Aux commandes de son premier établissement, le chef polonais Piotr Korzen offre de nouvelles tonalités à la cuisine de son enfance. De sa Pologne natale, il conserve précieusement un goût pour une cuisine du quotidien, à laquelle il noue la technicité issue de son parcours gastronomique.

Au 70 de la rue Quincampoix, à quelques mètres du centre Pompidou, l’établissement Matka (Paris 3e) – maman en polonais – surprend autant qu’il émerveille. Mais après tout, était-il possible d’en attendre moins d’un bistronomique polonais, installé en plein coeur du marais ? Cette cuisine, sans nul doute sous représentée dans la capitale, souffre de la confusion avec d’autres cuisines de l’Est. Pourtant, les pierogis (polonais) et les pirojkis (russes) n’ont peu de choses en commun, hormis leur forme lunaire. Alors si d’aventure, vous souhaitez désormais les différencier, il faut passer la porte de ce restaurant élégant, fait notable dans ce quartier où les adresses de snacking sont légion.
Ouvert en mai dernier, Matka, premier établissement du chef polonais Piotr Korzen, possède l’allure d’une charmante maison de poupées echafaudée sur deux salles. Si la première pièce, dotée d’un joli bar, confère à l’espace des airs de petite taverne polonaise, c’est dans la seconde que l’on découvre l’étendue des rêveries que semble pouvoir nous offrir Matka.
Rideaux fleuris aux tonalités roses, poutres apparentes teintées d’un profond rouge brique, tables en bois et banquettes rouges sont éclairées par un puits de lumière provenant du plafond et de la verrière. D’ailleurs, le restaurant nous insuffle le souvenir d’une campagne que nous aurions pu rêver ou imaginer à la lecture de contes écrits par les frères Grimm.
Un rêve d’enfant
Arrivé en France il y a désormais une dizaine d’années pour apprendre les rudiments de la cuisine française, Piotr Korzen passe son enfance à Cracovie avant de rejoindre les cuisines de Thierry Marx au Sur-Mesure, au sein du Mandarin Oriental***** (Paris 1er). Il devient ensuite le chef exécutif de La Machine à Coudes à Boulogne-Billancourt (Hauuts-de-Seine). « C’était une superbe expérience mais j’ai toujours voulu ouvrir mon propre restaurant », déclare le trentenaire. Se lancer dans la cuisine qui a baigné son enfance pour en proposer une version plus gastronomique, il fallait tout de même oser. D’ailleurs, Piotr Korzen le dit lui-même : « La cuisine polonaise peut avoir quelque chose d’assez rude.» Mais ça, c’était sans compter sur ses talents d’alchimiste.
Dans sa cuisine, il transforme des produits simples et peu coûteux, comme le chou ou le porc, en mets imprégné de délicatesse et de légèreté. En entrée, la carte suggère une réconfortante soupe au levain, poitrine de cochon, pommes de terre et oeuf parfait… mais également une très originale tartelette aux champignons des bois, choucroute et son jus végétal. En plat, rien de tel que le golabki, un chou farci à l’agneau confit au riz croustillant et à la tomate. « En Pologne c’est du porc qui est utilisé. Mais l’agneau permet d’ennoblir ce plat », déclare le jeune chef.
Bien sûr, difficile de ne pas se ruer sur les Pierogis Ruskie du chef. Ces raviolis au fromage de vache, pommes de terre, oignon grillé et crème aigre sont à se damner. « Le vendredi, comme la Pologne est très catholique, nous ne mangions pas de viande, c’était le jour des pierogis », explique le Piotr Korzen. Pour le dessert, rien de tel que le Sernik, un gâteau au fromage, poires et noix caramélisées, très aérien. Enfin, Matka propose uniquement des vins de l’Est. « Nous avons une vingtaine de références polonaises. C’est parfois compliqué de les faire venir, mais ça me tenait à cœur. Il y a beaucoup de jeunes vignerons là-bas, ils sont décomplexés et proposent des vins très intéressants », conclut le chef.