Les rosés à la recherche de valorisation

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Même si le marché des vins rosés commence à stagner, cette couleur est bien ancrée dans les habitudes des consommateurs. Les vignerons, notamment en Provence, s’efforcent aujourd’hui de mieux valoriser ceux qu’on considérait hier comme des petits vins de soif.

Bouteille de rosé.
Les rosés à la recherche de valorisation. Crédit : Hervé Fabre.

L’heure du déclin est peut-être en vue pour les rosés. En 2021, on a pu constater que leur consommation a reculé en volumes sur le marché domestique. Ce tassement sensible était comparable à celui des rouges, alors que les blancs enregistrent un net regain d’intérêt ces dernières années. Il faut reconnaître que les rosés ont bénéficié de près de trois décennies d’euphorie. Ils ont profité de la longue érosion des rouges pour se glisser durablement et en toute saison dans les verres des consommateurs. Ils constituent aujourd’hui un gros tiers de la production de vins tranquilles. C’est une particularité française, car selon FranceAgrimer, en 2019, à l’apogée de cette couleur, l’Hexagone produisait 34 % des volumes en rosés alors que les Français, champions toutes catégories, assuraient 35 % de la consommation mondiale.

Une baisse de la consommation 

La stagnation des ventes de rosés en France est peut-être provisoire. En sortie de crise sanitaire, le marché n’a pas encore trouvé ses repères. Il faut cependant préciser que la tendance à la baisse de consommation est encore plus marquée pour les rosés AOP. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène. D’une part, les aléas climatiques ont une incidence sur l’abondance des différents millésimes. D’autre part, l’export tend à augmenter rapidement et à tirer les prix vers le haut. C’est particulièrement vrai pour les rosés de Provence qui, en 2020, commercialisaient 43 % de leur production hors de France. En dix ans, l’export des vins de cette région qui produit 91 % de rosés a été multiplié par cinq. Or, cette région a connu cinq années consécutives de rendements médiocres en volumes ; ce qui explique que le rapport entre l’offre et la demande soit déséquilibré.

Les clefs du succès des rosés

Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer l’effet du marketing très présent dans cette région. Le prix des AOP provence à la bouteille est ainsi, en moyenne, près de deux fois plus élevé qu’il ne l’est dans le Rhône ou le Sud-Ouest. La situation de ce vignoble qui produit plus d’une bouteille de rosé sur trois en France (la proportion est encore plus significative pour les AOP), est devenue très enviable aux yeux des investisseurs. Grandes fortunes françaises et même vedettes hollywoodiennes y ont déjà pris position. L’année passée, l’homme d’affaires, Stéphane Courbit, n’a pas ménagé son chéquier en Provence pour acquérir le Mas Estoublon (Baux-de-Provence), notamment avec l’aide du restaurateur parisien Thierry Bourdoncle. Plus récemment, le même Stéphane Courbit s’est offert successivement le Château Beaulieu, plus vaste propriété de l’AOP coteaux-d’aix, et le domaine de Cantarelle (Coteaux Varois en Provence), en association avec l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy. Les majors du luxe arrivent aussi dans la région. Après s’être successivement offert les Châteaux du Galoupet et d’Esclans, LVMH a récemment mis la main sur Minuty. Le groupe Pernod Ricard est pour sa part devenu majoritaire dans le Château Sainte-Marguerite, grand cru classé, largement pourvu de 200 ha de vignoble. Les acteurs historiques ne restent pas inactifs. Ainsi, la famille Combard, propriétaire du Château de Figuière depuis 1992, a acquis en 2020 le Château Barbeiranne et vient récemment de mettre la main sur les 75 ha du Clos Fanny (Var) pour contrôler un ensemble de 235 ha.

La Provence n’aura bientôt rien à envier à la Champagne en matière d’ancrage dans le monde du luxe. Les cuvées spéciales se multiplient et des élevages dans les fûts de chêne font leur apparition dans certaines cuveries. En période de forte inflation, la montée des prix de vins de Provence les éloigne du simple vin de comptoir. Le rosés ne vont plus nécessairement de pair avec l’happy hour. De plus en plus de restaurateurs et de cafetiers lorgnent désormais sur les IGP de cette région. Il restent ainsi en phase avec les consommateurs. Ils s’intéressent également à d’autres régions comme la Corse, le Languedoc mais aussi l’Anjou, berceau historique de cette couleur.

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