Taureau de Camargue : la viande à l’état sauvage

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En Camargue, seuls les meilleurs taureaux ont le privilège de descendre dans l’arène ou de participer aux courses. Les bêtes écartées sont valorisées en boucherie où leur viande, très nature, bénéficie d’une AOP.

taureau
Petit, robe noire, grandes cornes en lyre, dressées vers le ciel… Le taureau de « Raça di biou » trouve son origine en Camargue. Athlétique, c'est une race destinée aux courses. Crédit : DR.

Dans tout le delta du Rhône, le Gard et une partie de l’Hérault, la tradition taurine est encore vivace. Star des arènes ou des courses à la cocarde, le taureau camarguais continue de faire vibrer les aficionados et d’animer les fêtes folkloriques au moment de la temporada, la saison des jeux, de mars à septembre. « Les taureaux sont avant tout destinés à cela, rappelle Claire Mailhan, éleveuse près d’Arles (Bouchesdu-Rhône) et présidente de l’association AOP viande de taureau de Camargue. Chaque élevage – on dit ici “manade” – essaie d’abord de produire des animaux destinés à briller devant le public et les “raseteurs” qui les affrontent. Cependant, ils ne sont pas tous aptes : quand un taureau n’est pas combatif, il est valorisé pour ses qualités bouchères. » Pour en tirer le meilleur parti, les manadiers créent, en 1992, l’association pour la promotion de la viande de taureau de Camargue. Quatre ans plus tard, leur démarche est récompensée par l’obtention d’une AOC – la première pour une viande bovine française, puis par une AOP européenne en 2001.

Deux races figurent au cahier des charges : la « raço di biòu », typiquement camarguaise, et la race Brave (moins courante), dont la morphologie est celle du taureau de corrida espagnol, massif et puissant. « L’appellation a retenu le nom de taureau, mais les “raço di biòu” sont majoritairement castrés, précise Claire Mailhan. En race Brave, seules les femelles sont abattues, les mâles étant mis à mort dans l’arène. Cela change peu de choses au goût, qui vient principalement de la façon dont sont élevés les animaux. » Dans les manades, où les « gardians » à cheval mènent les troupeaux, les taureaux sont laissés en liberté. Dehors toute l’année, les bêtes ne doivent pas rencontrer de clôtures, et sont manipulées seulement par des cavaliers. Le pâturage doit se dérouler au moins six mois en zone humide, sans compléments alimentaires – sauf l’hiver où il est permis d’apporter du foin et des céréales produits localement. « Mais le moins possible, insiste la présidente de l’AOP. On veut vraiment ménager la rusticité des bêtes. Elles restent trois ans dans le marais. Ce mode d’élevage permet d’affirmer leur caractère sauvage et joue un rôle dans la typicité de la viande. »

Tendre, très peu grasse, rouge, cette viande a un aspect qui rappelle celui du gibier. « Ça n’en a cependant pas le goût, rassure Claire Mailhan. La viande de taureau camarguais est plus typée que celle du bœuf domestique, mais elle n’est pas forte. » Avec une production évaluée à seulement 285 tonnes en 2022, pas facile de goûter au taureau camarguais AOP ailleurs que sur place. Du côté des tables gastronomiques, Frédéric Lacave en propose au menu du Flamant Rose à Albaron (Bouches-du-Rhône), Michel Kayser dans son établissement étoilé de Garons (Gard) : Restaurant Alexandre**. Autre alternative, se rendre dans une manade : un grand nombre d’entre elles ont en effet diversifié leurs activités vers l’accueil du public, l’hébergement et la restauration. Le taureau y est traditionnellement préparé en « gardiane », un plat de sauté en daube, ou grillé. « Pour ma part, je trouve que les pièces nobles méritent d’être consommées saignantes, sourit l’éleveuse. Avec un riz de Camargue, bien sûr ! »

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