« Je suis particulièrement en colère contre les assureurs »

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Charles Edouard Barbier, président de la Fédération des Bistrots de pays, est restaurateur à Heilles, un village de l’Oise. Dans ce département durement touché par le coronavirus, le chef et gérant de l’Auberge des Tilleuls fait tout son possible pour que son établissement survive à la crise sanitaire. Une semaine après la fermeture obligatoire, il témoigne.

Dans l’Oise, la population est concernée par le virus depuis 3 semaines

« Je gère la mise au chômage partielle de mes deux collaborateurs. J’ai fait ma demande en ligne d’activité partielle mardi, et à ce jour je n’ai toujours pas reçu les codes permettant d’accéder à mon espace personnel pour faire la déclaration. J’essaye d’activer tous les leviers pour préserver ma trésorerie : j’ai contacté mon propriétaire, ma banque, la sécurité sociale des indépendants et essayé de gérer mes stocks restants. J’ai également rempli ma déclaration de TVA, je pense avoir fait le tour des moyens disponibles pour l’instant. J’ai fermé mon restaurant le 14 mars au soir, c’est un client qui me l’a annoncé lorsque je suis sorti de ma cuisine ! Si cette décision est incontestable et incontestée par l’ensemble de la profession, je trouve que l’annonce d’Edouard Philippe était méprisante envers les restaurateurs : il a annoncé la fermeture à 19h30, à l’heure où beaucoup commençaient le service. Ça nous a causé des problèmes de stocks et de fournisseurs, auprès desquels certains avaient pris commande pour le week-end. »


Des mesures encourageantes mais floues

« Les annonces faites par Bruno le Maire le 17 mars sont rassurantes, mais insuffisantes. Surtout, on ne connaît pas les modalités d’accès aux différentes aides. Il est question de reporter les charges, mais sur quelle base ? Idem pour le report d’emprunt : sera-t-il entièrement décalé ? Est-ce que je vais devoir payer double à la fin du report ? Je n’ai actuellement aucun revenu et le petit établissement que je tiens a surtout un rôle social : je ne suis pas là pour faire du profit. Je réalise 120 000 euros de chiffre d’affaires par an, je ne sais pas comment je vais nourrir ma famille. Pour un mois donné, on paye nos charges avec le chiffre d’affaires réalisé à ce moment-là. Dans ce mois blanc d’activité, il faudrait une annulation des charges. J’attends actuellement plus de précision sur l’aide accordée aux patrons de TPE : apparemment, il faut faire la demande à la DGFiP (Direction Générale des Finances Publiques) pour mars, mais on ne sait pas non plus exactement quels seront les critères d’accès. Je suis particulièrement en colère contre les assureurs, grands absents de la solidarité nationale : tout le monde est assuré tous risques et catastrophe naturelle, mais comme l’épidémie de coronavirus ne rentre pas dans ces catégories, ils ne font aucun geste et refusent d’indemniser. Bruno Le Maire devrait leur tordre le bras en faisant entrer la crise sanitaire dans les catastrophes naturelles : ils seront obligés de payer. » 

Charles-Édouard Barbier, président de la Fédération des Bistrots de pays et restaurateur à Heille, dans l’Oise. Ⓒ Phot OIse tourisme-Bruno Beucher


Préparer l’avenir et participer à la solidarité

« À l’Auberge des Tilleuls, nous avons reçu beaucoup de messages de soutien de nos clients après la fermeture. Surtout les habitués, car cela fait 11 ans que le restaurant existe : ils ont dit qu’ils reviendraient dès la réouverture, voire plus souvent que d’habitude, pour nous soutenir. En attendant, je vais travailler mentalement la future carte printemps ou printemps-été du restaurant. En revanche, je ne me lancerai pas dans la livraison ou la vente à emporter. À titre économique, je n’en ai pas les moyens logistiques et financiers, et puis on a jamais fonctionné comme ça, ce serait saugrenu. Je vais par contre dès la semaine prochaine essayer de livrer une fois par semaine un repas haut de gamme aux pompiers de Beauvais, pour casser leur routine. Je reste à l’écoute des membres de la fédération des Bistrot de Pays et des restaurateurs de l’Oise. Il faut être solidaires. »

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