La croissance pétillante des crémants

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Le crémant désacralise l’effervescence et séduit de plus en plus les clients en CHR. Il faut dire que les producteurs, réunis dans une fédération, y sont pour beaucoup puisqu’ils font désormais la promotion de leur appellation collective et cherchent à rehausser l’image du crémant pour lui donner une place légitime à table.

La tendance est à l’effervescence. Alors que le champagne conserve une image de produit d’exception et de vin sacré, les crémants sont portés par l’évolution des modes de vie. « On commercialise autour de 82 millions de bouteilles en moyenne, un marché en progression mais la production peine à répondre à la demande, les gels et la sécheresse ayant eu un impact sur la disponibilité de la matière première », explique Olivier Sohler, directeur de la Fédération nationale des producteurs et élaborateurs de crémant. Néanmoins, jusqu’à la crise, le marché était très porteur, on rêvait d’atteindre une production durable de 100 millions de cols », évoque Olivier Sohler. Il faut dire qu’en 2019, les signaux sont au vert car les différentes appellations de crémant ont dépassé pour la première fois la barre des 110 millions de bouteilles produites, leur objectif historique. Tout l’enjeu réside alors dans la stabilisation de leurs volumes dans le temps, notamment pour gommer les incidences des aléas climatiques afin de consolider leurs marchés. Puis, les trois premiers mois de l’année 2020 s’inscrivent dans la même ligne droite que 2019 jusqu’à ce que la Covid vienne modifier la donne.

« Fin juin, nos ventes avaient chuté de 15 % tous circuits confondus. En revanche, lors du déconfinement en juillet et en août, nous n’avions jamais connu de telles progressions : + 20 % sur chacun des deux mois, ce qui a compensé une partie de la perte. De – 15 %, nous sommes ainsi passés à – 9 % à la fin août, avant un nouveau coup de frein en septembre et octobre. Finalement nous avons perdu sur l’année environ – 10 %, ce qui reste acceptable au vu de la situation », analyse le président de la fédération. La crise sanitaire a toutefois obligé les producteurs de crémant à réduire les quotas de rendement de 1 000 litres à l’hectare pour être plus en phase avec la loi de l’offre et de la demande. « Si en 2019 et en 2018 nous étions confrontés à une problématique de disponibilité insuffisante, nous avons réduit pour la première fois les rendements, tout en gardant une marge de manœuvre en perspective de la sortie de crise. » Il s’agit de se tenir prêt car les vins pétillants séduisent de plus en plus les consommateurs, si bien que la France est devenue le troisième consommateur mondial de vins à bulles après les États-Unis et l’Allemagne.

Le crémant s’invite sur les tables et revendique son statut gastronomique.

Un marché porteur en CHR

L’engouement des crémants se retrouve sur le marché CHR. La Fédération nationale des producteurs et élaborateurs de crémant a axé la communication autour d’un slogan commun « Osez la différence crémant » , car loin de se faire la guerre, les producteurs réunis dans une fédération depuis 1982 font la promotion de leur appellation d’une seule et même voix. Et même si les effervescents italiens, comme le prosecco, ou espagnols avec le cava, montent eux aussi en puissance (17,7 millions de litres pour un CA de 130,6 M€ en 2020 1), le crémant (74,7 millions de litres en 2020 pour un CA de 412,8 M€ 1) continue à tirer son épingle du jeu, d’une part grâce à son très bon rapport qualité-prix, mais aussi parce que l’appellation bénéficie d’une image plus haut de gamme que ses concurrents européens. Le cahier des charges établit qu’il doit être issu d’une vendange manuelle et il résulte d’une prise de mousse 2 en bouteille et non en grande cuve close, comme c’est le cas pour le prosecco. Certains acteurs français pratiquent également un mode de fermentation particulièrement délicat. C’est le cas de la cave de Jaillance avec son Crémant de Die : sa fermentation se produit à froid entre 0 ° et 2 ° et sans ajout de levures. Sa méthode ancestrale fait recette favorisant son déploiement dans d’autres régions. Aujourd’hui présente sur trois terroirs pétillants en AOC (Vallée-du-Rhône – Bordeaux – Vallée de la Loire), elle élabore plus de 8 millions de bouteilles de vins effervescents AOC par an.

De façon générale, l’ensemble des bulles sous appellation sont donc protégées par leur notoriété. Les huit régions qui la revendiquent sont présentes en restauration, avec dans le trio de tête l’Alsace – pionnière en la matière -, la Bourgogne et la Loire. L’ambition de la filière est d’étoffer la gamme de crémants disponibles sur ce circuit avec une offre différenciante qui va au-delà du blanc et du rosé classique, via notamment des cuvées prestiges ou millésimées. « Ce créneau vise un marché plus haut de gamme, souligne Olivier Sohler. L’idée est de disposer d’une offre sur tous les instants et tous les plats. » L’une des pistes explorées est l’extra brut qui tend à accompagner une grande variété de plats tout au long du repas. « Il faut enlever du sucre plutôt que d’en ajouter pour aller vers un produit de gastronomie, pense Olivier Sohler. Ce type de cuvée a vocation à devenir la locomotive de toute la catégorie pour développer sa notoriété et lui trouver une place légitime à table » . Pour y parvenir, encore faut-il former les équipes et les sommeliers. C’est pourquoi les huit régions revendiquant l’appellation crémant invitent les prescripteurs, sommeliers et restaurateurs pour des dégustations. « Ils sont les bienvenus » , confirme le président de la fédération.

Notes

1 Source : Nielsen, circuit HMSM+Proxi+Drive.

2 La prise de mousse est la phase qui permet à un vin tranquille de devenir effervescent. Elle consiste en une deuxième fermentation alcoolique.

Les 8 AOC en chiffres

Crémant d’Alsace

– 530 élaborateurs

– 4 000 ha

– 35 millions de cols

Crémant de Bourgogne

– 133 élaborateurs

– 2 930 ha

– 20 millions de cols

Crémant de Loire

– 775 élaborateurs

– 2 626 ha

– 18 millions de cols

Crémant de Limoux

– 21 élaborateurs

– 955 ha

– 4,5 millions de cols

Crémant de Bordeaux

– 10 élaborateurs

– 816 ha

– 4,5 millions de cols

Crémant du Jura

– 167 élaborateurs

– 400 ha

– 2 millions de cols

Crémant de Die

– 13 élaborateurs

– 30 ha

– 500 000 cols

Crémant de Savoie

– 42 élaborateurs

– 40 ha

– 500 000 cols

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