Quand les restaurateurs se font épiciers

  • Temps de lecture : 5 min

Le développement d’une offre d’épicerie accolée à celle de la restauration à table ne relève pas de la nouveauté, mais ces dernières années le phénomène s’est amplifié et a donné naissance à de nombreuses enseignes. Pour les restaurateurs, l’épicerie représente des ventes additionnelles non négligeables et a le mérite de fidéliser la clientèle.

Cyril Bocciarelli, un ancien de La Maison de la truffe, a longuement perfectionné ses connaissances du produit et affiné ses relations avec certains producteurs de diamants noirs avant de franchir le cap. Après la cession de la Maison de la truffe en 2008, l’homme a décidé de s’établir à son compte et de lancer l’enseigne Truff es Folies, à Paris. Nicolas Orlando, son associé, a, quant à lui, rejoint l’aventure en 2012 en qualité d’apprenti avant de devenir chef de cuisine.


En 2017, Truffes Folies a été dupliquée, rue de Berri (Paris 8e). « Dès le début de l’aventure, l’ambition était d’assurer un service à table tout en proposant des produits d’épicerie estampillés Truffes Folies. Nous assurons également une activité de traiteur pour montrer à nos clients que tout ce qui est dégusté sur place peut aussi se vendre à emporter », détaille Nicolas Orlando en dévoilant ses produits. Fromages et foies gras truffés figurent ainsi en bonne place au-dessus des tables de l’établissement. Malgré le coût important de la truffe à l’achat, les deux associés parviennent à assurer une marge confortable, aussi bien sur les produits d’épicerie que sur les plats servis sur place : « Quand nous achetons de la truffe, nous n’avons pas d’intermédiaire. Cela nous permet de disposer des meilleurs prix auprès de producteurs français et italiens », dévoile Nicolas Orlando, qui constate un bel engouement autour des fromages truffés.


Avec Cyril Bocciarelli, ils achètent ainsi différents fromages, comme le brie avant de le truffer sur place et d’assurer l’affinage. Bien entendu, les produits d’épicerie sont intimement liés à la truffe avec différentes huiles, des sels, des purées de truffes à destination des sauces, du miel à la truffe, du beurre, etc. Ainsi, la plupart des produits sont confectionnés par des artisans partenaires avant que l’étiquette Truffes Folies ne soit apposée sur les différents emballages. Si l’on considère les deux établissements, 80 % du chiffre d’affaires sont assurés par la restauration ; la part restante par les activités de traiteur et l’épicerie. Nicolas Orlando est toutefois soumis à une importante saisonnalité : sans surprise, les ventes additionnelles de Truffes Folies correspondent avec les fêtes de fin d’année où les achats de produits truffés ont le vent en poupe. Résultat, Truffes Folies réalise un ticket moyen de 50 € et un panier moyen d’une vingtaine d’euros concernant le volet épicerie.


« J’AI SENTI LE VENT TOURNER »


Les produits nobles transformés avec passion, le MOF Joseph Viola, qui s’est installé à Lyon avec trois restaurants Daniel et Denise et l’épicerie éponyme, en a fait une spécialité. Celui qui s’est épris des bouchons lyonnais assimile les activités épicerie et traiteur à une tendance de fond. Alors qu’il a racheté le premier Daniel et Denise en 2004, puis créé deux autres unités, Joseph Viola n’a ouvert son épicerie qu’en 2017 à Villeurbanne, mais s’apprête déjà à dupliquer le concept ; la crise sanitaire ayant simplement ralenti ses ambitions. « En 2015, quand nous avons ouvert notre 3e Daniel et Denise, j’ai senti le vent tourner : le rythme du midi avait changé. Il y a eu une diminution des repas d’affaires, tandis que le temps accordé à la pause déjeuner s’est réduit » , commente-t-il. Tout naturellement, il a donc songé à développer une off re de snacking premium couplée à la vente de produits d’épicerie. Une façon, pour lui, de « faire à manger toute la journée » .


Son épicerie-comptoir, équipée d’un laboratoire, est ainsi garnie de quelques tables pour la restauration assise avec, notamment, un plat du jour à 11,50 €. Une fois séduite, la clientèle repart bien souvent avec différents produits, secs ou frais. Au menu, des pâtés de campagne et des pâtés en croûte (l’inénarrable Joseph est champion du monde de pâtés en croûte), des conserves, des produits frais ou encore des fonds de sauce. Au total, plusieurs dizaines de références sont disponibles, dont 50 % sont issus de la production de Joseph Viola, qui emploie aujourd’hui 56 salariés répartis entre ses trois établissements et son comptoir. La formule semble gagnante dans la mesure où l’activité épicerie avoisine 40 % du chiffre d’affaires de son comptoir et que « la vente de produits se fait sans interruption » tout au long de la journée. Fort de son succès, le MOF lyonnais devrait ouvrir une seconde épicerie-comptoir en 2021 dans le 6e arrondissement de Lyon.

Dès que la conjoncture le permettra, il ambitionne également d’ouvrir une unité à Paris.

DES COÛTS DE COMMUNICATION IMPORTANTS

La capitale est pourtant sinistrée. En attendant des jours meilleurs, les restaurateurs prennent leur mal en patience : la crise sanitaire s’additionne au télétravail et à l’interruption du tourisme international. Didier Desert, de l’Ambassade d’Auvergne (Paris 3e) a lui aussi fait le choix d’ouvrir une épicerie réunissant, entre autres, une off re de snacking, des plats à emporter ou encore des vins et salaisons. Ainsi, La Petite Ambassade d’Auvergne a ouvert ses portes en 2018, à 100 m du restaurant. « Il s’agissait de mettre en avant l’Auvergne via une offre plus large qu’au restaurant, avec des conserves ou des condiments par exemple, et de capter une clientèle de quartier qui fait défaut au restaurant. Cela permet aussi de diversifier notre cuisine avec une activité de semi-traiteur », témoigne-t-il. Le restaurateur évoque « un levier de chiffre d’affaires encore anecdotique » dans la mesure où « une épicerie est difficile à faire vivre car il y a un enjeu d’image et d’ancrage » représentant « un coût important ».

Pour faire connaître La Petite Ambassade d’Auvergne, Didier Desert a ainsi développé une communication spécifique avec un site internet et des flyers dédiés. « Il faut capitaliser sur la base du restaurant pour faire connaître et développer le versant épicerie », conclut-il.

www.truffesfolies.fr

www.danieletdenise.fr

www.ambassade-auvergne.fr

PARTAGER