Kei Kobayashi, le métronome trois étoiles

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Le chef d’origine japonaise a ouvert son établissement, le Restaurant Kei, en 2011. Récompensé d’une étoile en 2012 et d’une seconde en 2017, son étonnante créativité lui a valu un troisième macaron dans l’édition 2020 du Guide rouge. Nous l’avions rencontré en décembre 2019. Extrait.

Kei Kobayashi a vu le jour au Japon, à Nagano. Il a débuté en cuisine à 15 ans, captivé par une émission de télévision dans laquelle apparaissait Alain Chapel. Ce n’est pas nécessairement la cuisine en tant que telle qui a provoqué chez lui un coup de foudre pour le métier, mais son aspect martial, où le cuisinier, coiffé d’une toque, d’une veste blanche et d’un pantalon noir, inspire la rigueur. Durant six ans, Kei Kobayashi a œuvré au Japon, dans un hôtel de Nagano, puis à Tokyo, où il a écumé plusieurs adresses. Très vite, le chef japonais se passionne pour la cuisine française. Cette relation, il décide de la poursuivre en France, où il pose finalement ses valises en 1999. C’est alors Gilles Goujon qui lui ouvre les portes des cuisines de L’ Auberge du Pont, à Fontjoncouse, dans l’Aude. « Cela s’est bien passé, mais le travail était intense ! J’étais chef de partie à la viande », se souvient le chef du restaurant Kei.

Moins de deux ans après son arrivée, il poursuit sa route en Provence, dans un hôtel avignonnais, où il se consacre aux viennoiseries et aux pâtisseries ; puis chez Michel Husser, alors doublement étoilé au Guide Michelin pour le restaurant de l’hôtel Le Cerf. Là encore, il occupe le poste de chef de partie à la viande durant deux ans et demi. En 2003, Kei Kobayashi gagne Paris, pour rejoindre les cuisines du mythique Plaza Athénée, trois astres au Guide rouge, sous la direction de Jean-François Piège, puis de Christophe Moret. L’expérience durera sept ans : « C’est un gros morceau de ma carrière ; j’ai eu la chance d’être le second du restaurant Alain Ducasse au Plaza Athénée… J’avais demandé à mon ancien chef de me donner un coup de pouce pour intégrer l’établissement. Au début des années 2000, les chefs cherchaient des cuisiniers, maintenant ils reçoivent énormément de CV. Le recrutement dans les grandes maisons a évolué. » De son passage dans ce mythique palace, Kei Kobayashi retient la prédominance du produit ; un culte instauré par Alain Ducasse lui-même et qui a trouvé son paroxysme avec le concept de « naturalité », dans lequel le triptyque poissons, légumes et céréales est mis en avant. « La philosophie de M. Ducasse, c’est la recherche du meilleur produit, la régularité dans les approvisionnements de qualité et la confiance envers les fournisseurs. Cela m’a beaucoup influencé », dévoile le chef.

Le restaurant de Kei Kobayashi (une trentaine de couverts) est animé par dix personnes en cuisine et sept en salle. Ⓒ ACDV

Il décide finalement de voler de ses propres ailes dès 2010, en faisant l’acquisition du restaurant de Gérard Besson, Le Coq Héron, qu’il rebaptise Restaurant Kei. Le premier service a lieu en 2011 et, pour le Japonais, c’est le grand bain : « Je suis passé de cuisinier à chef propriétaire, avec le lot de contraintes que cela engendre : management, administratif, etc. Il faut surveiller ses achats et savoir anticiper. » Le restaurant de Kei Kobayashi (une trentaine de couverts) est ainsi animé par dix personnes en cuisine et sept en salle. Le chef met un point d’honneur à parler « d’équipe », estimant qu’un maître queux et ses compositions culinaires ne sont rien sans de fidèles lieutenants.

Tous les produits trouvent grâce aux yeux du chef de 42 ans ; les menus qu’il propose comportent ainsi crustacés, poissons, viandes et légumes. Pour parvenir à maintenir la régularité et la qualité de ses plats, Kei Kobayashi mise lui aussi sur une relation étroite avec les producteurs. « Les fournisseurs choisissent les produits pour nous, la confiance est donc capitale », estime-t-il. À Rungis, ce dernier a choisi de travailler avec Les Halles Trottemant (fruits et légumes), L’Écrevisse pour les crustacés tel le homard, ou encore Huguenin pour les viandes. Mais le chef sait varier ses approvisionnements : ses langoustines de casier proviennent ainsi directement du pêcheur. Très occupé en cuisine, Kei Kobayashi prend encore le temps de se rendre au Marché de Rungis, notamment pour visiter ses grossistes.

Le chef du Restaurant Kei aime cuisiner les produits de la mer. En la matière, il prône la technique de l’ikéjimé, consistant à percer un trou dans le crâne d’un poisson à l’aide d’un poinçon pour l’achever, plutôt que de le laisser agoniser sur le pont d’un bateau. La moelle épinière et les principaux vaisseaux sanguins sont par ailleurs sectionnés de la tête et la queue. La technique est encore peu répandue en France, si bien qu’il sert aussi dans son établissement des poissons issus de la pêche traditionnelle. « L’ikéjimé permet également de conserver le poisson plus longtemps, puisqu’il est vidé de son sang. La fermeté de la chair évolue : dix heures après la pêche, elle devient moins souple, ce qui implique de travailler le produit différemment. Certains chefs trois étoiles n’aiment pas l’ikéjimé, car ils doivent changer leur méthode », décrypte Kei Kobayashi.


 


L’école de la rigueur

Kei Kobayashi a fait ses armes auprès de grands noms de la gastronomie, de Gilles Goujon à Alain Ducasse, en passant par Michel Husser. Du Japon, le chef retient l’esthétisme, la précision, l’harmonie des couleurs, la délicatesse des saveurs et le naturel. De la culture gastronomique française, il recherche l’équilibre parfait entre les saveurs et les textures. Pour le dîner, Kei Kobayashi propose quatre menus (110 €, 150 €, 220 € et 299 €). Au déjeuner, on retrouve trois menus (une offre en cinq séquences à 58 €, puis un menu dégustation à 125 € et un menu prestige à 199 €). Parmi les plats qui ont fait sa renommée, on peut citer le beignet d’artichaut crème de mascarpone et truffe noire ; les gnocchis de pomme de terre, émulsion de parmesan au jambon et lamelles de truffes noires ou encore le bar aux écailles, sauce aux agrumes caramélisés et purée au basilic thaï. Côté sucré, le vacherin aux fruits de la passion, ananas et banane est l’une des créations du chef pâtissier Toshiya Takatsuka. Le restaurant dispose par ailleurs d’une cave de 6000 à 7000 bouteilles, avec plus de 150 références.

Restaurant Kei (3*)

5, rue Coq-Héron

75001 Paris

www.restaurantkei.fr 

01  42  33  14  74

Ouvert du mardi au samedi 


Article paru dans la revue Rungis Actualités, publiée par Au Coeur des Villes

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