L’atout végétal

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Les purs végétariens ou les irréductibles végans sont encore peu nombreux pour intéresser le marketing de la restauration. Mais la montée en puissance d’une préoccupation « flexitariste » chez près de la moitié des consommateurs rend nécessaire la mise en place sur les cartes d’une offre végétale solide et attractive.

Avec la montée en puissance des préoccupations environnementales et sanitaires, les Français se tourneraient davantage vers le végétal. L’an passé, une étude de Xerfi, annonçait que les ventes de produits végétariens et végans marquaient une A progression annuelle de 11 % sur un an. Elles ont généré en 2019 un chiffre d’affaires de 400 M€ dans la grande distribution, en France. Ces chiffres peuvent paraître impressionnants, mais il faut relativiser. Ce marché pèse dix fois moins que le bio. Globalement, la part de la population végétarienne dans notre pays n’excède pas 2 %. Si l’on considère les personnes strictement véganes pratiquant donc un régime végétalien excluant toute protéine animale, la proportion tombe à 0,3 %. A priori, dans ces conditions, il ne paraît pas urgent pour les restaurateurs de se précipiter vers le jardinage.

Bernard Boutboul, président du Gira, cabinet d’études pour la restauration, reconnaît que « les restaurant végans ouvrent et ferment très vite et que les concepts 100 % végétariens ont du mal à tenir la distance. Des enseignes comme Exki ou Cojean proposent une offre végétarienne, mais ne bannissent pas le poisson ou la viande de leurs menus. À Londres, Prêt à Manger décline un second concept, Prêt Veggie qui rencontre un succès intéressant. Mais les dirigeants du groupe estiment que le marché français n’est pas prêt à adopter cette nouvelle enseigne. Dans les pays anglo-saxons, la part des habitants concernés par ces habitudes alimentaires est plus importante. » C’est justement du Canada et plus précisément du Québec qu’est arrivée en France en 2018 Copper Branch qui se définit comme « une cantine 100 % végétale ».

« Il y a désormais 47 % de flexitariens en France »

Responsable de la master franchise en Europe et au Moyen-Orient, Christophe Gaulmin confirme : « Il n’y a aucune trace animale dans nos menus, pas même une once de miel ! » . Le dirigeant auvergnat, né à Montmarault (Allier), « pays du Charolais », n’a aucunement renoncé à faire un sort de temps à autre à une côte de bœuf. « Je suis devenu flexitarien, avoue-t-il. Je mange de la viande plus occasionnellement et beaucoup de Français sont dans mon cas. C’est surtout cette clientèle que nous visons et pas seulement celle de purs végétariens. » Bernard Boutboul estime en effet qu’il ne faut surtout pas passer à côté de cette tendance lourde : « Il y a désormais 47 % de flexitariens en France, c’est pour cette raison qu’il faut prendre en compte ce phénomène. J’ajoute que la génération Z qui arrive sur le marché du travail est très attirée par la cuisine végétale. C’est pourquoi je recommande aux restaurateurs de proposer systématiquement à la carte en permanence une à trois offres végétariennes afin de laisser une alternative aux clients. »

Il faut aussi considérer que des enseignes spécialisées qui ont bien identifié leur offre ont une carte à jouer en répondant ponctuellement aux besoins des flexitariens. Lorsqu’ils recherchent une nourriture végétale, les flexitariens auront tendance à privilégier une adresse légitime sur la question, capable d’apporter une dimension hédoniste à l’assiette. Après des années passées à jouer les utilités, les légumes et céréales endossent de plus en plus souvent les premiers rôles et en cuisine, les metteurs en scène capables de les mettre en lumière sont encore trop rares. On peut d’ailleurs remarquer que les acteurs de la haute gastronomie n’hésitent pas à s’aventurer de plus en plus sur le terrain du végétal. Ainsi, Alain Ducasse et Alain Passard ont ostensiblement réduit la part des protéines animales dans les assiettes de leurs trois étoiles. Ils sont d’ailleurs largement encouragés dans ce sens par le Guide Michelin qui a rendu cette année un hommage très appuyé à la cuisine végétale en accordant pour la première fois une étoile à Claire Vallée chef d’Ona (Arès-Gironde).

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