« Il n’a pas appliqué le chômage partiel, j’étais déçu qu’il fasse ça »

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La crise due au coronavirus ne touche pas seulement les restaurateurs ou les fournisseurs du CHR. Les salariés du secteur sont les victimes collatérales des fermetures des restaurants. L’hiver dans les Alpes et l’été sur la Côte d’Azur, le chef cuisinier qui témoigne ci-dessous travaille en saisonnier depuis plus de vingt ans, dont une quinzaine d’année chez le même employeur. Il a souhaité garder son anonymat pour raconter sa déconvenue.

Une annonce brutale

« Depuis 18 ans, je fais les saisons : l’été sur la Côte d’Azur, l’hiver dans les Alpes. Mon patron joue le jeu, j’y suis depuis quinze ans alors j’ai le droit aux primes. Je suis chef de cuisine. Le soir de l’annonce, j’étais en poste. Je me rappelle, c’était un samedi soir et le président de la République a dit à 20 heures qu’il fallait fermer, avec une fin de service à minuit. Et on avait toute la marchandise que l’on avait commandée. C’était la grosse période : un mois de mars à la montagne. Nous avons été obligés de fermer. »


Un contrat écourté

« On a fait le nettoyage le dimanche et puis on a dû partir chez nous. Le problème c’est que j’avais un contrat qui allait jusqu’au 26 avril. Il nous a dit “s’il y a des choses qui se mettent en place, je vous ferai signe” et deux jours après les premières mesures étaient dévoilées. C’était un peu discordant au début puisque le chômage ne s’appliquait pas à tout le monde mais en fait, si. Et également aux saisonniers. Je l’ai rappelé mais il m’a dit que c’était trop tard : son comptable lui avait conseillé de faire une fin de contrat et tous les papiers Assedic étaient déjà partis. Il l’a dâté au 15 mars. Il n’a pas appliqué le chômage partiel, j’étais déçu qu’il fasse ça. 

J’aurais pu toucher mon salaire du mois de mars et puis le chômage partiel à hauteur de 84 % pour le mois d’avril… Je perds beaucoup, presque 3 000 euros. Avec Pôle Emploi, j’ai moins que le chômage partiel. Je touche 1 700 € au lieu de 2 000 € net. Trois cents euros d’écart… On se fait avoir. Les aides sont pour les patrons et nous n’avons le droit à rien. Le comptable ne voulait peut-être pas se prendre la tête à avancer les quinze salaires puis attendre le remboursement de l’État. »



Une saison estivale bloquée

« L’été, je travaille sur une plage privée. Elle peut être montée dès le mois de mars et démontée fin octobre. Je devais commencer le 1er mai, après mon contrat dans les Alpes, mais la plage n’est toujours pas montée. Je pense que c’est mort pour la saison. J’ai un ami voiturier dans un grand hôtel à Monaco pour qui c’est compliqué aussi. Tout est bloqué. Et si  les restaurants ouvrent au mois de juin, si vous faisiez 200 couverts et que vous n’en faites plus que 50, il faudra moins de personnel. Ça va être très compliqué dans le Sud de la France. »


Une reconversion imprévue

« Quand je suis revenu sur la côte, je suis allé à l’hôpital pour savoir s’ils avaient besoin de cuisiniers. Et c’était le cas. Du coup, depuis un mois et demi, je suis à l’hôpital. J’ai un contrat de cinq mois en contractuel. Ça me permet d’avoir une qualité de vie que l’on n’a pas en faisant les saisons. C’est l’opposé du type de restauration que je fais. Ce n’est pas mon truc la cuisine de l’hôpital mais les normes d’hygiène sont carrées et je ne travaille pas le week-end. Bon, le salaire n’est pas le même, je suis à 35 heures et je gagne 1 300 € au lieu du double. J’ai du temps pour des activités annexes mais il n’y a pas de contact avec la clientèle et on n’entend pas les bons de commandes arriver.  J’ai 45 ans maintenant alors, on verra…»



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