Il revient sur le devant de la scène

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Deux années de grippe aviaire. D’autres filières se seraient écroulées, pas le foie gras français. Non seulement, il a survécu, mais il est encore plus à l’écoute de l’époque.

La première chose à noter sur le foie gras en 2018, c’est qu’il y en a. « Le marché français retrouve un peu de stabilité, après les périodes de grippe aviaire, confirme Julien Ferant, chef de marché pour la restauration commerciale chez Davigel. Mais ça reste plus compliqué sur les marchés de l’Est. » Davigel a toutefois retrouvé des approvisionnements d’Europe de l’Est, ce qui permet à l’entreprise de proposer cette année un foie gras mi-cuit (30 % morceaux) hongrois, en trapèze pour une plus belle présentation. « Cette offre est destinée aux clients qui cherchent du prix, car nous sommes à environ 10 euros/kg de moins que sur une origine France », précise le chef de marché. Du côté du haut de gamme, le grossiste a référencé de nombreux produits Rougié. Cette maison se distingue notamment, cette année, par le travail réalisé sur ses packagings.

« Un mouvement lancé après que nous avons remarqué que 10 % des photos sur Instagram sont des photos de nourriture, relate Loïc Morvan, directeur du marketing Rougié. Donc, les chefs veulent maintenant que les produits soient également beaux. Après dix ans d’émissions culinaires, les consommateurs sont devenus sensibles au dressage. » D’où de nouvelles barquettes, moins hautes, qui donnent des tranches plus graphiques et potentiellement plus fines, pour une meilleure couverture de l’assiette.

Rougié propose une petite terrine de 350 g, fine et longue, développée pour la clientèle traiteur, qui demandait un produit reprenant la forme de la terrine en miniature, mais qui permet également de travailler le foie gras à l’apéritif ou dans des offres à partager (type planche).

Du foie gras, pour quoi faire ?

De nombreuses innovations autour du foie gras permettent de l’utiliser sous des formes inédites. Sarrade lance ses bouchées apéritives, de petits disques de 9 g de bloc de foie gras, Rougié relance ses pépites de foie gras que Davigel référence, à la suite du bon accueil reçu par la préparation pour ganache au foie gras lancée l’an dernier… Autant de produits qui permettent au chef d’explorer sa créativité. « On remarque une explosion de plats comportant le foie gras comme ingrédient. Avec la grippe aviaire, les chefs se sont rendu compte que le foie gras est un produit français iconique et irremplaçable, et que, même dans ces circonstances, le consommateur en demande. C’est pour cela qu’ils commencent à vraiment à jouer avec, explique Loïc Morvan Et, de façon matérielle, ajouter même une petite quantité de foie gras permet d’augmenter les prix. » De plus, si la terrine est connotée « fêtes de fin d’année », ces nouveaux formats permettent de désaisonnaliser le produit. Proposer du foie gras toute l’année répond à la demande des clients qui veulent se faire plaisir tout le temps, et permet également de premiumiser la carte.

Les pépites de foie gras Rougié peuvent servir pour des amuse-bouches comme pour des salades.

La tendance est d’ailleurs à aller plus loin que la seule mention « foie gras ». La maison Lafitte a mis l’accent sur ce qu’elle pouvait apporter en termes de communication sur l’origine de ses produits. La marque a mis au point un argumentaire, qu’elle transmet à ses clients, pour leur indiquer les informations qui valorisent le produit. On peut donc voir sur les cartes de ces restaurateurs les indications « Canard des Landes », un logo label Rouge ou un encart complet sur la maison Lafitte. « Depuis la grippe aviaire, les restaurateurs sont bien plus intéressés par la mise en avant de l’origine, développe Fabien Chevalier, directeur général de la maison Lafitte. Ils veulent mettre sur leurs cartes des éléments de réassurance, mais aussi de soutien à notre filière. » En effet, pour le foie gras français, l’actuelle valorisation des produits locaux et du made in France joue à plein. Elle est d’autant plus importante que des produits bulgares ou hongrois, non touchés la première année par la grippe aviaire, ont pris la place sur le marché. « Mais l’attachement au foie français est toujours présent. Cela accompagne son retour sur le marché, et nous permet de tenter de regagner des parts de marché », se félicite Camille Guillard, chef de produit RHF chez Sarrade, avant de préciser que l’entreprise reste difficile car le prix, plus élevé pour le foie français, entre en ligne de compte. Sarrade a toutefois décidé de miser sur le fait que ses canards sont nés, élevés, abattus et transformés en France.

Les bouchées de 9 g de Sarrade peuvent être disposées sur des blinis (ici avec poireaux et spéculoos) ou entre deux coques de macaron.

À votre service !

Autre tendance relevée par tous les experts interrogés : le besoin de service. Chaque marque et fournisseur travaillent à proposer des produits permettant un gain de temps, de main-d’œuvre et une remise en œuvre facilitée. Cela se traduit par des produits faciles à travailler, comme les bouchées surgelées individuellement de Sarrade, ou par des produits calibrés, comme les trois nouvelles références de foie gras cru de Passion Froid, en partenariat avec Rougié. Deux d’entre elles sont éveinées, et l’autre est conservée sous papier. Par ailleurs, une conséquence imprévue de la grippe aviaire est d’avoir poussé la maison Lafitte à développer sa gamme de préparation à l’assaisonnement sur des produits surgelés IQF. « Comme c’était compliqué d’avoir de la marchandise en permanence, on a proposé la livraison de produits surgelés, assaisonnés selon les recettes des clients », explicite Fabien Chevalier. La demande pour ces surgelés sur mesure reste importante cette année, preuve peut-être que les restaurateurs ne sont pas rassurés sur la pérennité de l’approvisionnement.

Ce foie gras sous papier, référencé chez Passion Froid, a une DLC courte mais est plus facile à travailler, car non compressé par la mise sous vide.

L’année 2018 marque également le retour de quelques innovations côté recettes. « Durant ces deux années horribles, la matière disponible était allouée aux blockbusters, ne serait-ce que pour éviter d’avoir des invendus sur des innovations alors que le marché était en crise ! » se souvient Loïc Morvan. Davigel propose ainsi une création Rougié, un foie gras de canard au chorizo cular ibérique. Cette association, a priori osée entre deux produits gras, est en réalité une prise de risque mesurée. « Cette recette est très en lien avec les tendances du moment : l’envie de consommer de la qualité sur des produits traditionnels », explique Julien Ferant. Les nouveautés de ce genre ne sont toutefois pas nombreuses, car, selon Loïc Morvan : « Il y a beaucoup de choses qu’on ne peut pas faire en innovation, sinon le chef a l’impression qu’on empiète sur son travail. » Ce qui prouve bien que les restaurateurs, s’ils apprécient les produits qui leur facilitent la vie, veulent rester de vrais cuisiniers !

Association surprenant foie gras-chorizo

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