Kriaxera, le canard à l’ancienne

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Elle renaît après être passée proche de la disparition. La race de canard kriaxera régale les tables du Pays basque avec son goût rustique et son élevage à l’ancienne, lent et raisonné.

Au cœur du Pays basque se trouvent d’autres trésors que l’ossau-iraty ou le jambon de Bayonne. Parmi eux, le kriaxera, à prononcer « kriatchera », cette race de canard presque oubliée qui attire l’attention à plus d’un titre, d’abord pour ses qualités gustatives qui font écarquiller les yeux des chefs, mais aussi pour sa robustesse qui le protège par exemple de la grippe aviaire.

« Traditionnellement, toutes les fermes cuisinaient ce canard rôti en famille le dimanche. Mais il a été délaissé dans les années 1970-1980, car les industriels misaient sur les canards gras », explique Patrick Dagorret, éleveur en famille, au sein du GAEC Geroa Elgarrekin, qui veut dire en basque « l’Avenir ensemble ». Les canards noirs basques ont peu à peu laissé place aux blancs mulards.

« Nos animaux à nous étaient plus rustiques, plus costauds, mais avaient l’inconvénient pour les industriels d’avoir une croissance lente. Et ils font des foies gras plus petits, donc c’était nettement moins intéressant pour eux. » Le kriaxera n’était tout simplement pas assez rentable.

13 semaines d’élevage et du plein air

Sur cette terre de tradition et de terroirs, quelques irréductibles se dressent face à cette normalisation, et la mort pure et simple qui attendait la race. « Un couvoir a décidé de garder la souche, à Bidasse. » La race était sauvée. Une dizaine d’éleveurs proposent depuis des canards croisés avec du Barbarie, « les kriaxe-ras purs restent au couvoir » . Au final, les bêtes séduisent par leur rusticité, dignes représentants d’une race ancienne et autochtone, « qui n’a jamais de maladie et broute énormément d’herbe, alors forcément, ça se retrouve dans l’assiette » . La grippe aviaire ? Même si elle est véritablement passée par ce couvoir, « il s’est avéré que nous n’avons eu aucun cas de maladies déclarées, ni de mortalité, raconte Patrick Dagorret. On a dû se battre administrativement pour que les animaux ne soient pas abattus. Car sans cela, c’était la fin de la race ». Une bataille qui permet aujourd’hui de pouvoir valoriser cette race méconnue, et résistante. Patrick Dagorret a choisi de travailler seulement des canettes, des canes à rôtir : « À un jour, à peine sorties de l’œuf, on les met dans une poussinière avec chauffage, et au bout de trois semaines, elles sortent sur un parcours arboré de 1,5 ha pour 600 canards. Dès le premier jour, c’est inné, elles mangent de l’herbe et on complémente avec un peu de céréales, jusqu’à 13 semaines où elles sont abattues sur place. » Un élevage lent, à l’ancienne, sans aucun traitement antibiotique, chimique ni aucun vaccin. « Je n’ai pas vu le véto une seule fois chez moi depuis 2017 ! » , note l’éleveur. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux à se lancer dans l’élevage de canards kriaxera, « et c’est une bonne chose, ajoute-t-il, car nous souhaiterions créer une filière à terme ».

Dans l’assiette il présente un vrai goût de canard ! Les anciens qui le dégustent le disent, la viande a le goût de ces canards qu’ils mangeaient chez leurs grands-parents dans les fermes. Disponibles chez Terroir d’avenir, ces canards basques se trouvent aussi sur de grandes tables, comme celles des frères Ibarboure, L’Auberge basque, Andrée Rosier, Hélène Darroze ou chez Alain Ducasse.

Un bon canard finalement, conclut Patrick Dagorret : « C’est de l’amour pour la bête, avoir du bon sens et de l’espace. Ils ont besoin de trotter, ils sont heureux comme ça ! »

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