« Repousser pour mieux se casser la gueule », Arthur Garreau

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Arthur Garreau est gérant des Parigots, une brasserie située à proximité de la Place de la République à Paris (10e). Après avoir jeté une partie de sa marchandise et fermé son établissement, il attend patiemment la suite mais reste inquiet pour les retombées économiques. Il témoigne.

Arthur Garreau
Arthur Garreau, gérant des Parigots

Sa réaction à chaud suite à l’annonce de fermeture

« Nous sommes ouverts sept jours sur sept et forcément, nous travaillons beaucoup le week-end. Le dimanche est un gros jour, le lundi midi aussi mais nous n’avons pas de livraisons de frais ces jours-là. Du coup, tout le stock arrive le vendredi. Avoir quatre heures pour fermer, ça a été un peu dur à avaler, surtout avec les frigos pleins. On s’est débrouillé pour donner un maximum mais nous avons malheureusement beaucoup jeté de marchandise, notamment les préparations. On a prévenu les clients qu’on arrêtait de servir à 23h30, le temps de pouvoir plier et pouvoir fermer à minuit. La police est passée un peu avant pour vérifier.

Je suis revenu tout seul le dimanche pour continuer à ranger. Le lundi, nous étions quatre pour préparer la fermeture à long terme : faire un nettoyage de fond, tout filmer, notamment la vaisselle, et éteindre les dernières machines comme la machine à café, le groupe froid, la pompe à bière qu’il a fallu aussi vidanger et mettre en eau. Certaines de ces machines n’avaient jamais été éteintes depuis leur installation. » 


Le quotidien aujourd’hui ?

« Je suis dans l’attente, je n’ai plus rien à faire. J’attends le retour de l’assurance, de mon propriétaire, de mon expert comptable… J’ai laissé les gens reprendre leur respiration, mais là, il va falloir qu’on prépare la suite. Comme je n’ai plus rien à faire au restaurant, je me suis éloigné. L’équipe est au chômage technique. C’est vraiment dur, parce que nous évoluons dans une économie à flux tendu : on utilise toujours les recettes du jour pour faire avancer l’affaire. Là, il y a zéro qui rentre sur le compte. C’est compliqué face aux échéances, aux factures en cours, aux charges sociales, etc. Pour l’instant, les charges sont décalées, mais le problème va rester : c’est une dette pour laquelle nous n’aurons pas le chiffre d’affaires qu’il faut en face donc quelque part, c’est repousser pour mieux se casser la gueule. » 

La brasserie Les Parigots est habituellement ouverte sept jours sur sept. Ⓒ Les Parigots


La vision de la suite ?

« Le confinement a de grandes chances de durer plus de 15 jours. Si les gens sont chez eux pendant 45 jours, je me dis qu’ils seront forcément frustrés et qu’ils auront envie de respirer. Donc, on devrait bien travailler à la sortie. Mais ce qui est perdu est perdu. 

J’espère aussi qu’on sera prévenu suffisamment à l’avance pour anticiper la reprise : le staff devra rentrer sur Paris, pour ceux qui sont partis, et nous devrons préparer l’affaire. Après un mois de fermeture, il va falloir tout nettoyer à nouveau, en espérant que toutes les machines se rallument et soient fonctionnelles. Puis, nous arriverons dans une nouvelle saison alors il va falloir changer la carte. Pour l’instant, de toute façon, c’est le flou. »

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