Foie gras, l’indéboulonnable produit de fête

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En 2020, les restaurants de France et de Navarre avaient été contraints de fermer leurs portes devant l’épidémie de Covid-19. En cette fin d’année 2021, et malgré la cinquième vague, les restaurateurs serviront bel et bien du foie gras sur leurs tables. Ce mets de tradition fait même office de valeur refuge : 88 % des consommateurs l’attendent à la carte des restaurants.

Alors que les fêtes de fin d’année opèrent leur sempiternel retour, le patron de la Maison Masse, Frédéric Masse, constate, dans son point de vente du Marché de Rungis, un intérêt grandissant des restaurateurs pour cet incontournable de la table ; incontestablement le foie gras représente une valeur refuge pour les Français en cette fin d’année. Du bistrot de quartier jusqu’à la table étoilée, il devrait connaître de multiples interprétations culinaires, après un cru 2020 chaotique pour la filière du foie gras en restauration hors domicile (RHD). « Actuellement, le marché se porte bien car le foie gras est très dynamique en RHD, se félicite Frédéric Masse. Cela nous permet d’ailleurs de faire vivre nos producteurs toute l’année. Il y a encore 40 ans, le foie gras était un complément de production pour les agriculteurs. De nos jours, il s’agit de la première source de revenus des éleveurs. »

Selon les chiffres de l’interprofession du foie gras (Cifog), 88 % des Français attendent ce produit à la carte des restaurants pendant la période de Noël. D’ailleurs, il arrive largement en tête des produits incontournables des fêtes de fin d’année : les Français sont 78 % à le plébisciter, devant le saumon fumé (68 %) et la bûche de Noël (66 %). « Il fait partie des indispensables en restauration », résume Camille Guillard, chef de produits senior RHD France et international de Sarrade, la marque professionnelle du groupe Delpeyrat-Maïsadour. Produit « festif » pour la majorité des interrogés par le Cifog (93 %), il est également déterminé comme « traditionnel » (93 %), « à partager » (92 %) et « qui fait plaisir » (92 %). Par ailleurs, le magret, consommé par 86 % de la population, devrait également occuper une bonne place pour cette période de fin d’année. Plus de 6 Français sur 10 estiment que cette viande de volaille unique en son genre se prête particulièrement à la préparation des plats de fêtes.

Hausse de la demande en RHD

La Maison Masse, dont 60 % de la clientèle est représentée par les restaurateurs, se réjouit de cette activité retrouvée. Pour Frédéric Masse ce succès était presque écrit d’avance : « C’est un produit qui est attendu sur toutes les cartes. On ne peut pas sortir le foie gras d’une carte : c’est bon et on peut l’associer avec beaucoup d’autres produits. » En plus de constituer une source inépuisable d’inspiration, Frédéric Masse note que le foie gras est un mets très rémunérateur pour les chefs. À l’heure où les trésoreries sont exsangues, il permet aux restaurateurs de gagner de l’argent, à condition d’appliquer les bons ratios. « C’est un produit qui n’est pas cher finalement. Les clients n’en mangent pas en grande quantité et les prix sont plutôt stables, si on les compare à ceux de certains poissons nobles par exemple », ajoute Frédéric Masse. Du côté de la maison Lafitte (qui produit du foie gras Label Rouge), le son de cloche paraît tout aussi réjouissant pour la filière.

« Les consommateurs attendent un produit bien fait, authentique et qui n’es t pas dénaturé. »

« Nous sommes très confiants, assure Mathieu Sabatou, responsable marketing chez Lafitte. L’activité redémarre alors que 2020 était une année noire pour nos 700 clients restaurateurs, du bistrot au restaurant étoilé. Nous constatons donc une hausse de la demande en RHD. »

Ainsi, Mathieu Sabatou remarque qu’un engouement supérieur à 2019 attend le foie gras en cette fin d’année. « Les Français ont envie de se faire plaisir », martèle-t-il. Preuve de ce succès, la maison Lafitte aurait gagné des clients restaurateurs en 2021. À la Maison Masse, on redoute toutefois les annonces gouvernementales. Après la fermeture des discothèques et des clubs, conséquence de l’annonce d’une cinquième vague, les professionnels, et notamment les traiteurs et les organisateurs de réceptions, sont confrontés à des annulations en cascade. Par ricochet, les ventes de foie gras, en décembre, pourraient être impactées. « Concernant les repas de fin d’année des entreprises, par exemple, les annulations s’empilent », déplore Frédéric Masse, qui réalise 40 % de son chiffre d’affaires annuel en novembre et en décembre. Pour faire face, les fabricants de foie gras misent désormais sur l’agilité et l’adaptabilité : quand les restaurateurs ont embrassé la vente à emporter, ils ont su répondre avec des produits clés en main.

Entre tradition et modernité

« Les fêtes de fin d’année riment avec tradition. Sur les tables des restaurants, on retrouve donc des foies gras d’oies et de canards entiers. Du côté des nouveautés, on constate un engouement pour l’ail noir », précise Frédéric Masse. Il propose à ses clients restaurateurs de l’ail noir produit dans la Drôme par la Maison Boutarin. Ce produit, qui bénéficie d’une IGP, a su conquérir le cœur des chefs. « Ils sont nombreux à avoir adopté ce produit », jure Frédéric Masse. Et d’ajouter :

« Malgré tout, les propositions de foie gras sont assez classiques en fin d’année car c’est le retour aux traditions. » Si les attentes de la clientèle varient, Mathieu Sabatou voit, lui aussi, différentes tendances se dessiner. « Nous avons noté un intérêt pour le foie gras surgelé. Les chefs l’apprécient pour pouvoir ensuite le travailler en escalope. Si les classiques ont toujours la cote, on constate aussi que l’aromatisation, au citron ou à la pomme, fonctionne très bien », détaille-t-il. Une tendance a par ailleurs fait son apparition : le fumage du foie gras au bois de hêtre. Une nouveauté présentée par Lafitte et qui répond, selon Mathieu Sabatou, à l’appétence des chefs pour l’innovation.

Néanmoins, « les consommateurs attendent un produit bien fait, authentique et qui n’est pas dénaturé ». C’est pour sortir des classiques et accompagner les chefs que Rougié, autre prestigieux fabricant de foie gras, propose de son côté différentes nouveautés. Lancée l’année dernière, la verrine individuelle (40 g et 60 g) de mi-cuit Rougié est encore sur le devant de la scène cette année, notamment pour son format adapté à la vente à emporter. Outre le foie gras entier, Rougié commercialise des pâtes fraîches au foie gras, viande de canard, légumes et fruits secs de saison. On retrouve aussi les célèbres escalopes Rougié et ses formats adaptés à la réalisation de salades par exemple, ou au service d’escalopes gastronomiques tranchées à la main et servies sobrement dans l’assiette.

Haro sur le foie gras ?

Plusieurs municipalités de grandes villes françaises ont décidé de bannir le foie gras de leurs réceptions officielles et souhaitent étendre ce principe à la restauration collective de leurs territoires. Au nom du bien-être animal, les villes de Strasbourg, Grenoble, Villeurbanne et plus récemment Lyon, ont ainsi arrêté d’en commander. La Ville de Lyon a même appelé les restaurateurs à limiter l’usage du foie gras au sein de leurs établissements. La ville de Lyon ne s’approvisionnait déjà plus de foie gras depuis octobre 2020, conséquence d’une décision de l’équipe municipale de Grégory Doucet, maire EELV de cette métropole. Selon lui, la production de foie gras « ne permet pas d’assurer le bien-être animal ».

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