Le Père Jean : 80 ans de tripoux

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Les tripoux restent l’un des dignes représentants du terroir cantalien. Un plat tripier emblématique qui ne date pas d’hier, à l’image de la marque du Père Jean qui a fêté cette année ses 80 ans.

Les tripoux restent l’un des dignes représentants du terroir cantalien. Un plat tripier emblématique qui ne date pas d’hier, à l’image de la marque du Père Jean qui a fêté cette année ses 80 ans. Aujourd’hui, le produit continue à se vendre, mais peine à séduire de nouveaux palais. Les tripoux représentent bien plus qu’un produit du terroir. Dans le Cantal, impossible de faire l’impasse sur cette drôle de spécialité dans les boucheries-charcuteries et épiceries fines, ou en tête de gondoles des supermarchés. Dans l’inconscient auvergnat, il s’agit de ce plat que l’on partageait les jours de fête de village, en sortie de nuit festive dès potron-minet. Les tripoux, malgré son nom ingrat et son aspect brut, continuent leur bonhomme de chemin. Chez Uniplanèze, entreprise spécialisée dans les plats préparés à Saint-Flour, il se décline en trois lectures. Trois recettes. Trois pays. Trois choses complètement différentes. Et trois préparations qui ont leurs aficionados. « Ceux qui mangent les tripoux du Père Jean ne mangeront pas ceux de la Mère Lavergne, et vice versa », signale Julien Dumas, commercial chez Uniplanèze. En revanche, qu’ils s’appellent Julhes, Père Jean ou Mère Lavergne, tous ont la particularité d’embrasser une carrière remarquablement longue. À l’image des fameux tripoux du Père Jean, qui a fêté ses 80 ans en 2018. Nés en 1938 à Maurs, les tripoux du Père Jean ont su traverser les âges pour compter parmi les meilleurs encore aujourd’hui. « Ils sont souvent primés à l’Académie du tripoux à Tours, un concours jugé par des cuisiniers et une dégustation à l’aveugle », affirme François Ladet, commercial attitré à la marque. Pour célébrer ses 80 années de gourmandises, Uniplanèze a imaginé un nouveau packaging pour donner un coup de jeune au Père Jean, « mais il a toujours son chapeau », rassure-t-on. Charte graphique plus moderne, la figure cantalienne arborera dès l’an prochain un foulard bleu, blanc, rouge, pour affirmer son identité, et surtout son savoir-faire. « C’est pour nous une manière de dire que nous sommes complètement dans le made in France puisque nous sommes sur de l’approvisionnement français », explique Julien Dumas. Mais ce nouveau visage reste encore secret pour le moment.


Une recette originale toujours d’actualité

Qui était le Père Jean? « Un Cantalou qui travaillait à Paris dans le milieu de la viande et de la découpe. Au pays, il a voulu développer sa propre recette de tripoux », raconte François Ladet. Une recette à base de veau, « car Maurs est un bassin laitier depuis toujours ». Ainsi, les tripoux de Maurs se distinguent des tripoux d’Aurillac à base de pansette d’agneau. Chez Uniplanèze, on prend soin de respecter à la lettre les différences. « On ne met pas tout dans le même pot! » La patte du Père Jean se trouve dans le veau, mais aussi dans sa sauce tomatée au vin blanc avec ses épices et aromates. Mais là où il prend toute sa singularité, c’est aussi dans sa confection : « On n’a pas de ficelle. Tout se mange. » La pansette de veau est simplement « roulée comme une paupiette ». À l’intérieur, on trouve les chutes de pansette, un peu d’agneau, de l’ail, du persil. Pour le façonner, on finalise l’étape de roulage en fermant avec un petit boyau de porc. « Auparavant, on utilisait du boyau de bœuf, mais celui-ci était trop cassant et on observait trop de perte », signale Julien Dumas. Une fois blanchis, les tripoux cuisent paisiblement dans leur fameuse sauce. Une étape primordiale pour assurer tout le fondant de cette expression du terroir. Pas moins de six ou sept heures de cuisson sont indispensables pour cela. Si, auparavant, les tripoux de Maurs du Père Jean rimaient avec casse-croûte du week-end, ils se vendent désormais sur le territoire français, en épicerie fine mais aussi en grandes et moyennes surfaces, ou chez les grossistes de Rungis, sans oublier les restaurateurs. Pour les Maursois, « les tripoux restent une institution! » assure François Ladet.

Vers une redynamisation du produit

Les tripoux, un fond de terroir oublié? Peut-être. À l’ère du terroir qui fleure bon l’authenticité et attire de plus en plus les consommateurs, les tripoux restent un peu à la traîne de la mouvance. « Par exemple, aucun chef étoilé ne les travaille », regrette Julien Dumas. En revanche, chez les Toques d’Auvergne installées dans le Cantal, certains chefs parviennent à les sublimer. Ainsi, Bruno Giral, chef du Nautilus à Saint-Flour, les décline en lasagnes, remplaçant le bœuf par cette spécialité locale et l’emmental par du cantal. Patrice Duclos, Chez Geneviève, cuisine les tripoux en rouelle avec des lentilles blondes de Saint-Flour. Essentiellement consommés « par les anciens », les tripoux peinent à séduire les générations suivantes. Et les ventes baissent. « Ce n’est pas un produit que l’on met sur sa liste de courses, mais cela reste un achat plaisir pour ceux qui l’aiment », signale Julien Dumas. Alors, pour remédier à cela et donner un coup de pouce aux tripoux, le service recherche et développement table sur l’élaboration d’une gamme premium, car ce produit du terroir reste malgré tout encore ancré dans les racines des Cantaliens. Et un jour, peut-être, les tripoux du Père Jean, de la Mère Lavergne ou de la maison Julhes s’afficheront eux aussi fièrement sur les cartes étoilées de la région. Jusqu’à Paris. 

Uniplanèze en chiffres
. 70 employés
. 1500 clients
. 500 matières premières en gestion
. 500 recettes tous produits confondus
. 30 recettes de tripoux
. 1500 tonnes de produits transformés
. 10000 litres de vin blanc par an pour les sauces tripoux
. 1,5 million de tripoux confectionné par l’atelier de Saint-Flour chaque année

Déclinaison des tripoux du Père Jean

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