Le goût des grandes plaines

  • Temps de lecture : 4 min

Les viandes de bœuf et d’agneau irlandais ont un caractère unique qui trouve son origine dans les pâturages. Ceux-ci composent 80 % des terres agricoles exploitées en Irlande et, avec 180 jours de pluie par an, l’herbe consommée par les animaux d’élevage est d’une qualité nutritive optimale. Des paramètres qui font de la viande irlandaise un produit de plus en plus apprécié, notamment en France. Certains chefs français membres du Chef’s Irish Beef Club en assurent même la promotion. Une aubaine pour les emblématiques races Here-ford et Angus.

De l’herbe à perte de vue.

C’est la première description que l’on pourrait faire de l’Irlande tant le spectacle procuré par cette vaste fresque verte est saisissant. C’est dans cet environnement préservé, où la pluie relève presque du quotidien, que les agneaux et bœufs irlandais paissent à loisir : la production d’agneaux, par exemple, est basée sur un système de pâturage ouvert toute l’année. Les animaux ne se nourrissent que d’herbe, sauf quelques mois durant l’hiver où ils disposent de foin, mais aussi d’ensilage. La saison principale de l’agnelage s’étend de février à fin avril, et les agneaux sont élevés dans les prés avant d’être sevrés vers l’âge de dix semaines. Ils sont prêts à être abattus à partir de 12 à 14 semaines. Deux races dominent les élevages, le Suffolk et le Texel.

On trouve également une grande proportion de croisements entre ces deux races emblématiques. Les éleveurs irlandais prônent un élevage extensif fondé sur l’utilisation des ressources naturelles. On dénombre environ 140 000 fermes familiales, et chacune détient en moyenne 32,5 hectares, ce qui permet une faible densité d’occupation. La zone principale d’élevage se situe au centre du pays, où le relief plat repose sur la plus grande étendue calcaire d’Europe. La concentration de calcium rend l’herbe optimale pour l’alimentation des animaux. Ainsi, la distribution de gras des bovins et ovins est plus équilibrée. Dans le cas du bœuf (Hereford et Angus), c’est le gras intramusculaire qui confère sa saveur à la viande. Les animaux produisent par ailleurs moins de gras saturé et jusqu’à cinq fois plus d’omega-3 que les animaux nourris au grain. L’engouement pour la viande irlandaise est tel que les volumes de production sont en hausse. « En 2017, nous avons commercialisé 643 000 tonnes de viande de bœuf, en hausse de 3 % par rapport à 2016. En 2018, nous devrions atteindre 664 000 tonnes, soit une nouvelle hausse de 3 %. Concernant l’agneau, les volumes sont bien sûr plus réduits avec 67 000 tonnes commercialisées en 2017, dont 57 000 à l’export » , détaille Bernadette Byrne, trade marketing specialist chez Bord Bia, l’organisme de promotion des produits irlandais basé à Dublin. Outre l’Angleterre, la France est l’un des principaux marchés de l’Irlande, aux côtés des Pays-Bas, de l’Italie ou de l’Allemagne. « Nos produits s’exportent également aux États-Unis ou en Chine. L’objectif serait d’aller au-delà, notamment dans un contexte de Brexit. Nous cherchons à être moins dépendants du Royaume-Uni, donc nous avons lancé un programme de recherche sur les consommateurs qui a permis d’identifier 15 nouveaux marchés, essentiellement en Asie » , ajoute-t-elle. 40 % des volumes d’agneau irlandais exportés sont absorbés par la France et, selon Bord Bia, les bœufs de race Angus et Hereford connaissent un succès croissant dans l’Hexagone. Ces deux races présentent un petit gabarit adapté au pays : elles ne labourent pas le sol en temps de pluie et arrivent à maturité plus tôt (15 à 16 mois) que leurs voisines françaises par exemple.

Plus petit, mais plus épais

Cette viande de bœuf irlandaise, le Chef’s Irish Beef Club en assure la promotion dans le monde. Le Chef’s Club français, créé en 2009, compte 17 membres. Il est présidé par Jean-Paul Jeunet et permet à chaque membre de bénéficier « de viandes d’excellente qualité, certifiées par le programme d’assurance qualité et de développement durable Origin Green » . L’Angus et la Hereford ont la particularité, à l’instar de certaines races françaises rustiques, d’avoir des muscles de taille réduite, fournissant donc des morceaux de viande plus épais. « Nous avons remarqué, après plusieurs retours d’expériences, que les chefs français préfèrent des muscles plus petits et plus épais. En termes de cuisson et de goût, c’est l’idéal » , explique Bernadette Byrne.

La race Hereford a été introduite en Irlande en 1775 où elle a trouvé des conditions d’élevage idéales. Facilement reconnaissable au dessein de sa robe brun-rouge et à sa tête blanche, le bœuf Hereford est renommé pour sa docilité et sa résistance aux conditions climatiques rigoureuses, ce qui lui permet d’être nourri naturellement à l’herbe toute l’année. Il présente une viande « d’une finesse de grain et d’une tendreté uniques et un aspect persillé authentiquement naturel » . L’Angus est issu d’un croisement entre la vache celtique et le taureau importé d’Écosse par les Normands. La race a la particularité génétique de ne pas avoir de cornes. Les premiers Angus ont été introduits en Irlande vers 1860 et, tout comme l’Hereford, ils ont bénéficié de ce terroir remarquable. L’Angus exhibe une robe uniforme qui peut être rouge sombre ou noire. Sa très grande docilité en fait un animal qui ne connaît pas le stress : un paramètre décisif quant à la qualité de la viande dont la texture soyeuse est due à un léger persillé.

PARTAGER