanitaire valide, le professionnel doit être suspendu le jour même par son employeur, sans rémunération pour les CDD comme pour les CDI, sauf si la personne prend des congés avec l’accord de son employeur. Un licenciement en cas de défaut de vaccination au Covid n’est pas possible.

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En cas d’absence de contrôle du passe sanitaire, l’employeur risque une mise en demeure par l’autorité administrative, puis une fermeture administrative pour une durée maximale de sept jours. Si le manquement est constaté à plus de trois reprises au cours d’une période de 45 jours, l’employeur peut être puni d’un an d’emprisonnement et de 9 000 € d’amende.

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