Les raisons du succès

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Est-il préférable de recourir à des volailles entières ou à de la découpe? La question, loin d’être oiseuse, mérite d’être posée. Quoiqu’en pensent les puristes, les découpes ont leurs avantages, qui sont fort nombreux.

Le match est déjà joué. La volaille découpée a gagné la partie depuis des années. Les poulets et autres canards entiers ne tiennent plus que quelques rares bastions. « Pour les boucheries-charcuteries-traiteurs, nous vendons plus de pièces entières que de découpes – et ce sont alors souvent des volailles fermières ou Label rouge, confirme Erwan Pencalet, directeur marketing de Gastronome Professionnels.  Mais en restauration hors domicile, on va vers toujours davantage de découpes, quelle que soit la volaille. » Dans le segment de la restauration commerciale en particulier, certains types d’établissement résistent encore et toujours et achètent des produits entiers. Ce sont généralement et sans surprise les rôtisseurs, ainsi que les restaurants gastronomiques. « Dès que le positionnement est plus gastronomique, on s’oriente davantage vers de la volaille entière, car les chefs vont savoir imaginer de nombreuses  recettes pour les différentes parties et utiliser la volaille en entier », explique Anne-Lise Clavel, responsable marketing SBV. Tous les fournisseurs interrogés ont donc dans leur catalogue des volailles entières. Ils font même mieux que maintenir cette catégorie: celle-ci évolue vers une offre toujours plus premium.
Chez Transgourmet, cela se traduit par le développement de la gamme Origine, qui propose par exemple de la caille de Challans, de la pintade fermière du Maine ou du poulet fermier de l’Argoat, tandis que Gastronome Professionnels met en avant sa filière La Nouvelle Agriculture, avec un poulet élevé sans traitement antibiotique, nourri sans OGM et selon le cahier des charges Bleu-Blanc-Cœur. Mais tous les produits précédemment cités sont également proposés à la découpe. Le poulet La Nouvelle Agriculture est ainsi décliné en sept références supplémentaires.


Question pratique

« La différence de qualité est perceptible selon le mode d’élevage, mais ce n’est pas parce que vous coupez la volaille qu’elle sera moins bonne », assure Erwan Pencalet. La bataille ne se joue donc pas sur le gustatif,  mais sur des considérations pratiques et économiques. « Le sens de l’histoire, c’est de se diriger vers la découpe, notamment parce qu’il est de plus en plus difficile de trouver de la main-d’œuvre qualifiée, et parce que le personnel est moins nombreux, explique Jérôme Dumont, chef de groupe achats-produits frais pour Transgourmet. On est dans une époque où l’on doit être apporteurs de solutions. » Les fournisseurs travaillent donc à élargir leur gamme de découpes afin qu’elle soit  adaptée à tout type de recettes, de matériel ou de modes de cuisson. Chez Transgourmet, 20 % de la gamme estivale change donc chaque année en fonction des goûts du moment. Gastronome Professionnels mise sur des émincés diversement aromatisés ou encore sur des aiguillettes croustillantes, qui peuvent être utilisés en burgers, en sandwichs ou sur des salades. Et SBV annonce le lancement, en mars 2019, sous la marque Poule et Toque, d’un poulet façon churrasco – une découpe spécifique pour pou- let à griller – et d’un demi-poulet cuit rôti en septembre 2019.


Question économique

« Évidemment, il est moins cher d’acheter une pièce entière, car la découpe est plus coûteuse en prix au kilo, reconnaît Jérôme Dumont. Mais le coût final est mieux maîtrisé avec des découpes. » Car les restaurateurs, qui ne souhaitent pas forcément utiliser tous les morceaux, évitent tout gaspillage en n’ache-
tant par exemple que des cuisses. De plus, les découpes apportent un gain de temps et leur calibrage régulier permet de contrôler le coût/portion. Le marché évolue  d’ailleurs en proposant des calibrages de plus en plus précis et nombreux: sur les 11 références de dinde La Nouvelle Agriculture de Gastronome Professionnels, 5 sont des escalopes, déclinées selon leur grammage (de 80 g à 160 g). « Avant, nous n’avions pas les mêmes moyens pour calibrer les morceaux. Mais on a optimisé la sélection, le travail et la découpe des volailles. La demande de découpe a donc augmenté également parce que l’offre a changé, souligne Erwan Pencalet. Sans oublier les nouvelles offres de conditionnement, comme le sous-vide, qui permet de rallonger la DLC des découpes – alors que les volailles entières sont rarement mises sous vide, car technologiquement parlant, nous n’avons pas forcément les moyens de le faire. » Le directeur marketing de Gastronome Professionnels annonce d’ailleurs l’arrivée, au second semestre 2019, de médaillons de cœur de filet de
dinde calibrés à 40 g (à 3 g près). Et si 40 g peuvent sembler former une bien petite portion, elle est idéale pour des enfants en maternelle. En variant le nombre de médaillons disposés dans l’assiette, un chef peut donc servir tous les âges avec un seul produit.

Question d’expérience

Si l’utilisation de volailles entières amène la problématique de la découpe, celle-ci peut aussi devenir un avantage. Ainsi, le maître d’hôtel Gil Galasso a remis à jour, pendant les recherches effectuées pour sa thèse « L’art de la découpe à table: trajectoires 1700-2017 », les découpes dites « à la volée ». Cette méthode très impressionnante consiste à découper, en l’air et en deux minutes, un poulet maintenu au bout d’une fourchette. Mais des établissements plus modestes et un personnel moins formé peuvent aussi mettre en scène la découpe du poulet. Les volailles que le restaurant Pedzouille la Bassecour propose au dîner sont apportées entières à table, avec le couteau permettant de les tailler. Le mode d’emploi est affiché dans la salle, ainsi que sur les tabliers mis à disposition de ceux qui affronteront la bête. « Nous, nous n’achetons pas de découpes, même si cela peut permettre des économies, explique Thomas Giraudier, cofondateur et gérant de Pedzouille. Nous acceptons de prendre des risques, pour faire vivre une expérience différente à nos clients. Et c’est aussi cette expérience qu’ils viennent chercher. » Certes, aux repas de midi, la volaille est servie déjà portionnée à des consommateurs qui désirent généralement manger vite. Mais la cuisine est ouverte et ces clients peuvent voir le personnel travailler à partir de volailles entières.

La gamme des aiguillettes panées de Gastronome Professionnels s’est enrichie de variantes ail et citron et hot’n spicy.

La méthode de tranchage – secrète – de Gastronome Professionnels permet d’attendrir naturellement la dinde, tout en divisant par deux la perte à la cuisson.

La collection été 2019 de Transgourmet proposera notamment proposées des brochettes de poulet au thym et au citron, ou marinées façon thaïe.

La gamme des aiguillettes panées de Gastronome Professionnels s’est enrichie de variantes ail et citron et hot’n spicy.

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