« Je suis moins naïf qu’au premier déconfinement » : les restaurateurs restent prudents

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Interrogés à la suite des annonces d’Emmanuel Macron sur le calendrier de réouverture, et notamment le retour des terrasses au 19 mai, les restaurateurs restent partagés entre joie de pouvoir recommencer à servir des clients, et l’inquiétude forgée par plus d’un an de déconvenues successives, au rythme des déconfinements et reconfinements.

Patrick Laur, gérant de sept établissements (six à Paris et un à Toulouse)

« Une seule question me taraude : le personnel. »

Nous sommes encore un peu dans le flou mais ce plan constitue une petite lumière pour nous. Nous avons enfin une perspective de réouverture même si la gestion des terrasses risque d’être compliquée. À Toulouse, je dispose d’une grande terrasse, mais cette semaine je n’aurais pas pu accueillir de clients à l’extérieur parce qu’il pleuvait. Nous sommes complètement tributaires du temps qu’il fait, j’espère donc que le chômage partiel sera maintenu. Nous allons bien évidemment respecter le protocole annoncé pour éviter de fermer à nouveau dans un mois. C’est notre responsabilité. Lors de la réouverture, je pense qu’il va y avoir du monde. Nous allons démarrer avec une carte un peu allégée afin de mieux gérer les stocks et de s’adapter à la fermeture à 21h. Une seule question me taraude : celle du personnel. Les salariés, en chômage partiel, ont dû mal à revenir. C’est assez aberrant. À Toulouse, nous avons mis une annonce pour un second de cuisine. En un mois, nous avons reçu seulement deux CV.

Pierre-Christophe Hantz, Le Vaudésir (Paris, 14e)

« Je suis un peu moins naïf qu’au premier déconfinement. »

Les taux d’incidence restent très élevés, les services de réanimation ne désemplissent pas. Je ne vois pas trop comment on peut rouvrir les terrasses et faire la fête. Je suis un peu moins naïf qu’au premier déconfinement, j’attends de voir ce qu’il en est vraiment pour connaître la date exacte. Je n’ai encore rien annoncé sur mon site internet ni sur mes réseaux. Je reste prudent même si c’est un premier signe positif. Nous disposons désormais d’un calendrier progressif et cohérent.

Dans mon établissement, je dispose d’une terrasse privative sur cour d’une capacité de 14 places. J’ai également une terrasse éphémère qui correspond à trois places de stationnement, à l’aplomb de mon commerce. Celle-ci me permet d’avoir une vingtaine de places assises en plus. Avec seulement ces espaces ouverts, je ne pense pas recruter du personnel. Je pense seulement faire tourner mon équipe, composée de sept personnes, vu qu’il y aura encore le couvre-feu à 21h. Je risque néanmoins de me poser la question du maintien ou non de la terrasse éphémère si elle devient payante et si nous connaissons une forte reprise. Car si elle me complique la vie et m’oblige à embaucher, l’équation ne sera pas bonne et j’abandonnerais l’idée. J’ai bien réussi à faire sans pendant 20 ans !

Moïse Sfez, Homer Lobster (Paris 8e et 4e)

« On a surtout hâte de pouvoir rouvrir l’intérieur. »

Personnellement je suis très content, professionnellement l’ouverture des terrasses ne va pratiquement rien changer à mon activité. Je fais de la street-food, j’ai seulement une petite terrasse dans ma boutique située dans le Marais. Cela va être un peu mieux, certains clients vont pouvoir s’asseoir et manger en extérieur. C’est un grand plus. Mais on a surtout hâte de pouvoir rouvrir l’intérieur pour ne pas faire que de la livraison et permettre aux gens de consommer sur place.


Luc Fracheboud, propriétaire de La Bonne Franquette (Paris 18e)

« Peut-être que nous allons travailler les week-ends, mais le midi en semaine je n’aurai personne. »

ll n’y a rien de réjouissant pour le moment. Je ne sais pas, j’attends de voir. Mais je ne suis pas optimiste. Peut-être que nous allons travailler les week-ends, mais le midi en semaine je n’aurai personne. C’est cela qui m’inquiète. Même si on me propose de rouvrir les terrasses, je pense que je n’ouvrirai que les week-ends. Les terrasses ne représentent pas beaucoup de mon chiffre d’affaires. Compte tenu du fait que nous avons une grosse capacité et que nous faisons beaucoup de banquets, c’est cette activité-là qui représente le plus gros de mon chiffre d’affaires. Cela ne va pas changer grand chose pour moi.

Valérie Saas-Lovichi, propriétaire du Patio Opéra (Paris 9e) et vice-présidente des restaurateurs au GNI Paris Île-de-France

« C’est une grande joie de pouvoir rouvrir les terrasses. »

Ce ne sont pas réellement des annonces. Il n’y a encore rien de très précis, et c’est petit-à-petit précisé. C’est une grande joie de pouvoir rouvrir les terrasses. Notre patio est considéré comme une terrasse. Mais pour Paris, cela est compliqué parce qu’il y a beaucoup de bureaux et le télétravail va continuer jusqu’en septembre. Nous avons absolument besoin de quelques aides comme le fonds de solidarité. La meilleure solution serait de l’indexer uniquement sur la base de la perte de chiffre d’affaires.

Laurent Nègre, propriétaire de la Grille Montorgueil (Paris 2e), de l’Etincelle et du Café Marmot (Paris 9e)

« Il va falloir s’adapter avec un protocole sanitaire sur du long terme. »

Nous sommes toujours un peu dans l’expectative parce qu’entre les annonces et ce qu’il se passe réellement, nous ne savons jamais trop. Nous avons une toute petite terrasse pour le Café Marmot, donc je pense que nous n’allons pas rouvrir [pour le 19 mai, date de réouverture des terrasses]. L’Etincelle est en gérance, il va rouvrir. La Grille Montorgueil est dans une rue piétonne donc nous allons prendre quelques libertés au début et nous verrons ce que cela donne. Ce n’est pas parce que nous rouvrons que la pandémie est terminée. Je pense qu’il va falloir s’adapter avec un protocole sanitaire sur du long terme.

Actuellement, l’affaire tourne, nous faisons de la vente à emporter. Je pars du principe que nous allons démarrer de manière tranquille, parce que le 19 mai je ne sais pas s’il fera beau. On sait qu’on va avoir du monde, mais en fermant à 21 h, je pense que cela va être de juste l’apéritif et un peu de grignotage. On va laisser venir, se mettre en place, proposer une carte simple mais cohérente. On ne va pas surstocker parce qu’on ne sait pas encore de quoi l’avenir est fait. On a quand même deux fermetures qui nous ont fait jeter pas mal de matières premières à la poubelle. Et je pense qu’il va y avoir des problèmes d’approvisionnement aussi, si tout le monde commande d’un coup.

Je vais organiser avec mes employés un rendez-vous de préouverture et les faire venir quelques jours avant pour refaire un gros coup de ménage. De toute façon, on n’ouvre qu’en terrasse et cet été je ne suis pas sûr qu’il y ait grand monde, donc on n’a pas besoin de beaucoup de salariés.

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